Le Vin des Croisés de la Cave de Bonvillars : une sacrée verticale !

Cette dégustation tenait particulièrement à coeur à Olivier Robert l’oenologue de la cave. Il me l’avait proposée voici déjà quelques mois. J’avoue que j’étais presque aussi curieux que lui de la voir se réaliser.
Olivier a rassemblé les bouteilles dans le cellier, dont il les a sorties juste avant que la dégustation ne commence. Les vins ont été ouverts l’un après l’autre, avant leur service. La température de service, considérée comme « limite basse », n’a pas été un souci, bien au contraire, elle a permis aux vins de se révéler progressivement, plutôt que de subir une température qui aurait pu perturber leurs équilibres.
Nous avons choisi de débuter la dégustation par les vins les plus jeunes (2011 et 2010)  pour finir par les plus vieux (1995 et 1992). Nous aurons dégusté dix vins issus de neuf millésimes (le millésime 1997 était présenté deux fois, un vin élevé en cuve, l’autre en barrique).
Cette dégustation rassemblait le fruit du travail de trois vinificateurs : Olivier Robert (à la coopérative depuis 2009), Fabien Bernau (millésime 2008) et Jacques Gex (millésimes 1992 à 2001). Il va sans dire que leur travail n’aurait pas lieu d’être si l’on ne rappelait pas que les raisins sont avant tout le fruit du travail annuel des coopérateurs, tout autant passionnés que ceux qui élaborent les vins ! Mais le nombre des intervenants d’une coopérative ne s’arrête pas là : direction, administration, personnel en lien direct avec la clientèle, …, tous sont convaincus de leur travail et se battent pour faire progresser leur entreprise et ses vins vers un but commun : une qualité toujours plus élevée dans le but de satisfaire (et aussi de surprendre) la clientèle.

Si durant de très longues années le vin des Croisés était une cuvée de pur pinot noir élevée en cuve, et déclinée en une version élevée en barrique, la confusion n’est aujourd’hui plus possible : le Vin des Croisés reste le pinot noir élevé en cuve. Le pinot noir élevé en barrique se voyant dénommé ainsi. L’étiquetage est désormais différent : le Vin des Croisés conserve son étiquette noire, l’autre ayant une étiquette blanche (cf. dernière photo en bas de page). Enfin, leur volume de production diffère : 80.000 bouteilles pour le premier, et seulement 5.000 pour le second.
La verticale du Pinot Noir Vin des Croisés s’est déroulée le 19 décembre 2016 :
 
