Boire en Suisse

Le vin « naturel » est certainement bien moins présent sur le marché helvétique qu’il ne l’est sur le marché français, où il est déjà rare. Je ne pense pas me tromper en écrivant que l’on en parle bien davantage qu’on en boit, car il s’agit des vins le plus fréquemment produits de façon confidentielle.Et si on en parle, c’est par esprit de contradiction, pour faire le « buzz » autour d’un produit (il se vend, considérons qu’il s’agisse bien d’un produit)
Néanmoins, il existe quelques producteurs qui réalisent des cuvées sans apport de soufre lors de la vinification, de l’élevage et lors de la mise en bouteille.
La cave valaisanne du Domaine Mythopia fait partie de ces producteurs, à ceci près que l’ensemble des vins réalisés ici sont élévés sans soufre, et dans un contexte cultural privilégiant la biodiversité.
Si je voulais rassurer les septiques, les incrédules, je vous dirai qu’ici il n’y a point de « folklore écolo ». La démarche de travail de Mythopia est suivie par des chercheurs universitaires qui viennent sur place s’assurer des résultats.



Parmi les vins proposés par la cave Mythopia (quel joli nom ne trouvez vous pas ?), il existe une cuvée de fendant (terre de Maneau, un vin légèrement oxydatif, mais avec des arômes soulignant sa belle maturité, loin de l’archétype du chasselas de soif), mais aussi des pinots noirs.
Le Clos des Martyres, est issu d’une vigne située dans une petite vallée latérale de la vallée centrale du Rhône. Cette vallée se partage sur trois communes : St-Léonard, Arbaz et aussi Signèse. L’endroit est à la fois féerique et inquiétant, tant la beauté du site est grande et sa topographie compliquée et accidentée (l’impression de déclivité est peut-être encore accentuée par l’encaissement de cette petite vallée.

Hans-Peter Schmidt m’a demandé de déguster ce pinot noir du Clos des Martyres 2007 sur plusieurs jours :
Cela a été fait dans un verre pourvu d’un grand contenant : le « pinot noir (Burgundy)/Nebbiolo d’un célèbre verrier autrichien.
Belle robe d’un rouge soutenu avec des reflets violets. Le nez possède une belle intensité. Les notes florales dominent, en particulier la pivoine, ainsi que des fruits rouges, dont la fraise, la groseille (mûre). La bouche possède une franchise et une finesse somme toutes assez rares en Valais surtout associées à la fraîcheur de l’ensemble. Les tanins sont fins, serrés, la matière est parfaitement équilibrée, l’ensemble est élégant et va bien au-delà d’un vin purement « gourmand ».
Ce Clos des Martyres est racé, agréablement tendu et offre une belle longueur.
24 heures plus tard, le vin n’a guère changé. Le nez reste expressif et franc, la bouche conserve ses qualités de tonicité et de fraîcheur.
A J2, le fruité est moins expressif, la bouche ne présente plus le même équilibre sitôt que le vin se réchauffe dans le verre (j’ai conservé la bouteille dans le bas du réfrigérateur une fois ouverte, et sans l’avoir rebouchée).
A J3, le charme tend à se rompre, le joli fruité tend à disparaître et l’équilibre en bouche est sur le fil du rasoir. Je préfère arrêter « l’expérience » et profiter du plaisir qu’offre encore ce vin.
Que me faut-il retenir de cette dégustation ?
Que ce Clos des Martyres s’est présenté comme un vin particulièrement réussi et élégant,  apte à vieillir (il va sur ses trois ans et n’a pas une ride). Que ce pinot noir est assurément un très beau vin de gastronomie .
Il n’y aura pas de bataille pour ou contre le sans soufre ici. J’ai pris beaucoup de plaisir avec ce vin qui s’offrait de façon immédiate, et je reconnais que c’était bien plus agréable que d’attendre sur les promesses d’un vin pendant des heures.
Laurent

www.mythopia.ch