Rencontre avec les trois vignerons genevois nominés au GPVS 2023

La cérémonie du Grand Prix du Vin Suisse est très naturellement suivie par toute la filière vitivinicole du pays, mais aussi par la presse nationale, surtout spécialisée. Durant cette soirée, qui est un peu la « fête nationale du vin Suisse », sont primés des vignerons qui ont présenté leurs vins dans le plus important des concours nationaux (2740 vins inscrits cette année).

Il y aura 91 vins en finale. Deux nouvelles catégories ont été créées : Chardonnay et Syrah.
Outre les vainqueurs de chaque catégorie, des prix spéciaux sont aussi attribués, dont, entre autre, celui de la cave suisse de l’année.

Qui pour succéder à Olivier Mounir, vigneron (bio) de Salquenen ?
Il est difficile de faire un pronostic, ce qui laisse un certain charme et une incertitude de bon aloi avant de se rendre à Berne demain après-midi.

Cette année, trois caves genevoises seront présentes, et deux d’entre elles se voient nominées deux et trois fois. Naturellement, comme d’autres, elles ont donc toutes leurs chances de se distinguer et d’espérer remporter le prix le plus prestigieux d’entre tous : celui de la Cave de l’Année 2023. Un titre qui n’a je crois jamais été obtenu par une cave du canton (on me corrigera si je me trompe).

Je suis allé à la rencontre de ces trois professionnels mardi 03 octobre :

PS  : des commentaires de dégustation sur les vins dégustés durant la journée seront publiés prochainement.

Lionel Dugerdil, le Clos du Château, à Choully :

En cette fin des vendanges 2023, Lionel Dugerdil m’a reçu tout sourire. La bonne humeur est visiblement ancrée dans son tempérament. Les nouvelles étaient bonnes sinon très bonnes. Le Clos du Château n’est pas seulement une exploitation viticole biologique, c’est aussi une ferme, avec une cinquantaine de bovins de race Angus, mais aussi de porcs laineux, dont les trois truies venaient récemment de mettre bas une vingtaine de porcelets.
Et comme cela est de mise, le Clos du Château est un domaine vivant, actif dans l’évènementiel : soirées pizza et dégustation chaque premier jeudi du mois (sur réservation), et surtout une belle et spacieuse salle de 180 mètres carrés en location pour des évènements privés (l’ancienne salle des pressoirs).

Le vigneron avait attendu mon arrivée en milieu de matinée pour lancer la vidange de la benne vers l’égrappeuse et la cuverie surtout. Puis, nous nous sommes rendus dans les vignes, où il a donné quelques indications à ses employés sur l’avancée du travail en cours à la cave, et reçu des informations sur leur progression en retour.
La voix est calme, posée, douce même, mais l’on sent que l’équipe est dirigée par un homme qui allie volonté et efficacité.
De ces vendanges il s’en montre particulièrement satisfait. 100 % manuelles, elles se sont déroulées de façon parfaitement huilées, grâce à une météo on ne peut plus clémente, mais aussi parce que des habitudes et une organisation de travail sont désormais bien en place. En ce mardi matin, le Clos du Château vendangeait les vignes de merlot.

Puis il m’a présenté la cave, évoqué avec une fierté légitime le travail entrepris pour la mettre dans l’état actuel (plusieurs couches d’enduit se superposaient sur les briques avant qu’il ne lui offre son aspect actuel).
Aujourd’hui le résultat est non seulement beau, mais il s’avère efficace et aucune moisissure ne s’est installée sur les joints : la pierre respire librement en somme.

L’utilisation de la barrique pour l’élevage se fait avec parcimonie, seule une cuvée bénéficie d’un élevage en fûts neufs, il s’agit du Pinot Noir du Clos du Château. Trois foudres (récents) sont utilisés. La cuverie inox relève d’un travail sur mesure.

Enfin, nous avons dégusté quelques cuvées dont l’Aligoté 2023, tiré de la cuve bien sûr, qui a fini sa fermentation alcoolique, et qui s’est montré particulièrement intense de part son fruité et qui offrait une belle vinosité et beaucoup de fraîcheur. Le 2022, en bouteille bien sûr,  est dans un style très proche où le fruité est très présent, et à l’instar de l’ensemble des vins dégusté, les matières se montrent gourmandes et très sapides. Je reviendrai prochainement sur les vins dégustés.

Les cuvées nominées :

Catégorie Syrah : La Syrah 2021
Le liquoreux CourtisaN 2021

 

Le site internet de la cave : www.closduchateau.ch

Xavier Dupraz, Domaine des Curiades, à Bernex :

Le coteau viticole situé au-dessus de la cave des Curiades est le plus élevé du canton de Genève. Seule une zone à Cologny aurait une altitude plus haute (mais sans vigne).

Au Domaine des Curiades, les vendanges se terminent tout comme dans les autres caves du canton, voire de Suisse. Xavier Dupraz est très satisfait de sa récolte qu’il a pu vendanger de façon optimale. Les fermentations ont débuté très vite. L’une d’entre elle s’étant achevée en seulement trois jours, nous avons goûté ensemble ce vin très brut (la fermentation malolactique et l’élevage vont lui apporter équilibre et finesse), ainsi que d’autres cuvées tirées à la cuve. Puis nous aurons dégusté deux autres vins, en bouteille : l’Esprit de Genève 2021 et le Marquis de Coudrée 2020.

Xavier Dupraz impressionne par son calme. A trente trois ans, il travaille au domaine depuis l’obtention de son diplôme d’ingénieur-oenologue à la haute école de Changins voici sept ans.

