L'honorable Compagnie des Vignerons de Neuchâtel : bienfaitrice du vignoble depuis près de 330 ans !

Le vingt juin 2013 une grande partie du vignoble du Canton de Neuchâtel a été sinistrée par un orage de grêle d’une rare violence. La perte de la vendange pour certains vignerons a été supérieure à nonante pour cent, entraînant une absence quasi totale de vins de ce millésime à vendre. A cette occasion, certains professionnels se sont montrés inventifs afin de pouvoir travailler et faire travailler leur personnel, mais aussi de rester au contact de leur clientèle l’année suivante, et d’éviter une certaine forme d’oubli de leur part, ce qui est potentiellement dangereux dans un marché très concurrentiel.

Le Tintabenet, ou le pavillon des vignes, à Areuse.

Le Tintabenet, ou le pavillon des vignes, à Areuse.


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Autour du Pavillon, 03 hectares de vignes, principalement en terrasses.


C’est dans ce contexte que l’Honorable Compagnie des Vignerons de Neuchâtel, une association très discrète -au point même d’être inconnue du plus grand nombre- a décidé d’intervenir en apportant une aide financière permettant la présence d’un stand de vignerons neuchâtelois au salon du vin de Zurich Mémoire & Friends, le lundi 25 août 2014. D’autres présences à des salons en Suisse alémanique sont en voie d’être agendées.
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un bestiaire a été peint au sommet des peintures murales, d’inspiration très classique sinon même romantique (voir ci-dessous).


Cette volonté d’offrir une visibilité à une échelle nationale aux hommes et aux vins de son canton nous a poussé à vouloir en savoir plus sur cette association en allant à la rencontre de son avoyer (président), Jean-Michel de Montmollin, qui m’a reçu dans le Pavillon du Bugnon ou Tintabenet (tiens-toi bien !) à Areuse. Ce pavillon est une cabane de pierres de taille, au coeur d’un parchet de trois hectares de vignes, dominant la plaine. La Confrérie l’a fait restaurer entièrement en 2009. Ses murs intérieurs recèlent des peintures aussi originales et surprenantes que rares. DSC_0831
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Jean-Michel de Montmollin est l’avoyer de l’Honorable Compagnie des Vignerons de Neuchâtel, une ancestrale société philanthropique dédiée au monde du vin neuchâtelois.


La création de la Confrérie des Vignerons de Neuchâtel date de l’année 1687, il y a près de 330 ans. A cette époque, les propriétaires neuchâtelois de vignes, des familles aristocrates principalement et des bourgeois, « des gens de droite et même des libéraux dirait-on aujourd’hui », ont décidé de se pencher sur les problèmes sociaux de leurs vignerons-tâcherons, blessés ou malades, et ce dans une société qui n’était pas encore organisée comme la nôtre, avec des assurances maladies et accidents. Cette nature philanthropique et humaniste est pour le moins avant-gardiste! Nous n’avons pas connaissance qu’elle est fait florès en d’autres régions viticoles.
Aujourd’hui, la Confrérie est forte d’une petite vingtaine de membres, dont quatre sont issus de familles présentes à sa création. Quatre de ses membres composent son comité. L’une des ses tâches consiste à trouver de jeunes membres, car il faut aussi se renouveler, et être mieux présente sur l’ensemble du vignoble neuchâtelois, car à l’origine elle l’était surtout sur l’Ouest du vignoble jusqu’en ville de Neuchâtel.
Si le caractère social de la Confrérie n’agit plus désormais en faveur des vignerons-tâcherons, son action se concentre auprès de la profession viti-vinicole dans son ensemble.
Parmi ses actions majeures ces trente dernières années, l’une aura été l’achat pour l’Etat de Neuchâtel d’un ordinateur et d’un logiciel permettant à un étudiant d’entrer l’ensemble des données cadastrales et ampélographiques des vignes du canton. Ce travail s’est déroulé peu après les années pléthoriques de 1982 et 1983, dont les rendements avaient atteints 170 et 130 % d’une année dite « normale ». Il allait être suivi par la création des premiers quotas viticoles en Suisse, et de faire un grand pas en faveur de l’amélioration de la qualité des vins du canton.
L’engagement de la Confrérie aura permis d’autres acquisitions de matériel, pour la Station Viticole d’Auvernier, une station météo reliée à Internet visible sur toute la Suisse, des dons tels la modernisation du Musée de la Vigne et du Vin de Boudry où l’aide à la publication d’ouvrages sur la viticulture.
Mais surtout, son activité aura été l’acquisition de vignes, rendant possible pour quelques vignerons la poursuite leur travail sous une forme d’un fermage, toujours très libéral, donc en faveur du vigneron. Des actions qui favorisent le maintien d’un patrimoine viticole vivant, et ce lors d’une période qui a vu en trente ans disparaître pas moins de 14 % des terres agricoles du Canton de Neuchâtel.
 
Cet article est paru en août 2014 dans la revue Swiss Wine Magazin.