Un après-midi de dégustation pas BAD du tout !

La dégustation débutait à l’heure. Victime de son succès, peut-être plus rapidement qu’à Berne l’an passé, la salle était prise d’assaut par les nombreux amateurs et professionnels qui auront fait le déplacement dans cette station thermale de Bad Ragaz, dernière localité du canton de St-Gall, située à deux pas de la commune grisonne de Maienfeld.
Première dégustation avec les vins d’Yvorne du Château Maison-Blanche. Jean-Daniel Suardet présente ses trois millésimes, 09. 08 et 07. J’avoue une préférence pour le caractère minéral très marqué du 08. Mais le 09 dans un registre plus riche, non dénué d’une agréable acidité n’est pas loin, ainsi que le 07. Très beau niveau donc.
Je poursuis avec un néo-membre de la Mémoire, bien connu pour moi, Pierre Monachon et son vin de St-Saphorin Les Manchettes. Trois millésimes 09 (remarquable de sapidité, complet tout simplement), puis un revigorant 02, qui, par les reflets du refroidisseur m’a laissé à croire qu’il s’agissait d’un 08, superbe. Le 2000 est dans une registre oxydatif tant au nez qu’en bouche.
Le Calamin de Blaise Duboux (Epesses) Très beau trio proposé : 09, 08, 00. Un vin ample, à la finesse bien marquée néanmoins. Le millésime 08 est celui que j’aurais préféré, une question de goût. Un grand terroir où le chasselas s’exprime avec force sinon simplement avec talent.
Toujours avec l’ami Chasselas, celui de la cave Louis Bovard et le Dézaley Médinette. Quatre vins présentés par l’oenologue Philippe Meyer. 09, 06, 03 et 00. Le 03 et 09 ont été réalisé sans deuxième fermentation. Des vins fins de très belle expression, d’un cru de garde connu. Sans souci.
Puis avec trois millésimes du terroir d’Aigle du Crosex Grillé, issus de la cuvée Amphore, présentés par l’oenologue Bernard Cavé. Un vin de chasselas vinifié et élevé en …amphore de béton. J’ai bien aimé le caractère ciselé du 08. Les deux autres millésimes, le 06 et le jeune 10 m’ont paru en-deçà. Vin découverte l’an passé pour moi, le charme n’a pas opéré de la même façon ce 31 mars.
Dégustation du chasselas En Brez de Raymond Paccot, rien à redire, des vins toujours très purs et fins. J’ai bien aimé l’ampleur du 09, ce qui n’a pas manqué de surprendre le vigneron, car il n’a pas fait la malo sur ce millésime.
J’ai terminé ma série chasselas avec Dani Varone du Domaine Cornulus. Quatre millésimes pour un vin de chasselas issu de l’unique terroir de gypse du Valais, le Clos Mangold. Au nez, mais aussi en bouche, ce chasselas se montre d’une finesse exemplaire. Si les différences dues aux millésimes sont patentes, le style relevé est tout simplement confondant par son naturel.
Passage chez Provins. Samuel Panchard présentait trois millésimes de petite arvine Maître de Chais. 09, riche, mais parfaitement typée. La 2007 s’avérait davantage sur la finesse, en raison sans doute de son vieillissement. Elle aussi était d’une très belle typicité. La touche saline étant simplement exceptionnelle. Le millésime 05 était semble t-il un peu sur le déclin. Ce vin issu d’un millésime riche, peinait un peu devant la grande fraîcheur du vin du millésime 07.
Le vin de Heida de la Sankt-Jordernkellerei de Visperterminen. Dommage que ces vins possèdent des sucres résiduels. La matière est belle, très fine, et quelle acidité !
J’ai ensuite été à la découverte du vin du Bacouni de Vincent Chollet, à Aran sur Villette (Lavaux). Ce vin du Bacouni, est issu du rare cépage Mondeuse. J’ai déjà eu l’occasion d’évoquer ce cépage à partir du vin de Mr Lagger, vigneron à St-Tryphon (Chablais vaudois) dégusté à plusieurs reprises et d’ailleurs commenté en ces pages en fin d’année passée. Le 09 possédait une belle richesse, une belle acidité et des tanins d’une richesse insoupçonnée. Le vin du Bacouni 08 s’est présenté tout sur le fruit, la bouche possédait une agréable richesse, mais l’acidité de ce vin permettait d’obtenir un équilibre remarquable. Ce deuxième millésime était servi à partir d’un magnum d’un pot vaudois (140 cl). Très beau flacon. Vincent Chollet proposait un dernier millésime : le 98. la robe avait à peine évolué. En bouche, le vin possédait encore une belle vigueur, malgré la patine imprimée par le vieillissement. Une très agréable dégustation et une fort belle découverte.