Le Domaine des Curiades vinifie le fruit de ses vignes ainsi que celles de deux collègues qui leur confient leurs raisins et qui voient les vins vendus sous le nom du domaine des Curiades.
Fait suffisamment rare pour être relevé, la totalité des raisins récoltés est vendue sous le nom de la cave, sans qu’une partie soit vendue sous forme de raisin ou de moût à des collègues, négociants ou cave coopérative.

La gamme des vins proposés est large puisqu’elle compte plus de vingt cuvées. Elle fait la part belle aux cépages traditionnels genevois que sont le Chasselas et le Gamay et Pinot Noir, mais aussi à des cépages aromatiques (Sauvignon Blanc, Viognier) et aussi à l’Aligoté, dont le domaine est peut-être le plus important du pays.  Plusieurs assemblages sont proposés. L’Esprit de Genève 2021 (assemblage à part égale de Gamay VV et de Gamaret) est nominé à la grande finale du GPVS 2023. Ce vin se montre diablement tentateur par un équilibre en bouche et une délicatesse vraiment remarquables.
L’offre est vaste et surtout elle est complète. Le Domaine propose pas moins de quatre vins rosés.

Une cuvée de vin mousseux (méthode traditionnelle) et un liquoreux (issu d’un passerillage) sont aussi proposés. Ces deux vins sont d’ailleurs eux aussi en finale de leur catégorie cette année.

Les vins nominés :

Catégorie assemblages rouges : L’Esprit de Genève 2021,
Le Liquoreux Le Nectar 2020,
Catégorie vin mousseux : mousseux méthode traditionnelle

Le site internet de la cave : www.curiades.ch

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Bernard Vuagnat-Mermier, Domaine du Clos de la Donzelle à Dardagny :

Biochimiste de formation, tout comme son oncle, dont il a pris la suite du domaine familial en 1998, Bernard Vuagnat-Mermier représente la quatrième génération de vignerons de sa famille.
Le domaine avait été créé à la fin du 19e siècle par son arrière grand-père, puis dans les années 1930 par son grand-père, avant d’être mis en location de 1966 à 1976, jusqu’à sa reprise par son oncle. Dans un premier temps, la polyculture et l’élevage étaient encore la règle dans le monde agricole. Dans le courant du 20e siècle elle s’est abandonnée pour une spécialisation du travail de la vigne et en cave, quasiment partout, y compris au domaine de la Donzelle.

Ce dernier est constitué de dix hectares de vignes à Dardagny, dont trois au dessus de La Plaine, au lieu-dit de la Donzelle. C’est un vignoble très pentu, orienté plein Sud (fait rare à Genève). Cette vigne d’un seul tenant et parfaitement délimitée avait donc toute légitimité pour être nommée Clos de la Donzelle.
Un second vignoble situé aux Communailles, d’une surface de cinq hectares et deux autres, d’un hectare chacun, près du village de Dardagny, constituent le domaine de la Donzelle.

L’encépagement tient pour moitié dans deux cépages historiques à Genève : le chasselas et le gamay. Les autres vins blancs sont issus du chenin, que Bernard Vuagnat-Mermier a été le premier à planter dans le canton, en 2000, le gewurztraminer et l’aligoté. Les autres cépages rouges sont le pinot noir, le gamaret et la mondeuse, elle aussi plantée en 2000.

Biochimiste(s), oui, mais raisonnés ! C’est sans aucun doute un corollaire logique à une formation scientifique poussée, savoir user avec raison et réflexion des produits phytosanitaires.
Il en est de même en cave, où le travail est très peu interventionniste. Filtration très légère sur certains vins, voire même absence de filtration et de collage sur d’autres. Les explications sur le travail en général et celles sur la gamme des vins dits « Natifs » se montre en ce sens très claire.

En visitant la cave du Domaine de la Donzelle, on entre dans un monde presque oublié. Celui où l’artisanat viticole a encore toute sa place. A côté de cuves en métal (inox) modernes mais pas du dernier cri, en voyant que l’on utilise aussi des cuves en béton, et surtout, que cinq foudres de 2500 à 6300 litres sont toujours utilisés (ils doivent avoir l’âge de la cave), je dois avouer avoir été touché et ému. Peu de caves genevoises seulement utilisent encore des foudres.

A la dégustation des vins proposés mardi après-midi, j’en ai été de même. Le chenin blanc et le gamay Le Damoiseau 2022 (la cuvée nominée et en finale du GPVS vendredi soir), sont des vins qui montrent davantage leur potentiel aujourd’hui que l’ensemble de leurs qualités (l’un comme l’autre sont des vins qui demandent un peu de garde pour s’affiner). D’ailleurs, les spécialités sont vendues avec une année de recul et les vins « Natifs » le sont le plus souvent avec deux années. J’ai ainsi aussi très apprécié le gamay Le Damoiseau 2020 « Natif ».

Indiscutablement, il est vraiment très heureux qu’une de ces cuvées soit présente en finale du concours national. Ici, pas de strass ni de paillettes, pas de maquillage ou plutôt de calcul pour présenter un vin à son optimum à un jury -qui n’a souvent guère de temps à s’intéresser à un vin que l’on ne peut qualifier d’atypique (celle du gamay ne saurait être mise en question), mais qui s’avère loin des conventions !
Amateurs de vins « différents », vibrants et authentiques, loin des modes et du tumulte des vins nouveaux de toute sorte, mais vinifiés avec patience et passion, je vous invite à découvrir le domaine du Clos de la Donzelle.

Le vin nominé :

Catégorie Gamay  : Le Damoiseau 2022

Le site internet de la cave : www.closdeladonzelle.ch

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