Dégustation thématique : les humagnes rouges de Leytron 2015 (et des vieux millésimes!)

J’ai invité les vignerons de la commune de Leytron à collaborer à une dégustation thématique sur les vins des deux humagnes. Deux cépages dont la commune s’est d’une certaine façon faite la « protectrice ».
Cette dégustation s’est déroulée lundi 31 octobre dernier au Grand Hôtel des Endroits, à La Chaux-de-Fonds.15034000_1250722661615677_538389640_o
Les vins rouges ont été sortis de la cave du restaurant, où je les avais placé quelques jours plus tôt, pour qu’ils soient à température de service. Les vins blancs ont été placés en chambre froide la veille de la dégustation. Ils en ont été sortis juste avant leur dégustation.
Nous avons commencé notre journée de dégustation par les vins rouges.14975740_1250721264949150_2140220890_o
Pour cette thématique sur les deux humagnes, j’ai invité les vignerons de Leytron à nous fournir leurs vins du millésime 2015, et aussi de vieux millésimes.
Leur réponse aura été au-delà de mes espérances : tous ont collaboré, sans exception. C’est une source de satisfaction, certes, mais cela démontre aussi leur implication à la promotion de leur commune à travers les vins de leurs cépages emblématiques.
J’ai choisi de débuter la dégustation par les vins rouges. Avant de lancer celle du millésime 2015, j’ai opté pour celle des vins des millésimes 2012, 2013, et 2014.  Des vins qui ne sont pas à proprement parler de vieux millésimes, mais il m’a paru intéressant de les déguster avant ceux du dernier millésime produit.
Après  les vins du millésime 2015, pour avons terminé ce tour de vue des vins d’humagne rouge avec les vieux millésimes.
Après le dîner, nous nous sommes concentrés sur le millésime 2015 d’humagne blanc, et sur les vieux millésimes offerts.
Les vins ont tous été dégustés à l’aveugle, chemisés.
Les Humagnes Rouges, millésimes 2012, 2013, 2014 :
Cave Le Bosset 2012 :
Robe rubis, brillante. le nez est fin, fruité, avec des notes de petits fruits rouges comme la groseille, la fraise des bois, mais aussi noirs, comme le cassis. J’ai perçu aussi une petite touche fumée. Jolie attaque, les tanins sont fins, le vin est plutôt léger, mais cohérent car équilibré, il est frais et de belle longueur. C’est une humagne élégante.
Domaine de La Creuse 2012 , Pierre-Georges Produit :
Robe rubis d’intensité moyenne. Le nez est porté sur les fruits rouges dont la groseille bien mûre qui domine, mais à nouveau de fraise, ainsi que d’une note kirschée. On parle également d’une note de safran autour de la table, de vanille, de mousse. Les dégustateurs s’accordent pour dire que ce vin à de jolis tanins, un volume intéressant, de l’équilibre. Jolie longueur finale pour ce cru cohérent et typé, auquel ont reprochera peut-être une très légère sucrosité finale.
Domaine de La Creuse, 2013 :
Robe rubis, fruité de belle intensité, avec des notes de groseille, d’écorce, une autre plus « terreuse », et aussi de mûre. Belle finesse en bouche, la fraîcheur de la matière n’est pas prise en défaut . La finale est élégante, à nouveau un peu douce semble t-il, et aussi discrètement poivrée.2013-cave-de-la-creuse
Le Rhyton d’Or 2014 :
Robe plus sombre, nez fumé, avec des notes de sous-bois, de champignons. Un dégustateur parle d’une note animale (il parle de caprin). Réduction, volatile ? Nous n’avons pas été plus loin dans la discussion. Nous nous accordons sur le fait que ce vin est légèrement réduit. Le style du vin ne fait pas l’unanimité. Certains évoquent un caractère plutôt rustique quand d’autres le trouvent moderne. Je note aussi la belle tension du vin, intégrée. Sans aucun doute un vin davantage vinifié et élevé pour être attendu que pour une consommation précipitée. Joli volume en bouche aussi.
Domaine de La Creuse 2014 :
Robe rubis d’intensité moyenne. Nez sur les fruits rouges, avec un caractère acidulé.
La bouche est fine et fraîche, équilibrée, un peu douce. Cette légère douceur nuit au caractère du vin, ce qui lui porte quelque peu préjudice, sans pour autant porter atteinte à sa typicité. Le vin est considéré néanmoins comme très agréable.
Gilbert Devayes 2014 (version barrique) :
La robe est la plus sombre de celles des vins dégustés jusqu’à lors. Nez très fin et complexe, avec des notes de fruits rouges et noirs et aussi une note poivrée et aussi fumée. Les tanins sont serrés ou denses. Ils sont à peine accrocheurs. La bouche a une belle ligne directrice, une tension de bon aloi. Cette humagne est considérée comme typée, complexe, longue.
