Les vins de la dégustation 2010 de la Mémoire Des Vins Suisse : l'intégraal !

Il y a foule et ce dès 15 heures. Chacun des producteurs, et ils sont trente neuf, présente deux voire trois millésimes de son vin. Une exception : la cave Cornulus (Savièse, Valais) ne réalisant plus chaque année son vin d’Ermitage, elle présente désormais son fendant issu du terroir de gypse de Mangold. Aujourd’hui, seul le millésime 2008 est à déguster. A l’inverse, Georg Fromm a ajouté un quatrième vin aux trois millésimes inscrits sur le calepin.
Une rapide règle de trois explique « l’impossible challenge » : plus de 110 vins à déguster en 04 heures seulement. A l’impossible nul n’est tenu. D’ailleurs, il n’entre pas dans mes intentions de réaliser un tour complet des producteurs et de la totalité des crus présentés. Ce n’est pas une course ! Mais qui n’a toutefois pas pour envie de « sonder » ces vins et tenter des les comprendre, de se forger son opinion sur la qualité d’ensemble ?
On se fixe -bien sûr- une règle de conduite : aller prioritairement au-devant des producteurs que l’on ne connaît pas. Mais on dévie parfois ! Comment ne pas s’arrêter chez un producteur connu si le moment est opportun (suite au départ d’autres dégustateurs par exemple). Et c’est bien normal. Aujourd’hui, nous sommes en Suisse alémanique. Les producteurs d’Argovie, de Zürich, de Schaffhouse, de Thurgovie ou des Grisons sont littéralement happés par les amateurs du Mittelschweiz et d’ailleurs. L’occasion de déguster leurs vins rares est trop belle. Ce qui ne veut pas dire que les autres producteurs (romands et tessinois) sont délaissés pour autant.
Parmi les vins des producteurs de Suisse alémanique, voici quelques vins très appréciés sur deux voire les trois vins présentés :
Famille Steiner, Schernelz village, Ligerz AOC Pinot gris (lac de Bienne) : Joli millésime 2008, frais et agréable. Une petite pointe de sucre résiduel gâche un peu « la fête ». Le millésime 2006 : jolie note de litchi au nez, mais la bouche paraît évoluer un peu prématurément. A revoir si possible.
Le meilener Raüschling Seehalden. Cépage Raüschling (quelqu’un connaît ou connaissait ?), de la famille des traminers je crois. Un vin de la région du lac de Zürich. A chaque fois, j’ai apprécié la fraîcheur, la tension, le caractère floral. A la cave de la famille Schwarzenbach, reposent des vieux millésimes : 1947 et parfois même du 19e siècle. Et des mes (très bons) amis présents a dit : j’en veux ! Oui, RV, je m’y emploie. THE découverte du jour en blanc avec un chasselas vaudois (voir plus bas).
Schlossgut Bachtobel, Pinot noir n°3 Der Andere (l’autre) : beaucoup d’allure, de finesse, trois vins droits, le 2004 étant particulièrement élégant, sapide. Le 2001 a surpris par sa concentration.
Weingut Donatsch à Malans (Grisons), cépage chardonnay. Beaucoup de différence entre le 2008 qui manquait de tension, et le 2007 beaucoup plus vif, et complet. La bouteille de 2002 était franchement oxydative.
Weingut Georg Fromm : Malanser Pinot Noir barrique : des vins très structurés, tanniques, avec un joli fruit. Seul le 2004 m’a interpellé par sa rondeur (sucres résiduels ?).
Weinbau von Tscharner : Churer Blauburgunden Gian-Battista Pinot noir
Trois vins aux couleurs soutenues, toniques et très agréablement fruités. Le millésime 2000 ne faisait pas son âge.
Passage auprès des producteurs du Tessin, hélas, plus court que souhaité : je n’ai pas eu l’occasion de déguster la Bondola de l’Azienda Mondò, le Sassi Grossi de chez Gialdi, et de découvrir encore les vins de Daniel Huber et de l’Agriloro SA.
Les deux producteurs Adriano Kaufmann et Christian Zündel présentaient chacun des vins des millésimes 2007, 2004 et 2001. Six vins dégustés donc, et six très jolies réussites. Des vins vivants, particulièrement digestes, fruités et concentrés. Les deux vins du millésimes 2001 étaient remarquables.
