2010-1994 : Dégustation sans "lumière tamisée" de la Petite Arvine Château Lichten de Rouvinez à Vinéa 2012

Bien qu’ayant parcouru le Valais viticole dans tous les sens ou presque, la visite de la cave Rouvinez (cave historique de l’édition de Vinéa 2012) aura été une première pour moi.
Cette cave familiale possède 86 hectares en propriété, soit douze domaines viticoles (le Dom. De Montibeux, à Leytron, en représente quinze, le Château Lichten dont il est question aujourd’hui en compte dix) qui parcourent tout le Valais viticole depuis Loèche jusqu’à Saxon, sur les deux rives du Rhône.
Rouvinez, c’est donc une grande cave (qui de surcroit a des satellites : Imesch, Orsat par exemple). C’est surtout une famille, qui s’est installée voici soixante cinq ans sur la colline de Géronde à Sierre. Les frères Dominique et Jean-Bernard, tous deux œnologues, dirigent l’entreprise depuis le début des années 1980. C’est sous leur impulsion que l’entreprise a considérablement grandit. Aujourd’hui, les deux frères préparent le passage de témoin à la jeune génération. Voici donc une cave et un négoce qui n’ont rien d’une « belle endormie ». La réputation tant de la cave que des vins est bonne, sinon même excellente.
 
Nous avons été accueillis par Dominique Rouvinez, qui aura été rejoint un peu plus tard par son frère Jean-Bernard, le temps de la dégustation, avant qu’il ne retourne au stand du salon Vinéa.
Le Château Lichten est un domaine viticole qui se trouve sur la rive droite du Rhône, à Loèche. La Petite Arvine représente quatre des dix hectares de vignes. Dominique Rouvinez nous parle d’un sol de moraines, relativement sableux et sec. Son frère ajoutera que la bio-diversité de l’endroit est aujourd’hui exceptionnelle. Deux vins sont produits : Lichten blanc qui est un vin de Petite Arvine ainsi qu’indiqué ci-dessus et Lichten rouge, un assemblage de cornalin et d’humagne rouge.
Je connaissais déjà plusieurs vins de la cave, dont la petite arvine Château Lichten dégustée principalement lors du passage au stand à …Vinéa, mais, en ce 1er septembre 2012, nous aurons dégusté dix millésimes de cette cuvée. Une dégustation verticale, dont le choix s’est porté sur les années paires, depuis le millésime 2010 jusqu’au millésime 1994, le premier commercialisé. Le millésime 2011 a servi de mise en bouche.

Au cours de la dégustation, Dominique Rouvinez nous aura communiqué nombre de détails sur l’élaboration de ce vin. J’ai choisi de les regrouper en bas de cet article. Toutefois, et parce que cela est apparu dès l’introduction de cette dégustation, je ferai une petite entorse sur un point : dès le premier millésime de la Petite Arvine Ch. Lichten (en 1994), le refus de la 2eme fermentation (la fameuse Fermentation MaloLactique) a été décidé. Voila qui va à l’encontre de l’idée que ne pas faire la FML est un « artifice » récent, apparu depuis moins d’une douzaine d’années pour faire face aux millésimes chauds auxquels les vignerons sont désormais régulièrement confrontés.
L’ensemble des personnes présentes aura dégusté exactement le même vin, fruit de l’assemblage de deux bouteilles de 75 cl dans une carafe pour homogénéiser les matières et «gommer » les différences d’évolution entre les deux flacons.
François Murisier, président de Vinéa, ancien chercheur et professeur à l’EIC de Changins, aura apporté des éléments sur la climatologie de chaque millésime. J’en ai rapporté quelques uns directement liés à chaque compte rendu de dégustation du millésime en question. Souhaitons retrouver un jour l’ensemble de ces informations sur les trente derniers millésimes en consultation sur le Net (sur le site de Changins par exemple, bien que je serai  aussi intéressé de les publier ici).
La dégustation a été animée par Dominique Fornage, directeur du Château de Villa et grand dégustateur des vins valaisans et d’ailleurs devant l’Eternel.

Dominique Fornage au 1er plan, puis François Murisier et Jean-Bernard Rouvinez.