Cave Philippoz Frères, 2013  :
Jolie robe brillante, de belle profondeur. Le nez se présente sur des notes de fruits rouges mûrs telle la fraise. La bouche est fraîche, les tanins sont mûrs, fins. Le fin offre une belle longueur finale. En se réchauffant un peu dans le verre, il apparait souple et manquant de volume.
Les vins du millésime 2015
Domaine de la Creuse, Guérin Produit :
Robe rubis, joli nez sur des fruits noirs et rouges. On parle aussi de kumquat. La bouche offre une très jolie finesse, de la typicité, on lui reprochera un léger manque de volume peut-être, mais une certaine complexité. Une fois le vin découvert, les dégustateurs s’accordent sur le fait que le style des vins est évident et présente une belle régularité.2015-cave-de-la-creuse
Domaines des Roses, Jo Gaudard :
Ce vin se présente au service avec une réduction importante. Le nez est quasiment atone. Il va s’ouvrir sur des notes de fruits noirs (cassis, mytille). En bouche, la structure est fine, plutôt légère, l’acidité est marquée. Ce vin n’est clairement pas en place. Il lui faudra du temps pour trouver son équilibre.  A revoir dans quelques années. Sans se presser.2015-domaine-des-roses
Cave Philippoz Frères :
Robe rubis, d’intensité moyenne. Le nez est délicat, avec des notes florales (rose et violette), de fumée aussi. La bouche est fraîche, bien définie, équilibrée, fine et longue. Un vin tout en finesse, mais qui devrait se bonifier dans les années à venir sans aucun doute.2015-philippoz-freres
Cave David Rossier :
Une autre cuvée qui se présente avec une réduction marquée. Le nez est difficile à cerner. La bouche est stricte, tendue, marquée par une astringence importante, elle apparait faite d’un bloc (un dégustateur dira monolithique). La matière est là en terme de volume, c’est la finesse et aussi le dynamisme qui pèchent à ce stade. A revoir ultérieurement.2015-david-rossier
Cave Pierre Buchard, cuvée « Chasse gardée » :
Le nez est apprécié de façon différente des dégustateurs : l’un parle d’agrumes, un autre de fruits acidulés, un dernier le défini comme minéral, avec une note de graphite. La bouche provoque davantage de cohésion dans notre groupe. Elle est
bien constituée. Fraîche et fine, mais d’un beau volume, élégante, elle est équilibrée et longue. C’est un vin qui a été très apprécié.2015-pierre-buchard
Domaine du Grand Brûlé, Etat du Valais :
Jolie robe rubis d’intensité moyenne. Ce vin se présente avec des notes florales dominantes, mais aussi des fruits noirs. La bouche est très élégante et équilibrée. Les tanins sont fins, serrés, la matière a un beau dynamisme en bouche. Jolie longueur finale. Un vin très apprécié par notre groupe.2015-etat-du-vs
Cave Aïda et Rolf Lips :
La robe est d’une intensité moyenne. Le nez est sur les fruits rouges comme la groseille, on sent aussi une touche poivrée. Un autre évoque des notes fermentaires et de levure. La bouche est déséquilibrée par son acidité. De fait, le volume en bouche parait plutôt léger, bien que l’on s’accorde sur le fait que le vin soit typé. La longueur est correcte.2015-aida-et-rolf-lips
Cave Defayes et Crettenand :
Robe plutôt profonde au regard d’autres vins qui viennent de nous être présentés. Le nez divise par ses notes de réduction (un dégustateur parle d’odeur d’écurie), de fumée aussi une note florale de violette, très élégante. La bouche est riche, on sent un supplément de matière sur cette cuvée. L’alcool est intégré, les tanins sont beaux, gras. La bouche est fine et conserve de la fraîche. Jolie longueur finale.2015-defayes-et-crettenand
Un vin qui est amené à s’ouvrir et à montrer dans quelques années son potentiel.

2015-gilbert-devayes

Pour info : il s’agit de l’étiquette de la cuvée Vielles Vignes (élevage en fût). L’étiquette du vin élevé en cuve est grise.


Cave Gilbert Devayes :
Robe d’intensité moyenne, brillante. Le nez est peu expressif, avec des notes de fruits noirs. La bouche manque un peu de volume, elle possède une belle tension. Les tanins sont considérés comme étant un peu amers. La longueur finale est correcte.
Les dégustateurs semblent quelque peu déçus de ce vin une fois qu’il est déchemisé. Le souvenir du vin élevé en barrique du millésime 2014 devant en être la cause.
