Découverte : La Cave de Bovanche, à Ardon, avec Nicolas Jacquier

Voici déjà quelques mois que Nicolas « Jack » Jacquier et moi nous nous croisions régulièrement sur les réseaux sociaux. J’ai pu le rencontrer voici une semaine dans la cave familiale à Ardon, et nous avons réalisé ensemble un tour de  cave et des vins qui y sont réalisés.
Sachez d’emblée que cette visite me permet de réactiver la catégorie « Découverte » de ce blog ! Chose dont je ne puis que me réjouir.
Car je ne saurais rester assis derrière mon bureau et me contenter de demander des échantillons à des professionnels (chose que je n’ai jamais faite, sauf pour des dégustations thématiques). Je préfère me déplacer dans les vignobles, et, si possible, y « dénicher » des talents qui seront  demain -je l’espère- connus du plus grand nombre.


Rapide présentation de Nicolas Jacquier : 
Après l’obtention de deux CFC : un de viticulteur et un autre de caviste à Chateauneuf (VS), il a complété sa formation à Changins avec un titre d’Oenologue ES (Brevet Fédéral de technicien caviste à l’école d’ingénieurs de Changins).
Depuis six ans -il en a trente aujourd’hui- il vinifie les vins de la cave familiale, son père Pierre-Gérard se consacrant au travail de la vigne.
C’est un peu gêné qu’il me dit que la cave compte 16 cépages pour moins de cinq hectares de vignes. Chose qui ne m’étonne pas, puisque avec une cinquantaine de cépages en AOC Valais, cela a « naturellement » favorisé une diversification des spécialités dans les caves du canton. Même parmi les plus petites.
A un un nombre considérable de cuvées « monocépages » chaque vinificateur éleveur a encore la possibilité de réaliser des assemblages (la Dôle du Valais, et bien d’autres dans les deux couleurs).
Impossible dans ces conditions de déguster l’ensemble des vins en à peine plus de deux heures. Hormis si l’on ne vient que pour cela. Mais moi, j’aime l’humain, et je ne conçois pas de m’attarder sur des cuvées sans m’intéresser à la personne qui les a réalisées.
Pour cette dégustation, nous avons donc opté pour une sélection d’une dizaine de vins :

Le Fendant 2016 :
issu de la plaine d’Ardon, qui est dans la continuité du cône de Chamoson. Joli nez fruité, de belle intensité avec des florales également. La bouche est toute de fraîcheur, d’élégance, de finesse, sans manquer pour autant de densité. Bel équilibre général et fort jolie longueur pour un fendant réussi. Je lorgne sur le prix courant : 10 CHF le col de 75 cl. Il n’y a absolument rien à redire. Il saura se placer dans la catégorie « best buys ».
Johannisberg 2016 : un nez agréable et fin avec des notes classiques du cépage telle que la poire (quand c’est mûr), un petit rien de citron et d’amande en final. Nicolas que je trouve un peu dur sur le coup évoque la pomme verte et s’en explique : un tiers seulement de la seconde fermentation a été réalisée, contrairement aux habitudes de nombreux encaveurs qui la réalisent intégralement. Si une note malique est présente, elle ne domine pas. Enfin, la bouche est très fine, fraîche, sans aucune lourdeur, et offre toutefois de la concentration. Un vin fin et équilibré, long, et donc délicat.
A 11 CHF le rapport qualité/prix est exceptionnel pour un vin de ce cépage (il est vrai qu’il n’a jamais vraiment vu ses prix décoller dans la commune voisine de Chamoson, malgré la cohésion vigneronne autour de lui, et l’apport d’une appellation Grand Cru).

Païen 2016 :
Robe pâle, le nez est fin, fruité mais peu intense. Au contraire de la bouche où le fruit domine : fruits jaunes et blancs (pèche, brugnon), une touche anisée également. Belle acidité qui donne du tonus à ce vin et renforce sa fraîcheur car il ne manque pas de vinosité. Jolie longueur.
Petite quantité produite : 400 l, soit 800 cols de 50 cl (10 CHF l’unité).
Petite Arvine 2016 : Le nez est intense, presque exubérant, sur des notes de glycine, de rhubarbe mûre, de pomelos. La bouche est toute en finesse. Elle ne manque pas de vinosité pour autant. Très bel équilibre en bouche, l’acidité est nette, maitrisée. Le caractère minéral salin du cépage est bien présent et type avec le fruité le cépage de façon évidente. Très jolie longueur finale. J’écris TB (très bien) sur mon cahier, et fini par y ajouter  un coeur.
Un Coup de coeur est amplement mérité.
A 10 CHF le col de 50 cl (même présentation que pour le Païen), cette PA offre sans aucun doute le meilleur rapport qualité/prix /plaisir pour ce cépage en Valais.