La Cantina Kopp von der Crone Visini présentait son vin Balin : Des vins très riches, concentrés, qui apparaissaient un peu techniques après les vins des deux producteurs précédents. J’avais dégusté voici quatre mois le vin du millésime 2006 au restaurant., où il avait été carafé. Profil néanmoins proche. Des vins qui semblent demander peut-être un peu plus de temps pour s’exprimer.
Les producteurs romands :
Les vaudois :
Clos du Crosex Grillé, cuvée des Immortels Amphore. Il s’agit de vins du terroir d’Aigle. Seul le 2008 a été vinifié et élevé intégralement en amphore. J’ai beaucoup aimé la fraîcheur, la tension, la minéralité de ces vins gourmands. Avec une mention spéciale pour le millésime 2007.
Le Château Maison-Blanche à Yvorne présentait les mêmes millésimes. Un style très différent, peut-être un peu plus classique. Un vin moins puissant, davantage floral. Le millésime 2007 était particulièrement sapide.
Domaine Louis Bovard à Cully, Dézaley Grand Cru Médinette : des vins très typés Lavaux et Dézaley, très ronds et puissants. Si le 2008 m’a paru un peu lourd et lactique, le 2005 était déjà plus minéral, le 2002 était riche et équilibré, ainsi que le 1999, sapide, plus tendu, et particulièrement long.
Raymond Paccot, à Féchy, cuvée le Brez : très joli chasselas de La Côte, harmonieux et fin, Le millésime 2005 était superbe. Le 2002 présentait une légère trace oxydative (pb de bouteille ?).
Domaine Henri Cruchon (Echichens, Morges) : Pinot noir Raissennaz Grand Cru : un terroir curieux dit Raoul Cruchon, le vinificateur de la cave. Il y a des zones de craies. Trois millésimes 2007, 2004 et 2001, et trois très beaux vins. A mon avis, sur les vins de pinot noir dégustés ce jour, voici celui qui présentait le plus d’harmonie, de grâce et d’équilibre. Le 2001 était tout simplement superbe.
Les producteurs de Genève :
Domaine Grand’Cour, Jean-Pierre Pellerin. à Peissy. Un vin d’assemblage de cabernet franc et de cabernet sauvignon (70%-30%). Très beau vin du millésime 2007, riche, concentré et séveux, intense, d’une belle finesse. Le 2004 était plus rond, plus fin peut-être aussi grâce à l’évolution. Le 2001 fatiguait et marquait le pas.
Domaine Les Hutins, à Dardagny. Emilienne et Jean Hutin. Sauvignon de Dardagny élevé en barrique. Millésime 2007, de la finesse, et des arômes murs de buis. Le boisé est assez marqué actuellement. Millésime 2005 : finesse et complexité, beaucoup de fraîcheur, un vin très harmonieux tant au nez qu’en bouche où il se révèle particulièrement sapide. Très joli vin. Le millésime 2003 c’est montré très frais, tendre, équilibré. Un beau vin qui n’a toutefois pas l’harmonie du vin précédent.
Je n’ai pas réussi à déguster les vins du Domaine des Balisiers (à Peney) de Gérard Pillon et de Jean-Daniel Schlaepfer. J’ai par contre eu l’occasion de discuter un peu et d’écouter un peu plus Jean-Daniel Schlaepfer dans le bus le lendemain. J’essaierai de leur rendre visite dans les mois prochains.
Les valaisans :
La petite arvine Maître de Chais de chez Provins, un vin stylé, dans un registre délicat, vif, sec (sauf peut-être le 2007) et typé.
Clos Mangold 2008, cave Cornulus à Savièse : un vin de chasselas, que j’ai trouvé austère, fermé, bref à attendre. Matière dense, crémeuse, mûre.
Ermitage Les Serpentines, Gérald Besse (Martigny) : Un ermitage réalisé systématiquement sans malo, avec un caractère floral, un boisé bien intégré, de la finesse, mais parfois un petit sucre résiduel.
Heida Sankt-Jodernkellerei : le Valais est un canton bilingue, cette cave est placée en Romandie pour cette raison, mais les producteurs sont alémaniques puisque la cave se trouve à Visperterminen. Deux vins de Heida, des millésimes 2008 et 2005, puissants, fins, tendus, il restait un petit sucre résiduel apportant une légère rondeur en finale Des vins frais, très agréables.
