"Jean-Pierre Kuntzer, le chasselas neuchâtelois est-il de garde" ?

Au coeur de la semaine du goût Suisse, une dégustation était proposée dans la (petite) offre de la région neuchâteloise. Elle ne pouvait manquer de m’intéresser, car la question était formulée ainsi : le chasselas, vin de garde ?

Jean-Pierre Kuntzer a répondu avec brio à cette question, tout comme son père qui a créé le Domaine St-Sébaste.

Jean-Pierre Kuntzer.

Pierre-Emmanuel Buss, journaliste parlementaire et vineux au journal Le Temps (ci-dessous) a animé avec le vigneron cette dégustation. J’ignore qu’elle était sa « part » de responsabilité dans l’organisation de cette dégustation, mais merci à lui de m’avoir invité à y participer.

En Lavaux, la réponse sur le potentiel de garde du chasselas est connue. Ailleurs  en Vaud (Chablais, La Côte), on aura vu passer quelques exemples de ci, de là, qui autorisent à croire que oui. En Valais, il en est de même. Certains terroirs sont aptes à proposer de vrais vins de garde. J’ai dégusté à plusieurs reprises des vins de quinze ans d’âge. La coopérative Provins possède un stock de vieux millésimes en vente (avis aux amateurs).
Qu’en est-il des terroirs neuchâtelois, et de leurs vins réputés pour « rayer les vitres ».
Ce samedi 15 septembre, neufs vins ont été proposés à la dégustation, sept avaient 20 ans d’âge minimum, trois portaient fièrement leur quart de siècle. Chapeau !

Mise en bouche avec la cuvée Sélection 2011 : robe limpide et claire, nez de bonne intensité, à dominante florales, avec une discrète note miellée. La bouche possède une belle attaque, bien bâtie, elle est riche, agréable, équilibrée, fraîche et longue. Le vin contient un petit rien de gaz carbonique. Jean-Claude Kuntzer explique qu’il n’y a pas de CO2 ajouté. D’après certaines explications qui lui ont été fournies, le sol riche en calcaire favoriserait sa formation. Un premier chasselas fort agréable.
 
Sélection 1998 : on entre dans le vif du sujet avec une cuvée de quatorze ans d’âge ! Cette fois, pas de doute à avoir -s’il y en eu à un moment : il va y avoir matière à discussion et à reflexion aujourd’hui ! Légère turbidité de la robe, qui est d’un beau jaune or. Le nez est liégeux, de façon discrète. Jean-Claude Kuntzer évoque quant à lui un nez plutôt poussiéreux. De façon étonnante, ce défaut va s’aténuer progressivement en quelques minutes. On perçoit aussi des notes de fruits jaunes, de fruits secs. La bouche conserve une belle fraîcheur, elle est grasse, d’un joli volume donc, longue et légèrement saline. Un vin également fort agréable.
Sélection 1994 : Robe d’un jaune or profond. Au nez, des notes de fruits jaunes, intenses, et aussi florale (verveine). La bouche est fraîche, riche, longue. L’acidité est en retrait, mas on retrouve une belle minéralité (caractère salin en finale à nouveau). Un vin qui parait en toute simplicité, très naturel, progressant de façon positive lors de son réchauffement dans le verre. Un vin qui fera l’unanimité par ses qualités. Il aura été considéré comme le plus complexe de la série.
Sélection 1992 : Robe d’un jaune vert assez profond. Le nez semble un peu moins intense que pour le 98, mais il est complèxe, avec des notes anisées, de noisette fraîche tout particulièrement. La bouche est parfaitement en place : fraîcheur, élégance, le gras est bien enrobé. Un vin de bonne longueur, mais surtout d’un grand équilibre. Très apprécié.
Sélection 1990 : Robe claire, limpide. Ici aussi on retrouve au nez une note liégeuse, qui ainsi que pour le 98 évoluera de façon positive. Notes miellées, tertiaires aussi. J’ai beaucoup apprécié à bouche de ce vin, à la fois souple et riche, fraîche, minérale, elle était longue, mais surout équilibrée. Ce vin n’a pas été chaptalisé. Ce millésime marque aussi l’application de la nouvelle réglementation cantonale sur la diminution des rendements dans le canton de Neuchâtel.
Sélection 1989 : Robe d’un beau jaune vert, au nez, la noisette et les fruits secs dominent. En bouche, à l’attaque on perçoit du CO2, le vin est moelleux, gras, long et frais. S’il parait relativement jeune, on note aussi une petite impression de dilution. Très apprécié toutefois !
Sélection 1988 : Belle robe jaune vert. Au nez, c’est complexe, avec une note citronnée intense. Mais l’on évoque aussi une impression de réduction. La bouche est grasse, dense, l’attaque est franche, le vin est chaleureux, puissant de bonne longueur. On discute également sur le caractère « pétrolé » qui fait penser à un riesling. La finale semble un peu plus courte que pour les vins précédents.
Sélection 1987 : un vin qui est annoncé comme un « vin de faucheur », et qui n’a pas été chaptalisé. Belle robe or limpide. Au nez, fruits jaunes et note d’hydrocarbures. La bouche est d’une grande fraîcheur, ample, élégante, équilibrée, souple et droite. La finale se termine de façon un peu courte, mais voila encore un bien joli vin !
Sélection 1987 « Aarberger Cuvée » : une nouvelle note liégeuse au nez, puis une note oxydée, toujours au nez, que l’on retrouvera d’ailleurs en bouche. Un vin qui a conservé sa complexité : notes miellées, de noix. Ce vin a du volume, une belle richesse donc, il reste sapide, et agraéble. Bonne longueur. Pourquoi Aarberg ? Parce que la commune d’Aarberg possède une usine de transformation de la betterave en sucre. Bref, ce vin a été chaptalisé.
Sélection 1986 : Nez puissant, avec une note de noix dominante. On parle à nouveau d’une légère réduction. La bouche offre une très belle fraîcheur, un équilibre parfait et la longueur est au rendez-vous. Très apprécié.
Pour finir, on re-dégustera les vins en les accompagnant d’une sélection de fromages (de Pierre-Alain Sterchi) et Jean-Pierre Kuntzer nous fera déguster la cuvée Vieille Vigne 2010 (vignes de 32 ans d’âge). Beaucoup de fraîcheur, le nez est fin, complexe, avec des notes d’agrumes (citron), florales (violette, tilleul, anis). La bouche est grasse, fraîche et très fine, dotée d’une agréable acidité, relevée par un un peu de CO2, paraissant un peu douce en finale. Mais un vin de beau caractère minérale (à nouveau une discrète note saline en finale). Levures indigènes, travail des lies en cuve par un batonnage de ces dernières. La FML a été faite intégralement.
Le Domaine Kuntzer a débuté en 2012 la conversion de 12 de ses 18,5 ha de vignes vers la bio-dynamie. L’an prochain c’est la totalité des vignes qui devrait être en conversion.
Laurent
PS : un merci tout spécialement à Anja Kuntzer qui a pris la totalité des photos ci-dessus.
 
Les coordonnées de la cave :
Domaine St-Sébaste
Jean-Pierre Kuntzer
Rue Daniel Dardel 11
2072 St-Blaise
Tél. : 032 753 14 23
Site Internet : www.kuntzer.ch

(faites « clic » sur la photo).