"La verticale" 2000-2009, du Dézaley Marsens de la Tour, Vase n° 4 des Frères Dubois !

La cave Les Frères Dubois, à Cully en Lavaux, possède depuis fort longtemps une collection de vieux millésimes en vente. Une collection certainement unique tant en Romandie qu’en Suisse pour une cave privée de cette taille.
Des stocks de trois cuvées ont été systématiquement mis de côté et, aujourd’hui les amateurs peuvent y trouver des bouteilles du pinot noir Réserve des Héraults et de deux chasselas, l’Epesses « Braise d’Enfer » et le Dézaley Grand Cru Marsens « de la Tour » depuis le dernier millésime (2011) jusqu’au (grandissime) 1971 !
Depuis dix ans, le Dézaley Marsens « de la Tour » Vase N°4 est également en vente. Cette cuvée est un peu la quintessence du Grand Cru du Dézaley chez les Frères Dubois. Un vin né à partir des plus vieilles parcelles de vignes, et élevé en cuve sur ses lies durant six mois, puis affiné douze mois durant encore dans un foudre de bois (le Vase N°4) d’une contenance de 6300 litres, avant la mise en bouteille. On distingue aisément les deux bouteilles du Dézaley Marsens « de la Tour » grâce à une couleur de capsule différente (le Vase n°4 arborant une capsule dorée et un macaron spécifique).
J’ai eu le plaisir de partager avec Christian Dubois et ses fils Frédéric et Grégoire, ainsi que  quelques privilégiés, une dégustation des dix premiers millésimes de ce Grand Cru.
Une édition spéciale de 100 caisses en bois contenant dix bouteilles de ces dix millésimes est actuellement en vente sur place au Petit Versailles. Mais il convient de se dépêcher pour acquérir cette caisse que les grands amateurs oublieront longuement dans leur cave. Cela a déjà été écrit ici maintes et maintes fois : le chasselas produit des vins de garde.
 
Georges Wenger, cuisinier de haute volée au Noirmont (JU) est ambassadeur du Dézaley. Il était présent à cette dégustation et a provoqué l’envie à plus d’un : il a eu l’occasion de déguster un nombre considérable de vins du Dézaley dont le plus vieux remonte à 1904 ! Il a fait connaissance avec au moins un vin de chaque décennie du XXe siècle ! Lui aussi aura insisté sur l’idée de la connaissance des millésimes. Il souhaite davantage d’association entre les vignerons et la gastronomie. Les restaurateurs doivent se montrer selon lui plus présents dans la promotion des vins suisses, et que ceux-ci soient davantage reconnus pour leurs spécificités.
Le Dézaley représente pour lui le vin Suisse qui possède non seulement une histoire, mais aussi une spiritualité. Le chasselas est pour lui le vin qui se présente en contradiction avec les vins bodybuildés, car il possède de la finesse, de l’élégance, de la délicatesse. Des qualités à savoir mettre en exergue !
 
Voici désormais le compte rendu de la dégustation d’un vin promis à une garde certaine :