Anne-Catherine et Denis Mercier : Aujourd’hui, quatre vins de cornalin à déguster, c’est presque Noël ! Si le millésime 2007 semblait plutôt léger, j’ai bien aimé les millésimes 2004 et 2002, plus concentrés. Le 2002 étant le vin le plus harmonieux. Le 1999 bien que construit sur une belle trame tannique, m’a laissé penser qu’il était désormais sur le déclin. A moins, que cela relève plus d’un problème lié à la bouteille qu’au vin ?
Syrah de Chamoson Vieilles vignes, cave Simon Maye : belle impression offerte par le millésime 2007, fruité, finesse et concentration, seule la finale paraissait un peu courte.
Impression quelque peu similaire proposée par le 2004. Le 2001 montrait des signes d’évolution nets de sa robe. Les arômes étaient clairement dans un registre tertiaire, impression minérale affirmée (graphite).
Deux trios de vins liquoreux :
le domaine du Mont-d’Or et son Johannisberg de la St-Martin. Trois jolis vins (2007, 2006, 2005) denses et sans lourdeur, la palme revenant au millésime 2005 qui était le plus complexe et le plus harmonieux.
Petite arvine Grain Noble de Marie-Thérèse Chappaz : sans grande surprise trois vins superbes. Le 2000 roulait sur le velours, tout en harmonie, très beaux arômes complexes. Le 2003 riche en liqueur était magistralement tendu, minéral et long. Quand au 2006 il est puissant, dans l’éclat de sa jeunesse, vif et tranchant, complexe et long. Un dernier vin très apprécié pour sa capacité à émouvoir en dépit de sa force un peu brute.
Neuchâtel :
La Maison Carrée, Auvernier : trois millésimes : 2007, 2006, 2005. Trois vins qui se présentaient très mal dans pareille dégustation où nombre de vins sont beaucoup plus puissants. La matière paraissait simple, parfois manquant de maturité. Le 2005 re-dégusté le lendemain à la cave avec Jean-Yves Perrochet laissait la même impression. Alors que le pinot noir de Hauterive était bien plus dense, et mûr. Pour le millésime 2005 également bien sûr.
Château D’Auvernier, Thierry Grosjean, à Auvernier. Chardonnay barrique. Trois millésimes, le 2008 est marqué au nez par des notes grillées, la bouche est fraîche, bien constituée et de bonne longueur. Le millésime 2005 semble avoir digéré sa barrique et se présente sous un bon jour, où l’élégance domine. Le 2002 se présente encore bien. Dommage toutefois que la bouche sèche un peu en finale.
Domaine de Chambleau, à Colombier. Louis-Philippe Burgat. Pinot noir Pur Sang
Millésime 2007 très monolithique, jouant sur un registre de puissance et de richesse. Le 2005 m’a paru plus digeste et fin.
Bref, voilà un vin qui a impressionné par sa profondeur de robe, sa densité en bouche. Parmi les éléments du pedigree qui sont spontanément communiqués : les rendements, de 300 gr au mètre carré (le tiers seulement de ce que l ‘AOC neuchâteloise autorise pour le pinot noir) et élevage en barriques neuves durant deux ans. Je regrette toutefois que la finesse soit à ce point mise en arrière plan. C’est une première impression. J’espère avoir le plaisir de la démentir dans les prochaines dégustations de la MDVS.
Le producteur fribourgeois :
Cru de l’Hôpital de Morat, à Môtier, Christian Vessaz,  Gewurztraminer du Vully. Millésime 2008 très floral, servi malheureusement un peu chaud. Le 2005 est fin, frais, un peu plus dense me semble t-il en bouche. Belle longueur. Je n’ai pas pris de note pour le 2002.
En guise de conclusion :
Un bien beau tour de Suisse, avec quelques découvertes marquantes : les vins du terroir du Crosex Grillé SA, ceux d’Adriano Kaufmann et de Christian Zündel, le Meilener Rauschling de la cave Schwarzenbau Weinbau par exemple. Les liquoreux valaisans sont à la fête avec le Domaine du Mont d’or et Marie-Thérèse Chappaz. Mais chez les valaisans, j’aimerais aussi bien voir un Johannisberg sec faire son apparition dans ce panégyrique des vins suisses. Jean-Paul, si tu me lis, t’en dis quoi ? Et pourquoi pas une humagne blanche aussi ?
Les vins de suisse alémanique : je l’ai dit et répété, le rauschling aura été la révélation du jour. Pas suffisamment de pinot noir dégustés, tant pis, mais il n’y a pas de quoi se faire des cheveux gris ! je me suis laissé dire que la session 2011 sera grisonne !
Laurent