Poursuite des dégustations avec le sauvignon blanc de Mr Hutin (GE), un vin élevé en barrique (d’une discrétion à toute épreuve). Un autre trio. 09, 06 et 03. Le 06 ayant ma préférence aujourd’hui. Fort joli vin dans tous les cas.
Chardonnay du Ch. d’Auvernier : trois millésimes, 08 (excellent, fin, tendu et frais), un 05 mûr, dense, et un 02, qui donnait quelques petits signes de fatigue. Un vin bien élevé, de caractère, mais digeste car sans aucune lourdeur.
Le Traminer du Cru de l’Hôpital (09, 06, 03), reste fidèle à lui-même : fruité, puissance, finesse, vinosité et très bel équilibre en bouche. Racé.
Idem pour l’Ermitage de Patricia & Gérald Besse : 09, 08, 07. Beaucoup de corps (heureusement, c’est de la marsanne), mais aussi de la fraîcheur, fruit, de l’équilibre. Complet et racé lui aussi.
Dégustation avec Fabio Penta de la cuvée Charles Auguste du Dom. Du Crochet (Hammel Vins). Un vin d’assemblage ambitieux de syrah, des deux cabernets (francs et sauvignon) et merlot. Des raisins issus du terroir de Mont-sur-Rolle. Une vigne en complantation, mais les cépages sont vinifiés séparément avant élevage. Une fois encore un trio présenté. Le 08 était servi un peu chaud, mais était très élégant. Le 05 tendait à réaliser un compromis entre équilibre et puissance. Un toucher de velours. Enfin, le 02. Si le vin du premier service était clairement trop chaud, le vin présentait un déficit en terme d’équilibre en bouche et une finale amère. Fabio Penta ouvrait un autre flacon (plus frais) et la différence était totale. Robe plus soutenue, sans trace d’évolution, nez délicat, la bouche offrait une harmonie superbe. Très belle longueur. Fort beau vin. Un problème de bouchon très certainement sur le premier vin.
Dégustation du pinot noir Raissenaz de Raoul Cruchon. 08, 05 et 02. Trois vins différents. Le 08 encore bien fermé. Le 05 complet et ouvert et le 02 fin et complexe, aristocratique avec une certaine retenue.
Le cornalin d’Anne-Catherine et Denis Mercier dégusté sur quatre millésimes: 08, 05, 02, 99. Très beau fruit et équilibre du 08. Le 05 est puissant, encore réservé.  Un vin de grand potentiel. Le 02 plus fin et « léger » ne déméritait pas vraiment, mais sa structure le rend à boire aujourd’hui avec plaisir. Le 99 s’est montré bien conservé, belle patine, mais aussi encore du potentiel pour lui.
Du côté des vins tessinois, ma découverte et un vrai et grand plaisir aura été la Bondola de l’Azienda Mondo. Trois millésimes, et ainsi que pour le vin du Bacouni, le plaisir de déguster un cru -rare de surcroît- possédant une identité propre. 08 très frais, 05 plus dense et patiné, le 03 retrouvant un peu le style du millésime 08, entre tension et fraîcheur. Cet ancien cépage tessinois qui couvrait la moitié de l’encépagement régional avant l’arrivée du merlot voici cent ans ne couvre plus que 01 % des sols viticoles du Tessin.

Du côté des vins blancs de Suisse alémanique, j’ai dégusté nombre de vins aussi  :
En premier lieu, un pinot blanc, pas inintéressant mais un peu mou à mon goût au Gasthaus & Weingut Bad Osterfingen. Le 08 était à mon sens supérieur aux deux autres millésimes. Le pinot gris de chez Steiner à Schernelz (Bielersee), avec trois vins agréablement marqués par l’effet millésime. Le 08 possédant une touche minérale vraiment intéressante. Pas dégusté celui de Peter Wegelin par contre ce jeudi.               Le Raüschling de la cave Schwarzenbach (Meilen, lac de Zürich) : un vin remarquable de tenue, de race, sur les trois millésimes proposés (09, 06, 03). Agréable chardonnay grison de Christian Hermann, mais il lui manquait un petit côté « terroitant » pour être vibrant.                                                                                              Deux vins de Completer dégustés sur trois millésimes chez Peter et Rosi Hermann (attention un Hermann peut en cacher un autre à la Mémoire), et chez Weingut Donatsch.

Cécile Schwarzenbach

On reviendra sur ce rare cépage avec la dégustation animée et commentée par José Vouillamoz.
Un peu de pinot noir alémanique ?
Bien sûr, nous sommes venus pour cela aussi, non ? La Suisse alémanique, voici une autre destination de choix pour l’amateur de pinot noir. Qu’il soit de Zürich (superbes vins du Weingut Pircher, Eglisau), trois millésimes qui avaient beaucoup à dire. Coup de coeur pour la franchise, la race, la qualité de ces vins. Beaucoup de plaisir aussi à la Baumann Weingut (Oberhallau, Schaffhouse) avec le pinot noir -R-. Idem que chez Pircher, belle tenue de ce vin racé sur les millésimes 08, 05 et 02. Pinot noir écrit en français sur l’étiquette s’il vous plait. Au pays du blauburgunder.
Schloss Bachtobel, et son vin N°3, le 05 sortait du lot par rapport au 08 et au 02 pour une question d’équilibre. A mon goût bien sûr.

Chez Thomas Mattmann, j’ai été gêné par la forte acidité des vins et par un élevage que j’ai trouvé trop appuyé. Au nez, c’est très démonstratif, avec des notes grillées puissantes, mais en bouche ça passait un peu mieux. Sans assécher le vin, je trouvais que le dosage restait trop prononcé. Cela s’est d’ailleurs reflété dans les autres vins du vigneron qui ont été dégustés le lendemain au Schloss Reichenau.
Un dernier vin de pinot noir pour le plaisir, celui de Gian-Battista Von Tscharner. Millésimes 07, 04 et 01 possédant une belle vinosité, de l’élégance. Le 07 est lui aussi encore bien marqué par son élevage, mais quant on déguste le 01 quelques minutes plus tard, on est rassuré. C’est bon et beau.
Un dernier petit mot sur les liquoreux de la Mémoire. Deux vins valaisans, le très beau et fin Johannisberg du Domaine du Mont-d’Or, et la petite arvine de Marie-Thérèse Chappaz, dégusté en toute fin de parcours. Fruité puissant, belle liqueur, riche, mais la finesse ne se laissait pas compter face à celle-ci. Bel équilibre. « Marie-Thé, c’est quel millésime que tu viens de me servir ? Ah, Laurent, je ne sais déjà plus, excuse-moi. ». C’est que ça use la « sommellerie de salon », même dans un Palace. Bravo aux vignerons qui n’ont pas ménagé leur peine quatre heures durant.
 
Laurent