A Féchy, une carte viticole et une charte pour un vignoble classé !

Chacun conviendra que les appellations Grand Cru et 1er Grand Cru de Vaud, comme d’ailleurs partout en Suisse, quand elles existent, manquent d’un fond historique pour être pleinement légitimes. On se souvient de la perte temporaire de l’appellation Grand Cru pour les terroirs du Calamin et du Dézaley. Cette « rétrogradation » était restée incomprise par l’immense majorité des acteurs de la branche vitivinicole (ne parlons même pas des amateurs qui n’y comprennent que pouic). Depuis lors, les choses sont fort heureusement rentrées dans l’ordre pour ces deux terroirs.
Dans les Grisons, les vignerons élèvent régulièrement jusqu’à trois gammes de pinot noir, qu’ils classifient à la bourguignonne : village, 1er Cru, Grand Cru. Il n’y a d’ailleurs aucune mention de ce classement sur l’étiquette, peut-être pour ne pas tomber sous le coup de la loi.
A Féchy, les vignerons aiment à rappeler avec raison, qu’ils sont actifs depuis longtemps dans la défense de leur terroir.  Ainsi, 70 ha du coeur historique du vignoble ont été mis au bénéfice d’un Arrêté de classement et de protection par le Conseil d’Etat vaudois en 1971 déjà.
La maison de la discorde !
La construction d’une villa sur le coteau de Féchy, a provoqué une saine réaction après une légitime émotion : faire interdire toute autre construction au coeur du vignoble, au risque de voir le coteau transformé en zone pavillonnaire. Chose qui fut faite dès la fin des années septante. Willy Kursner nous ayant narré cet épisode in situ (nous étions debout sur l’allée de la propriété en cause pour l’écouter). Cet homme sage apprécierait pourtant de pouvoir faire dynamiter la-dite maison pour voir des vignes à la place ! Et la villa restera donc isolée pour la fin des temps !
Aujourd’hui, les vignerons de Féchy peuvent s’enorgueillir d’être parmi les premiers lieux de production en Suisse à publier la cartographie des lieux-dits, en fonction des différentes analyses de sols menées dans le vignoble.

bourguignon x 2 JLKursner Paolo Bassp

Claude et Lydia Bourguignon, Jean-Luc Kursner, Paolo Basso.


« Une connaissance des sols essentielle pour guider le vigneron dans ses choix de mode de culture, et obtenir ainsi des vins aux caractères originels » nous a dit Pierre-André Gallay, vigneron et membre du comité.
Les sols de Féchy, topologie et géologie :
A Féchy, les sols peuvent atteindre une pente de 30 %, ce qui facilite le drainage du sol, et offre une meilleure exposition au soleil (cf. mon article écrit sous forme romancée et humoristique, pour expliquer comment la physique permet à un vignoble souvent septentrional, mais surtout en pente et en altitude, de transformer un handicap en avantage).
Leur orientation est majoritairement tournée vers l’Est et le Sud-Est.
Quatre types géologiques dominent :
1. les sols calcaires à fond argileux,
2. les sols calcaires à fond limoneux,
3. les sols calcaires de colluvions de bas de pente,
4, les sols non calcaires.dans la fosse
claude et lydia bourguignon

Claude et Lydia Bourguignon, Des convaincus, très convaincants, et surtout une force pédagogique hors du commun. C’est avec des personnes comme elles que le monde avance !


terroirs viticoles de Féchy

Une cartographie des sols de 43 parcelles. L’histoire est en marche à Féchy. La prochaine étape ? Des premiers et des grands crus qui auront du sens !


Il est bon de rappeler qu’il y a 12.000 ans seulement, le glacier du Rhône, qui atteignait jusqu’à 1km de hauteur, occupait ici tout l’espace, et, que son action tant physique sur la roche, que ses dépôts morainiques, ont transformé la géologie des sous-sols. La plupart des moraines déposées se sont décomposées en sols majoritairement calcaires. A ces quatre types s’ajoutent des particularités, créant une « hétérogénéité subtile au sein d’une apparente homogénéité » (sic).  Lydia & Claude Bourguignon, microbiologistes et spécialistes du sol, ont également évoqué les teneurs en argile contenues dans les sols.
Traditionnellement, les anciens ont planté des cépages blancs dans les sols où la teneur en argile est inférieure à 300 m2/gr (par ex. à Féchy : Tournerette, de Berolon Haut, En Bayel), et des cépages rouges et blancs dans les sols dont les surfaces internes des argiles étaient supérieures à 300 m2/gr (par ex. : Crosettes, Sous Bougy, Barettes, Plantaz, Barres, Curzilles). Ainsi, une seule parcelle, Les Civières (!) est vraiment faite pour le Pinot Noir (la teneur en argile y atteint 521 m2/gr).
Une charte en faveur de crus parcellaires :
Les membres du comité n’ont pas communiqué sur le nombre d’adhérents à cette charte. La présence d’un grand nombre de vignerons de la commune et de Bougy, atteste toutefois qu’une majorité d’entre eux y participe.
« Seuls les vins bénéficiant de la mention Grand Cru, du lieu de production Féchy, et de l’appellation cadastrale peuvent afficher la marque « Féchy, vignoble classé ». Les raisins – exclusivement de cépage chasselas- doivent être vendangés à la main. Les vins doivent respecter les cahiers des charges de la production intégrée, de la production biologique où de pratiques équivalentes. »
A VIllars

Le Domaine A Villars de la famille Frick


Avant les explications sur le terrain de Lydia et Claude Bourguignon,  l’ampélologue et généticien, José Vouillamoz, a, insidieusement, cité un auteur du 19e siècle qui considérait que les vins de La Côte et de Lavaux n’étaient que de l’eau en comparaison de ceux d’Yvorne et d’Aigle.  Plus sérieusement, les travaux de recherche du Docteur Vouillamoz, lui ont permis de localiser l’origine du Chasselas dans l’arc lémanique, après avoir combiné les analyses génétiques de l’ADN avec des données historiques.
vieux pressoir au dom de Fischer

Vieux pressoir au Domaine de Fischer.


Au Domaine A Villars, chez monsieur Philibert Frick, Paolo Basso à animé une série de treize cuvées parcellaires, dont douze cuvées du seul millésime 2015.
Une dégustation au cours de laquelle je vous livre mes trois vins préférés (sans ordre de préférence) :
– Féchy GC 2015 Les Barettes, Réserve de Manu, de la Cave du Vieux Coteau,
– Féchy GC 2015 en Bayel de la cave de Gallay Pierre-André.
– Féchy GC 2015 Crêt de Bayel, de la cave Pélichet.
Nous avons poursuivi ce moment au Domaine de Fischer, le temps d’un repas convivial, préparé par le traiteur Yves Bovy, où, nous aurons dégusté deux vins de chasselas à l’aveugle (sans doute pour une « paix des ménages entre les caves de la commune » il en aura été décidé ainsi). Un vin rouge de gamaret du Dom. de Fischer (superbe, il a bluffé des vinificateurs qui voyaient en lui un cépage rhodanien), et, avec le dessert, un vin de Gewurztraminer, également dégusté à l’aveugle.
Une fort belle journée certes, mais surtout une journée qui a mis en exergue l’allant de l’appellation Féchy et le dynamisme de ses vignerons. Bravo à eux.
On se réjouit de voir le fruit de ce travail s’affiner dans les années, et peut-être même les décennies à venir. Le meilleur n’est-il pas toujours à venir ?