Une belle soirée de vieux millésimes et d'amitié au Treytorrens, chez Antoine et Denis Bovard

C’est à l’initiative de Denis Bovard que cette soirée s’est déroulée. Le jeune homme n’en est visiblement pas à son coup d’essai. Une soirée mêlant vignerons, appellations, millésimes…) qui aura été une vraie réussite à plus d’un titre, en particulier par son caractère amical, et, bien sûr, de part la qualité des vins proposés.

du cote des vignerons

Un cliché du côté des vignerons (pas tous présents sur la photo) : Noé Christinat, Jean Duboux, Antoine et Denis Bovard.


Outre les vins de notre hôte, et de son père, Antoine Bovard, nous avons également dégusté des cuvées de la cave dOlivier Christinat, de Ollon, dans le Chablais, représenté par son fils Noé. Ce dernier est encore « aux études » à Changins (il s’est d’ailleurs illustré avec ses collègues de promotion en remportant la première place du concours organisé par l’école hôtelière de Lausanne. Bravo à cette jeune équipe talentueuse). Etaient également présents : Marc Duboux, du Domaine Marc et Jean Duboux, à Riex, Salomon Dubois, du domaine Dubois Fils à Epesses, et Vincent Chollet, du Domaine Mermetus à Aran/Villette. Et bien sûr, le site de nos hôtes : Domaine Antoine Bovard, à Treytorrens.
Parmi les personnes présentes ayant répondu à l’invitation de Denis, quelques étudiants de Changins, l’oenoparfumeur Richard Pfister, Pierre, un généreux donateur de bouteilles rares (voir ci-dessous), et moi-même.
En attendant les derniers inscrits, nous devisons, faisons connaissance les uns et les autres en dégustant un Epesses 2014 du Domaine Antoine Bovard.epesses 14 Bovard
Etape I : chaque vigneron « dégaine » un vieux millésime :

Olivier Christinat, chasselas 2010 d’Ollon, Combaz-Gélin, GC.
Le caractère gélif de cette combe dont cette cuvée tire son nom n’a pas existé devant celui plutôt solaire de ce vin. Nez complexe avec des notes de crème de lait, de caramel, de cire d’abeille, de safran, de champignon de Paris, de fleurs poudrées et de raisins de Corinthe (Richard Pfister). Le vigneron peut être heureux quand un « nez » décrypte son  vin de la sorte, non ? La bouche a du « coffre », du gras et un bel équilibre. Noé Christinat évoque une belle vendange (avec 30 % de volume en moins tout de même). Un bien joli vin, mais toutefois l’on s’interroge sur son potentiel. Apogée atteinte ou pas ? Seul le vigneron aura la réponse en ouvrant d’ici quelques années une autre bouteille.  Notons que le domaine est jeune, et que le produit des vignes était auparavant livré à une coopé du Chablais.  Une belle entame !
C’est ensuite au tour de Vincent Chollet, du Domaine Mermetus, de nous présenter son Vase N°10, présenté dans un Pot Vaudois (il y en avait très largement assez pour tous).
Le premier nez dégage une belle sensation de fraîcheur, en particulier par la note anisée qui s’en dégage. En bouche, des notes de fleur d’oranger et de violette font leur apparition. La bouche est droite, équilibrée, « vibrante », soutenue par un joli gras, une très belle finesse. Un vin équilibré et persistant.
L’une des « signatures »de ce Vase N°10 est l’absence de seconde fermentation (la malolactique) lors de la vinification.
Gageons que Mermetus, l’ancêtre de Vincent (puisqu’il s’agit d’un prénom), se retournerait volontiers dans sa tombe si cela pouvait lui permettre d’atteindre un verre de ce vin et de l’amener jusqu’à sa bouche !
Dézaley 1996 du Domaine Marc et Jean Duboux : L’olfaction est intense, avec des fruits jaunes et exotiques tels la mangue et la mirabelle, le coing, voire aussi un petit rien d’épice. En bouche, c’est un vin équilibré, fin, droit. Salomon Dubois apprécie et nous confie qu’il s’agit d’un vin « direct, qui sait où il va ». Ce Dézaley est d’une grande élégance et d’une très belle persistance. Belle évolution dans le verre. Certains évoquent un caractère salin en bouche (j’avoue ne pas l’avoir perçu), qu’un dégustateur nomme « effet cacahuète ». Un très beau Dézaley.
Dézaley 1988 de la cave Dubois Fils :  Si l’on fait fi d’une note de poussière ou de liège, ce Dézaley recèle lui aussi des fruits jaunes, et aussi une note de cire d’abeille, de beurre rance et de raisins secs, le tout d’une belle intensité. La bouche est d’une grande finesse, grasse mais fraiche et très longue. Que serait cette bouteille sans un problème de bouchage ? Très certainement un très grand vin. Il vous faut savoir que chez les Dubois (les Frères comme les Fils) que la conservation de vieux millésimes est une tradition. Voici deux ans, lors d’une dégustation au Clos des Abbayes, Salomon Dubois avait présenté un vin absolument remarquable.
L’un des grands charmes de ces soirées, c’est aussi que l’on y apprend tout un tas de choses, petites où grandes. Salomon Dubois nous a livré cette jolie phrase, qui fleure bon la définition du terroir d’une certaine façon : « On ne peut pas faire de Dézaley, là où les corbeaux se disent bonsoir ». Sans aucun rapport avec le terroir de ce vin. bien entendu.
La Médinette 1982, Louis Bovard. Ce vin a été vinifié par Antoine Bovard, frère de Louis. Le nez est intense, avec des notes de tabac blond, de camphre, de pierre à fusil, de fleur d’oranger. Ce vin de caractère, qu’un participant résumera en deux mots : tellurique et solaire, possède une bouche pleine (pleine, pas ronde), offrant beaucoup de finesse, de fraîcheur et d’équilibre, et une belle longueur finale. Un grand Dézaley, qui n’a pas fini de causer !