2011 : nez intense, sur des notes de rhubarbe, d’agrumes (pamplemousse). L’attaque est franche, le vin est typé dès l’attaque, et ce jusqu’à la finale, grâce à l’acidité marquée mais intégrée. La finale s’étire avec élégance sur la note saline typique de ce cépage. Cette PA a été récoltée vers le 20 octobre.
 
2010 : arômes mûrs, fruits exotiques (mangue), d’agrumes, de belle intensité. La bouche est chaleureuse, équilibrée, l’acidité est en retrait et la riche matière procure un sentiment de rondeur (qui n’est pas une douceur). La finale saline apporte un plus en terme de complexité, elle accentue la finale et souligne le toucher de bouche délicat de ce vin. Un très joli vin, fort jeune, promis à un bel avenir.

Dominique Rouvinez

« Une PA, c’est un vin droit, droit et droit » (navré pour la piètre qualité de la photo).

2008 : Nez très fin et intense, de fruits exotiques, de pamplemousse, au caractère minéral marqué. La bouche est tendue, elle semble avoir quelque peu évolué, ayant une sorte de patine, renforcée par le moelleux (glycérol) en milieu de bouche. Un vin long, typé par sa finale saline. Pour certains, une légère réduction est évoquée (dureté à l’olfaction). Le nez semble avoir un supplément de jeunesse par rapport à la bouche, pour laquelle certains parlent d’une note d’hydrocarbure (note pétrolée, comme pour certains rieslings). Un millésime 2008 considéré comme une année à vins blancs selon Dominique Rouvinez.
2006 : Nez moins expressif, moins puissant donc, mais avec des notes très mûres (de pamplemousse à nouveau). Je trouve sur ce millésime une première fois une note anisée (note qui renforce la sensation de fraîcheur). Pour ma part, je retrouve une note d’hydrocarbure plus évidente que sur le millésime précédent. En bouche le vin est fin, assez gras, charnu, mais je le trouve bien porté par son acidité.  Dominique Rouvinez semble un peu déçu par les airs de « faux vieux » de ce vin. Il parle de note de cire, d’amande (en finale surtout) et de caractère fondu. François Murisier évoque pour ce millésime le mois de juin le plus chaud depuis 1875 !
2004 : Fruits jaunes, agrumes, glycine aussi de belle intensité. La bouche est très élégante, fraîche et tendue. L’acidité bien intégrée se dévoile petit à petit au fur et à mesure que le vin se réchauffe dans le verre. Un vin harmonieux et très bien équilibré, qui semble bien jeune encore. Étonnamment, un peu de gaz carbonique était encore présent. Un très joli vin. Le mois de juillet aura été très chaud et sec. Le déficit hydrique est supérieur à celui du millésime 2003.