Cave Le Bosset :
Notes de fruits rouges acidulés au nez. La bouche est équilibrée, fine, délicate, friande, avec une belle tension intégrée. Jolie longueur finale. C’est un joli vin, que je qualifierai de digeste et de très accessible dès aujourd’hui. En outre, il ne devrait pas être un casse-tête à marier à table.2015-cave-le-bosset
Cave Le Rhyton d’Or :
Le nez est complexe, avec des notes de fruits noirs, de sous-bois. La bouche est riche, chaleureuse, l’alcool est il est vrai un peu présent, sensation sans doute rehaussée par un manque de tension, voire de dynamisme. C’est une humagne bien construite en terme de matière, avec des tanins gras, et d’agréable longueur.2015-le-rhyton-dor
Trois vieux millésimes :
Cave Defayes et Crettenand, 2003 :
La robe est profonde, intense, sans grande trace d’évolution. Au nez, les arômes tertiaires sont bien présents : cuir, thé noir, tabac blond. On évoque aussi une sensation minérale, un dégustateur parle d’ardoise.
On sent aussi une note kirschée. La bouche est révélatrice d’une finesse remarquable. La matière est veloutée, tendre, mais avec encore une belle tension. Les tanins sont caressants et gras.  Superbe équilibre en bouche. La finale est un peu marquée par une très légère sucrosité.
S’il me fallait choisir un étalon pour l’humagne rouge, ce vin serait mon choix. Bravo. Une fois encore, nous avons aussi la preuve que le millésime 2003, qui, de l’avis de certains, devait être « pissé » aussi vite qu’il avait été ramassé, offre aujourd’hui encore de très grands vins.
Coup de coeur personnel et aussi unanime autour de la table.2003-defayes-et-crettenand
Cave du Grand Brûlé, Etat du Valais, 1997 :
Belle profondeur de robe, mais avec des traces d’évolution sur le pourtour du disque.
Le nez est dans un premier temps plutôt fringant, avec une note de groseille, mais aussi de foin, de tabac brun. Pour un dégustateur, l’aromatique est fatiguée. En bouche, l’acidité est bien présente à l’attaque. Mais la matière répond présente, et ,  en définitive, l’équilibre de ce vin est toujours au rendez-vous. Jolie longueur finale.1997-grand-brule-etat-du-vs
Cave Jo Gaudard, 1995 :
La robe bien qu’évoluée, avec de forts reflets orangés, a conservé une jolie profondeur de robe. Le nez évoque des notes de foin, de fumée et aussi de kirsch. Il a une agréable intensité. La bouche est fine et délicate, équilibrée, avec de la fraîcheur. Les tanins sont fondus, gras. Jolie longueur finale, peut-être un peu douce. Il ne faudrait plus l’attendre. Néanmoins, forte de ses 21 ans, cette humagne montre que ce cépage peut offrir en terme de longévité.1995-jo-gaudard
En guise de conclusion : Le millésime 2015, aussi jeune soit-il est sans aucun doute possible très prometteur. Soulignons l’excellent niveau des vins dégustés.
La cuvée « barrique » 2014 de Gilbert Devayes démontrait que le cépage vinifié et élevé en de bonnes mains peut offrir un supplément de texture très intéressant. A contrario, en prenant l’exemple de la cave Defayes & Crettenand, la pratique d’un élevage en cuve acier (avec une macération de 3 semaines, et une micro-oxygénation) l’humage rouge montre un caractère soyeux dans son jeune âge.
La mini-verticale de quatre millésimes proposée par Guérin Produit a démontré une ligne de conduite claire et cohérente.
Mais laissons aux vinificateurs le soin de pratiquer leur art à leur convenance, et apprécions les qualités de leurs crus avant tout ! Le principal étant que leurs vins ne soient pas uniformes, mais typés
Les vins sur les vieux millésimes (2003, 1997, 1995), ont montré que l’humagne, sans être ni concentrée où puissante, est dotée d’un potentiel de garde indéniable. Autre qualité de ce cépage qu’il convient de mettre en exergue : sa finesse.
Typicité, fruité, digestibilité, finesse et longévité : l’humagne rouge a toutes les cartes en main pour savoir se faire désirer et apprécier.
Un autre atout : son prix qui reste bien en-dessous de celui d’autres cépages plus systématiquement mis en avant qu’elle (ou que lui…).
Enfin, n’oubliez pas que demain et samedi, les vignerons de Leytron vous accueillent à Humagne en Fête : hef_annonce-web-250x250px_19082016vendredi : 16h à 20h
Samedi    : 11h à 19h