La soirée aurait pu en rester là, chacun étant heureux des rencontres, de nos discussions et des vins dégustés. C’était sans compter sur un participant, Pierre, qui est venu avec des bouteilles « orphelines », qu’il souhaitait partager plutôt que de les ouvrir seul chez lui. Un grand merci à lui bien sûr ! Certaines bouteilles avaient largement le triple de l’âge du plus jeune où de la plus jeune d’entre nous !
Etape II : de vieux millésimes entre tombés du ciel ou sortis de cave !   :
Nous avons donc repris le chemin de la dégustation, avec un vin de l’Abbaye de Mont 1964, de la ville de Lausanne : nez intense, avec des notes de raisin de Corinthe, d’écorce d’orange, de citron, d’abricot sec, de champignon. En bouche, le vin est droit, tendu, d’un équilibre remarquable et d’une finesse qui l’est tout autant. On relève aussi des notes de curry, de noix, de safran. Un vin d’une classe folle. Et Salomon Dubois ne casse pas l’ambiance en relevant qu’il s’agissait là pourtant du pire millésime des années soixante !
Vinzel 1958, maison Hammel (Rolle) : la robe est cuivrée, légèrement turbide. Au nez, je relève des notes de moka, de citron et d’abricot sec. La bouche est clairement sur le déclin, bien qu’étonnamment tonique. C’est son manque de chair, qui est « coupable ». Il confère à cette bouche un aspect « aqueux ». Belle longueur finale pourtant.
Vinzel 1959, maison Hammel (Rolle) : la robe possède une couleur café, avec des reflets brillants. Au nez, on retrouve une note de moka et d’écorce d’agrume et de raisin de Corynthe, de vanille et de noix. La bouche est plus dense que celle du millésime 58. Le corps offre à la matière plus de rondeur. L’ensemble est frais, élégant, et la petite amertume finale ne gâche rien à la fête. Un fort beau vin.
Nous dégusterons encore un Lacrima Christi del Vesuvo, de 1968. Un assemblage de cépages rouges. Si la sensation de soufre est présente, le fruité n’est toutefois pas anesthésié : framboise, groseille, fraise, raisins confits, cassis et aussi figue sèche. La bouche est souple, évoquant un peu celle d’un Porto LBV
Vina Real de la Rioja, 1940 : le nez n’est pas hautement expressif. J’ai perçu surtout des notes de cuir. Mais la bouche parle pour lui : finesse et fraîcheur sont remarquables, tout comme l’équilibre en bouche. Les tanins sont très fins, gras. Fort belle longueur. Un vin délicat comme un grand Bourgogne.
Nous avons terminé cette dégustation en revenant en Lavaux, avec un Dézaley « rouge » de 1996, issu à l’époque d’une vigne d’essai, sise au bas du coteau entre la route et le chemin de fer. C’est un assemblage de merlot, de syrah, de cab.-sauvignon et de pinot noir, élevé en barrique. Apogée dépassée pour un vin où j’ai perçu des notes de groseille et surtout une verdeur marquée.
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L’évolution positive à l’air de vieux vins dans leur verre, confère aux vieux millésimes un caractère magique. Si le dégustateur doit « travailler » pour envisager le potentiel de vieillissement d’un jeune cru, le vieux millésime offre sa sagesse à qui veut bien y goûter.


Une bien belle soirée, merci à tous les participants, qu’ils soient venus pour le plaisir de déguster, d’éduquer ou de s’éduquer, de partager. Une pensée spéciale pour la maman de Denis Bovard pour son travail de l’ombre et de plaisir, celui de nous sustenter. N’hésitez pas à prendre contact avec Denis Bovard pour connaître la prochaine soirée qu’il organisera dans le carnotzet familial (ses coordonnées se trouvent sur le site Internet de la cave).