Jean-Bernard Rouvinez

2002 : Je note d’emblée une très belle cohérence entre le nez et la bouche. Notes fruitées bien mûres, où les agrumes tels que le pamplemouse, l’écorce de citron dominent au nez. En bouche, la fraîcheur est remarquable, et atténue la richesse de la matière pour lui conférer un caractère aérien d’une grande élégance. La minéralité relativement discrète dans un premier temps devient plus évidente au fur à et mesure que le vin s’ouvre dans le verre et se réchauffe quelque peu. Un vin de dix ans en grande forme, d’une magnifique jeunesse. Une petite arvine qui démontre avec éclat son potentiel ! Un mois de juin très chaud. Juillet et août seront moins chaud. Ce millésime est né suite à un hiver 2001/2002 particulièrement rude. Si l’on est à la recherche du grand vin de cette dégustation, en voici un qui vient de faire un pas en avant !
2000 : Le nez reste typé ou typique, avec des notes d’agrumes dominantes. Au sujet de l’aromatique des petites arvines, Dominique Rouvinez me dira en aparté que les arvines de la région de Fully, possèdent une magnifique signature florale, bien plus prononcée que celles de la région de Sierre. La bouche de ce millésime 2000 est grasse, voire opulente, mais sans être lourde. L’acidité est relativement faible et tout un chacun l’aura remarqué lors de la dégustation. En bouche, je retrouve un nouvelle fois une note anisée qui apporte un supplément de fraîcheur. Dominique Rouvinez confiera qu’il n’est pas certain qu’il aurait pensé à une petite arvine dans une dégustation à l’aveugle. Et il est vrai que cette PA fait un peu office « d’électron libre » actuellement à ce stade de la dégustation.
1998 : Robe claire également pour ce vin. Nez complexe et puissant, avec des notes de miel, de safran, de fruits confits. Un nez qui « trahit » l’âge de ce vin par ses notes évoluées. En bouche, après une attaque franche, la richesse de la matière signe la maturité des baies, et apporte un sentiment d’harmonie. L’acidité de ce vin apporte un supplément de fraîcheur qui lui donne l’impression d’être plus jeune en bouche qu’au nez. On retrouve en bouche une belle note de pêche des vignes. Jolie longueur. La salinité relève encore la finale et en accentue le caractère frais et tonique et tend à faire oublier le petit sucre résiduel (parfaitement fondu). Dominique Fornage considère cette PA comme un vin d’hédoniste. François Murisier rappelle que le millésime aura été marqué par un mois de juillet et début août très chaud.
1996 : Robe claire, nez de fruits mûrs et exotiques (ananas). Un vin qui conserve toute sa fraîcheur, porté par une très belle acidité. Dominique Rouvinez trouve ce vin un peu étroit. Il est vrai qu’il ne possède pas la puissance du millésime précédent, aussi il apparait davantage droit en bouche. Ce 1996 pêche donc un peu par sa puissance et sa complexité, mais il n’en demeure pas moins un bien joli vin, typé, avec une salinité marquée en finale.
1994 : le premier millésime du Château Lichten blanc. Belle robe or, le nez semble complexe, avec des notes tertiaires de cire, mais l’on perçoit encore des fruits jaunes. Dominique Rouvinez souligne la petite note volatile au nez. En bouche, après une attaque franche, le vin manque un peu de corps, mais il a conservé toute sa typicité, avec une jolie note minérale saline en finale. Une PA de 18 ans, issue de vignes plantées trois ans plus tôt. On le perçoit de suite, mais n’est-ce pas l’un des éléments de la vie de ce vin ?

Vignes plantées en 1991, rendements maxi de l’ordre de 800 grammes au mètre carré. Pas de fermentation malo-lactique sur l’ensemble des cuvées. La vinification se fait sur lies totales jusqu’à fin mai. En juin, le vin est mis en bouteille. A la question sur les doses de soufre, il est répondu des valeurs de l’ordre de 15 à 18 mg/l. Sol de moraines, avec présence de sable.
Une cave, c’est aussi des collaborateurs, que Dominique Rouvinez remercie pour leur travail. Il ajoute « Je pense que nous avons les meilleurs » .

Le boulodrome de la colline de Géronde. Pour un état d’esprit d’entreprise irréprochable ?

 
Un grand merci à François Murisier, Dominique Fornage, et bien sûr à Dominique et Jean-Bernard Rouvinez pour leur accueil, cette magnifique dégustation, et aussi pour le flacon offert du millésime 2002.
Peu après, nous dégusterons encore quelques vins dans l’espace dégustation : un Ermitage 2005 somptueux, servi en magnum, La Trémaille 2005 (chardonnay et petite arvine) un vin également proposé en magnum, et aussi, l’assemblage Le Tourmentin 2010 (toujours en magnum), le Cornalin 2009, l’Humagne rouge 2009 et 2008 du Domaine de l’Ardévaz, à Leytron, un domaine dont Dominique Rouvinez considère qu’il possède un terroir exceptionnel. Ils seront commentés prochainement.
 
Coordonnées de la cave Rouvinez :
Colline de Géronde
Chemin des Bernardines
CH 3960 Sierre
Tél. : 00 41 27 452 22 45
www.rouvinez.com
L’espace dégustation est ouvert du lundi au vendredi, de 08h30 à 12h en matinée. De 13h30 à 17h30 en après-midi. Le samedi matin : de 10h00 à 12h30.