Le Pinot Noir 2016 :
Robe rubis de belle intensité, le nez est fin, intense, avec une note de fumée suivie de petits fruits rouges (fraise, groseille). La bouche a une densité intéressante, une légère rondeur, il est vrai que les tanins sont fondus. Cette bouche pinote, elle est fine comme il se doit pour un pinot bien fait. Belle longueur.
Ce n’est pas le pinot noir le plus complexe, mais il est goûteux et franc. Avec un prix de 12 CHF, il est des cafetiers-hôteliers qui devraient se jeter dessus pour s’arracher les dernières bouteilles, et offrir un vrai vin de plaisir auprès de leur clientèle.

Syrah 2016 :
Jolie robe sombre aux reflets violacés. C’est une syrah fruitée, sur des notes de fruits rouges comme la fraise mûre en particulier. Au nez, cette syrah n’est pas la plus virile qui soit. C’est clair. En bouche, elle fait preuve d’une belle densité, elle est fraîche, gourmande, longue. A l’instar du pinot noir, elle ne fait pas partie des vins parmi les plus complexes, mais elle n’en est pas moins fort réussie. 15 CHF le col de 75 cl, rien à redire !
Cornalin 2015 : Belle robe sombre. Le nez est puissant, sur des notes de fruits noirs. La bouche est très agréable, concentrée et fine, longue, délicate malgré un caractère un peu « terreux » que personnellement j’aime bien. C’est un très joli Cornalin, dôté d’une belle longueur en bouche également. A 20 CHF il n’y a rien à redire non plus. Bravo !
Cornalin 2016 : Jolie robe profonde, Au nez, je trouve une note de fumée, et de fruits noirs également. La bouche offre un peu moins de volume que le millésime 2015, quoique, c’est peut-être le fait d’une acidité plus haute.  Elle n’en demeure pas moins franche, plutôt gourmande, fine, équilibrée et longue.

Les Grands Nobles 2015 :
Voici un assemblage (pinot noir, humagne rouge, diolinoir). Elevage en barrique -pas de bois neuf- durant une année. Robe profonde, nez fin, complexe avec des notes de fruits noirs (myrtille, mûre, cassis). En bouche beau volume. Il y a de la concentration, de la finesse (avec l’apport de pinot noir et d’humagne rouge il serait d’ailleurs décevant que cela fasse défaut). Un petit rien d’astringence en finale, qui devrait se gommer avec un peu de garde. Bel équilibre et fort jolie longueur. Une belle réussite que ce Grands Nobles 2015. Le prix est hautement sympathique : 20 CHF les 75 cl.

J’ai également eu le privilège de déguster une cuvée qui après une année d’élevage et six mois de mise en bouteille sera mise en vente en fin d’année :

Terres Noires 2015 : il s’agit d’un autre assemblage. Le cornalin « remplace » le pinot noir et complète l’humagne rouge et le diolinoir. Robe sombre, nez fruité avec des fruits noirs dominants. Belle concentration, beaucoup de finesse, un caractère un peu gras en bouche. Belle longueur. Un vin très fin donc, équilibré, avec un beau retour du fruit en finale. Très bien. Elevage parfaitement dosé. Bravo !
Cette cuvée sera proposée à la vente dans des coffrets de bois de six bouteilles. Quelques magnums seront aussi proposés à la vente. Avis aux amateurs. Le prix, plus élevé que les autres cuvées me parait parfaitement justifié!
Merci à Nicolas Jacquier pour son accueil. Je crois qu’il est juste de dire qu’il a parfaitement pris conscience du potentiel que ses vins peuvent offrir. Après s’être presque montré gêné de signaler que ses vignes étaient situées à Ardon, hors zone Grand Cru, il a pu mettre en exergue que la production de la cave de Bovanche est de très belle facture.
Vous l’aurez compris : le rapport qualité/prix/plaisir pour les amateurs est aujourd’hui exceptionnel. Il ne devrait pas rester continuellement à ce niveau, car des prix aussi bas vont l’empêcher d’investir, que ce soit pour réaliser de la replantation de cépages à la vigne, où d’achat de matériel vinaire en cave. Mais Rome ne s’est pas faite un une semaine non plus.
Notre homme est encore à l’aube de son parcours. Et il sait ce qu’il a à faire.
En tout cas, l’avenir lui appartient. De plus, il est bien entouré (il m’a communiqué les noms de ses amis dans le métier), formé, et la confiance monte ! Je ne peux que lui souhaiter le meilleur pour la suite !

 
Où trouver ces vins ? :
Nicolas Jacquier et famille
Route du Simplon 82
1957 Ardon
www.cave de Bovanche