Le Millésime 2011 : robe rubis de belle intensité, sans trace d’évolution. Le nez est fin et fruité, de belle intensité, avec une note de fumée et des notes de fruits rouges (framboise, groseille à maquereau), mais aussi une note de cerise kirschée. La bouche est fraîche et fine, avec une discrète note de fumée. Les tanins sont fondus, l’équilibre est là. Jolie longueur fnale, sur laquelle je retrouve un caractère légèrement épicé. Un joli vin sapide.
Le Millésime 2010 : la robe n’a pas évoluée non plus. Le premier nez évoque les fruits noirs comme le sureau, la mûre, puis des fruits rouges comme la framboise et la groseille font leur apparition.
Très jolie densité en bouche, ce qui n’exclut en rien, bien au contraire, les notions de fraîcheur et d’équilibre. Les tanins sont très fins, fondus, bien qu’ils soient encore marqués en finale, ce qui laisse à penser que ce vin possède sans aucun doute un potentiel de garde et donc d’évolution favorable pour lui. Très belle finale, qui révêle toute la finesse du cépage. Elle est particulièrement sapide. Une très belle bouteille que voila, et, d’une certaine façon, nous tenons là notre mètre étalon pour la suite de la dégustation. Bravo Olivier !
Le Millésime 2008 : La robe est rubis, d’intensité moyenne. Elle ne semble pas avoir évolué durant ces années. Au nez, la première note perçue évoque le tabac blond, puis le cuir, mais aussi de fruits des bois, de groseille mûre. La structure en bouche est moyenne (au regard du vin précédent aussi certainement), elle est clairement moins complexe aussi. Les tanins sont encore fermes, peut-être très légèrement secs en finale. Néanmoins le vin s’avère goûteux, équilibré et offrant une belle longueur finale.
Olivier Robert me glisse qu’après les années de « tempête » traversées par la cave dans le début des années 2000, le vinificateur avait pour la première fois avec ce millésime un matériel vinaire adapté pour le travail de vinification des vins rouges.
Le millésime 2001 : Robe rubis de belle profondeur, sans trace d’évolution. Le nez est frais, fin, avec des notes de fruits acidulés comme la framboise, de cerise rouge également, mais aussi une note plus discrète de tabac. La bouche a conservé toute sa fraîcheur et sa finesse. Les tanins sont encore discrètement présents, à l’instar du millésime 2008, ce qui laisse à penser que ce vin va continuer à évoluer favorablement pendant encore quelques années. De plus, nous avons suspecté que ce vin possédait une très légère réduction (après 14 ans de bouteille c’est aussi dans l’ordre des choses). Une bien belle bouteille de 15 ans d’âge !
Le Millésime 2000 : La robe est d’intensité moyenne, le pourtour du disque est clair, on ne distingue pas de signe d’évolution.
Le premier nez est très fin, sur des notes de fruits des bois, de fumée, et aussi de bois de cèdre. La bouche est délicate, suave, le volume en bouche est bien présent. L’ensemble est fondu, parfaitement équilibré, d’une très grande finesse et d’une très jolie longueur finale, qui s’avère d’ailleurs salivante. Un vin tout simplement réjouissant mais aussi racé. Bravo ! Peut-être le « parangon » de notre dégustation ?
Le Millésime 1999 : (élevage en cuve). Robe profonde, sans trace d’évolution. Le pourtour du disque est clair, mais sans altération de sa couleur. Au premier nez, j’ai un sentiment de fraîcheur magnifique avec une note mentholée discrète mais bien présente. Puis viennent les fruits, dont la framboise et la groseille et enfin une note de fumé. La bouche a une belle densité, et donc du volume en bouche. L’ensemble est très fin, fondu, cohérent, sapide et possédant une harmonie générale indéniable.
Le Millésime 1997, cuvée Spéciale Garde : ce vin a été élevé en cuve. Le nez est atone, même après aération. La robe bien qu’encore profonde montre des signes d’évolution nets. Elle est fortement orangée sur son pourtour. La bouche apparait elle aussi plutôt plate à l’attaque, elle se ressaisit par la suite. Les arômes en bouche sont clairement tertiares, avec une note de cuir marquée. Ce vin a dépassé son apogée. Olivier Robert évoque une note de sotolon (une molécule aromatique que l’on retrouve dans la livèche (où herbe à « Maggi »).
Le Millésime 1997 (cuvée élevée en barrique) : la robe est très peu évoluée. Le nez est fin, élégant, avec des notes de fruits rouges (groseille en particulier) encore bien présentes, et un soupçon de boisé. La bouche est acidulée, fraîche et élégante, à défaut d’être puissante où concentrée. Mais elle est clairement sapide, voire même légèrement saline ! Chose étonnante, à la seconde dégustation, le vin présente un caractère légèrement mentholé en bouche (il sera retrouvé par Madame Meyland, la directrice de la cave des Viticulteurs de Bonvillars, près d’une heure plus tard!), et aussi une note de cuir. J’apprécie la nervosité de ce vin en bouche, sa tenue générale. Si la complexité n’est pas celle du millésime 2000, ce vin reste toutefois très plaisant, et sa finale a conservé une très jolie longueur. Un vin touchant, vibrant, sensible et sincère, qui a près de 20 ans se tient encore très droit. Très apprécié. Cette cuvée à été produite à 6.000 bouteilles (les contre-étiquettes des trois derniers flacons apportent cette information).
Le Millésime 1995 : Le bouchon de liège est en parfait état ! La robe est rubis, d’intensité moyenne, très peu évoluée. Le nez est à la fois pur et intense, avec des notes fruitées (groseille à maquereau, et aussi une sensation de boisé, très discrète. On sent aussi une petite pointe de livèche. La bouche est acidulée, fine et fraîche, sans grand volume certes, mais elle possède du caractère (Olivier Robert se montre sévère en parlant d’une ode à l’acidité). On retrouve encore en bouche des notes de cuir séché, de champignons secs en bouche. Nous sommes toutefois d’accord que l’équilibre en bouche reste parfaitement satisfaisant vingt ans après la mise en bouteille.
Le Millésime 1992 : le bouchon est imprégné à moitié. La robe, bien qu’orangée a conservé une belle intensité de couleurs. Le premier nez est très suave et fin, d’intensité moyenne, j’y retrouve une note de framboise et de cuir. La bouche est fraîche, équilibrée et fine, le boisé reste perceptible (note de tabac blond), il apporte également une sensation de sucrosité. La longueur en bouche est très honorable. L’acidité semble mieux intégrée que sur le millésime 1995.
Voila une dégustation qui démontre que l’adéquation d’un grand cépage avec son terroir peut générer beaucoup de plaisirs et de satisfactions sur la durée.
Cette dégustation sera je l’espère, pour les sociétaires et membres de la cave coopérative, un indice précieux sur la façon de bonifier leur travail. Le cellier doit encore renfermer quelques trésors, qu’il serait bon de partager avec la clientèle lors d’évènements ponctuels, plutôt que de risquer de les laisser mourir dans leur verre.
L’avenir pourrait passer par l’adaptation du règlement des 1ers Grands Crus Vaudois pour la cuvée élevée en barrique. La légitimité de ce cru de part son potentiel de vieillissement est aujourd’hui un fait avéré. Lui apporter une plus value supplémentaire, lui permettrait de se situer de façon plus évidente dans la hiérarchie des vins de la cave (aujourd’hui ce sont les cinq vins de la gamme Gourmand qui constituent le « haut du panier » tarifaire de la cave).
Une chose est certaine, si le pinot noir du Vin des Croisés n’a que peu perdu de ses couleurs durant cette belle promenade sur presque 25 ans, les acteurs de la cave coopérative n’ont aucune raison de rougir de la qualité et de la tenue de ce cru, tout particulièrement, dans le temps.