Mes visites de caves

C’est une jolie formulation qui répondait à une réalité : les moûts des futurs vins des domaines de la Ville de Payerne, ont longtemps été transportés depuis le Lavaux dans les chais de la ville broyarde (40 km grosso modo) sur des carrioles tirées par des chevaux, puis par camion plus récemment. Mais ceci est désormais du passé car pour Philippe Corthay, oenologue-conseil, ce transport « cauchemardesque »  est fini :
« Imaginez le transport d’un moût non débourbé à une température de 25 ° C.  Le savoir oenologique a quand même ses limites. Et heureusement, désormais il est devenu inutile de devoir lutter contre des arômes grossiers induits lors de ces transports ».
Au Ch. de Montagny à Aran-Villette, en Lavaux, l’équipe de vinification dispose d’une cuverie flambant neuve et parfaitement équipée, avec entre autre une gestion de la température des cuves et ce dans une cave climatisée. Désormais, les vins n’iront rejoindre les chais de Payerne qu’une fois finis, voire après la mise en bouteille.

Philippe Corthay, ici récitant un poème de Ramuz : Le passage du Poète.

« Bovard est dans sa vigne ».

Nous avons été accueillis au Château de Montagny par Madame Christelle Luisier, syndique de la Ville de Payerne et municipale chargée des vignes. Je me permets ici de la remercier pour cette invitation.
J’ai appris durant cette visite que la ville de Payerne possédait deux domaines : le Ch. de Montagny a été acquis en 1584 par les autorités de la ville. La Tour Bertholod à Lutry, est une acquisition plus ancienne encore puisqu’elle date de 1545 !
Ces deux domaines représentent un vignoble de 13 hectares qui est majoritairement planté de chasselas. La part des vins rouges n’est que 15 % du volume. Les cépages rouges sont le pinot noir, gamay, gamaret, garanoir et merlot.

Pour la petite histoire et évoquer plus encore la clairvoyance des autorités communales de l’époque, voyez ci-dessous un autre exemple :

C’est la couverture d’un livre réalisé en 1987 pour les 450 ans de vendanges des vignobles de la Ville de Lausanne. Cette commune possède le plus grand vignoble institutionnel de Suisse. Une trentaine d’hectares répartis en  cinq domaines, dont les deux clos du Dézaley : Les Abbayes et Les Moines. Et l’histoire se poursuit ailleurs, avec les domaines des Hôpitaux de la ville de Soleure (dans la région de Neuchâtel, pas en Lavaux), les domaines de la ville de Neuchâtel, la Bourgeoisie de Morat et le Cru de l’Hôpital dans le Vully, …
Un voyage dans le temps :

De l’autarcie au Château de Montagny par la polyculture, à la monoculture viticole :
La viticulture a définitivement pris le pas sur les autres modes de culture et l’élevage en Lavaux vers 1950. Jusque là, il y a pourtant soixante ans seulement, la polyculture était de mise et le Château de Montagny se suffisait à lui-même, au point de pouvoir vivre en autarcie.

L’ancien pressoir du Château de Montagny.

Henri Chollet a insisté sur l’aspect qualitatif du pressoir que nous voyons devant nous. Ce pressoir daterait de 1860. Pour presser 2200 kilos de raisins, il nécessitait 16 heures de travail pour deux hommes. Un pressoir de type « Sutter » fait aujourd’hui le même travail en 03 heures de temps seulement.

Henri Chollet, vigneron à Aran sur Villette.

Les conditions climatiques en 2011 : comment oublier ce printemps très hâtif, chaud, ayant provoqué une telle avance pour la vigne, que, sans le frais et humide mois de juillet que nous avons connu, les vendanges auraient pu débuter fin août !
Henri Chollet est revenu sur les conditions météorologiques du millésime, ajoutant que selon lui, les trois millésimes 2009, 2010 et 2011 constituaient une trilogie en terme de qualité absolument unique en Lavaux.
Philippe Corthay et la science gustative au service des accords mets-vins :
En lançant la dégustation des six crus de la ville de Payerne médaillés d’un label d’Or Terravin, Philippe Corthay a demandé au public présent de le suivre dans un jeu didactique permettant la compréhension du fonctionnement des accords mets-vins. Pour ma part je l’ai suivi avec plaisir et intérêt, et l’homme semble en connaître un rayon. De plus il sait le communiquer aisément.
Le premier chasselas, le Ch. de Montagny 2010. Un vin qui possède un joli fruit mûr (dont une note miellée), une matière dense et grasse. Joli vin.
Le second vin était le chasselas Tour Bertholod 2010 : des arômes de fleur de tilleul de notes de caramel. Un vin qui m’a paru plus puissant que le Ch. De Montagny. Jolie finesse et beaucoup de fraîcheur, bel équilibre, un petit rien de CO2.
Le troisième vin est un vin de chasselas du Ch. De Montagny 2010, mais élevé en barrique. Une attaque charnue, l’ensemble est gras, doté d’une belle puissance, il est fin et frais, long. Belle note citronnée. L’évidence gastronomique de ce chasselas élevé sous bois tombe sous le sens.
Le Rosé de Gamay 2010 du Domaine Tour Bertholod. Très belle fraîcheur. Il n’a pas été réalisé de seconde fermentation (la malo). Ensemble vif, fringuant et fruité.
Merlot 2009 : belle personnalité pour ce vin de merlot. Attaque souple, tanins fins et fondus, un ensemble équilibré, de belle persistance, avec des arômes mûrs sur des notes de cassis, pruneau et de réglisse tout particulièrement.
Sixième vin : un vin doux. Dégusté un peu plus tard, et lors de l’arrivée des attelages venant de Payerne, je n’ai pas pris de note. Un vin passerillé d’assemblage, bâti sur une structure légère, c’est un vin équilibré et digeste et qui avait du fruit.

Pour finir la soirée en apothéose, outre le poème de Ramuz récité par Philippe Corthay et l’arrivée des équipages attelés venus depuis Payerne, Lavaux nous a gratifié à Aran d’un coucher de soleil dont il a le secret (qu’il a répété d’ailleurs le lendemain à Epesses, mais c’est un autre sujet) :
Une fois encore, merci à Madame Luisier, Philippe Corthay et Henri Chollet pour leur accueil au Château de Montagny.
Laurent

Les volets du Ch. de Montagny

Ils portent deux fois les armoiries de la Ville de Payerne : à l’intérieur et à l’extérieur !

le site internet des propriétés de la ville de Payerne