Dézaley Marsens de la Tour Vase n°4

 
La mise en bouche a été réalisée avec l’Epesses Braises d’Enfer 2011.
Millésime 2009 : Au nez des notes miellées, de fruits blancs mûrs, des notes florales aussi. Belle intensité. La richesse du millésime est immédiatement décelable : ce vin est ample, riche, moelleux. Sa jeunesse est perceptible tant à la robe d’un jaune clair que par la présence de gaz carbonique. En bouche, ce vin est un gamin turbulent, plein de vitalité et sûr de sa force, qui doit apprendre à se maitriser. Après plusieurs minutes dans le verre on se rend compte que l’élève apprend rapidement les notions de la discipline.
 Millésime 2008 : perception au nez d’une belle maturité à partir de notes de fruits jaunes intenses. La bouche est plus « tranquille ». Bel ensemble fin et frais, riche aussi toutefois, on sent une petite note lactique, elle reste bien discrète et devrait s’estomper avec le temps. En finale une note citronnée (limette) apporte un supplément de fraîcheur et une sensation de tension de bon aloi. Belle longueur.
Millésime 2007 : Nez intense et complexe avec des notes florales (tilleul), d’amandes grillées, et d’agrumes. Toucher de bouche délicat, très fin, droit, équilibré et long. Une petite évolution (oxydation) est néanmoins évoquée par certains (contrairement à la dégustation de la Petite arvine Ch. Lichten chez Rouvinez Vins), nous dégustons des vins passés en carafe juste avant le service. Mais les deux bouteilles n’ont pas été assemblées. La différence d’appréciation vient de là.
Millésime 2006 : Robe or, nez intenses sur les fruits jaunes « surmaturés », avec également une petite note d’évolution (champignon). Un millésime qui se présente « prêt à boire », riche et fin, structuré, gras, long.
Millésime 2005 : Un millésime dont Lavaux se souvient et se souviendra longtemps encore, en raison du terrible orage du 18 juillet et de sa grêle dévastatrice. Sur la partie Est du Cru, 90 % de la récolte furent perdus au Clos des Abbayes. Dans l’appellation St-Saphorin les dégâts auront été du même ordre. Sur la partie Ouest du Cru, marquée « physiquement » par la présence de la Tour de Marsens, les dégâts ont été plus limités (50% tout de même).  Robe jaune à forts reflets verts, nez réservé, discret (note d’amande), la bouche est moelleuse (moyenne des baies à 90° Oechslé), riche mais aussi  presque austère. Mais l’équilibre est là. Patience, patience. C’était le grand timide de la série !
Millésime 2004 : Nez mûr avec des notes de fruits : pêche, poire en particulier. En bouche, ensemble riche et gras, gourmand même, sapide car le vin possède une agréable acidité et une petite touche minérale finale (saline). Ce vin est fin, et il possède déjà une légère patine, sans perdre de son caractère. En finale un petit amer bien intégré apporte un petit plus en terme de complexité. Le caractère gourmand de ce millésime s’oppose à celui très fermé du millésime précédent.
Millésime 2003 : Robe or intense, nez …intense lui aussi, avec une évolution vers des notes de champignons blancs, mais de fruits jaunes mûrs (la mirabelle tout particulièrement. La bouche est riche, ce qui ne surprend personne, mais elle est droite, car une agréable acidité joue à merveille le rôle de la colonne vertébrale. Petit amer discret en finale également sur ce millésime qui a gardé toute sa jeunesse et qui possède un potentiel de garde certain.
Millésime 2002 : Fruits jaunes, pêche des vignes, note miellée, d’amande au nez. En bouche, beaucoup d’élégance et de fraîcheur, de droiture associée à une belle maturité, il a aussi un caractère minéral (note pétrolée), belle acidité, finesse et équilibre, longueur, …2002 a tout du GRAND millésime quand il se présente de la sorte. Coup de coeur pour ce vin.
Millésime 2001 : encore un fort beau millésime ! Si l’expression fruitée est plutôt discrète, avec surtout une note de citron signant la fraîcheur du cru, la bouche mêle fraîcheur et finesse à un caractère moelleux mais racé, légèrement salin en finale. Un Dézaley typé et jeune encore légèrement sur la réserve. Grand potentiel pour ce vin également. 
Millésime 2000 : Notes de fruits mûrs (mirabelle à nouveau), de raisin (Grégoire Dubois), de miel aussi. En bouche, le vin a conservé un petit de son Co2 bien perceptible à l’attaque. ENsemble fin, gras, charmeur, légèrement évolué, mais persistant, à l’acidité moins nette que sur les millésimes précédents, mais toujours typé et long. Jolie note d’amande amère en finale. Un fort beau vin encore une fois !
 
La verticale s’est terminée par trois vins remarquables, dont les 2001 et 2002 qui sont encore clairement dans leur jeunesse. Clairement, le cru né du Vase N°4 est une réussite. Hormis le 2005 franchement austère ce lundi 10 septembre, mais au potentiel de garde certain, on peut dire qu’il n’y a pas de millésime faible sur cette décennie ! 
Chez les Dubois, le Dézaley connait les deux fermentations, alcoolique et malolactique. Pour Christian Dubois c’est indispensable. Sans malo, l’expression est fruitée, variétale, avec la seconde fermentation, c’est le terroir qui s’exprime.
Christian Dubois ne pouvait pas ne pas faire déguster le dernier né, en cours d’élevage bien sûr, prélevé dans son vase. Voici le millésime 2011 ! L’oenothèque, espace de dégustation et d’achat des crus de la Cave du Petit Versailles à Cully. Vous êtes -presque- dans le vignoble avec cette photo au tirage géant (08m sur 03) signée Régis Colombo. Au coeur de l’image, la fameuse Tour de Marsens. Tous les Dubois sont nés à proximité immédiate de la tour, dans la maison (et cave) familiale. Un bien bel endroit au service du vin !

Christian Dubois m’avait accompagné voici quelques années dans un projet d’une dégustation de vieux millésimes du Dézaley. Voir l’article de Jean-Marc Gatteron (Le Rouge & Le Blanc), en faisant clic ici. Il avait aussi réalisé un tableau sur la qualité générale des millésimes du Dézaley (de 2000 à 1971). Il devrait dans les semaines à venir le compléter des dix derniers millésimes ! Merci à lui. Les articles et photos de cette journée en Dézaley peuvent se consulter d’un seul clic sur le blog (lien actifs en bas de page de cet article)
Les indispensables coordonnées de la cave :
Les Frères Dubois
Le Petit Versailles
1096 Cully
Tél. : 021 799 22 22
E-mail : office@lfd.ch
le site Internet : www.lfd.ch
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Le Dézaley en photos (I) : La Tour de Marsens, la zone Ouest
Le Dézaley en photos (II) : au coeur du vignoble
Le Dézaley en photos (III) : le dîner et la dégustation en photos