Les Montagnes neuchâteloises veulent leur part du gâteau cantonal

dites 3000

Ne dîtes plus 33, mais 3.333 !


Manif Le Haut veut vivre, La Chaux-de-Fonds

63,2 % de oui pour une loi hospitalière approuvée par le peuple neuchâtelois en novembre 2013, aujourd’hui remise en cause par le Conseil d’Etat et le conseil d’administration d’HNE. A droite, une pancarte portée par des élus des Montagnes de tous bords politiques dénonce que 80% des investissements publics cantonaux soient dévolus au seul Littoral (dont la population représente un habitant sur deux dans notre canton).


Nous étions hier plus de 3.000 personnes à manifester sur « Le Pod » puis à nous rassembler place de la gare à La Chaux-de-Fonds.  Les Montagnons (habitants des districts du Locle et de La Chaux-de-Fonds) sont exaspérés et le font savoir !

Que l’on parle de formation (*), mais aussi de transport, avec la pseudo autoroute Neuch. – La Tchaux, et ses fameux tunnels bi-directionnels (comme dans le tunnel du Mont-Blanc…) où l’on circule tantôt à huitante, tantôt au pas -quand les giratoires de sortie sont saturés, voire même fermée sitôt qu’un accident s’y produit, alors que chaque commune du Littoral dispose d’une entrée et d’une sortie  d’autoroute au minimum (Bevaix, un village de moins de 3000 habitants en compte quatre, grassement payées par la Confédération), où de la voie ferrée préhistorique entre les deux pôles économique du canton, qui « possède » l’un des deux derniers rebroussement ferroviaire du pays, il faut bien le reconnaître : on ne se démène pas beaucoup dans le Neuchâteland pour moderniser et équilibrer les forces de toutes les régions, et faire avancer sereinement le canton.Manif Le Haut veut vivre, La Chaux-de-FondsDepuis la création de l’hôpital multi-sites, rapidement retoqué sous le nom de « HNE » pour Hôpital Neuchâtelois, voulu par la conseillère d’Etat Monika Dusong, et présenté non pas comme la panacée à tous les maux mais comme l’avenir hospitalier régional (approuvé par le peuple en 2004 si je m’abuse), les politiques n’ont guère avancé sur le projet hospitalier. Car les soucis de l’HNE ne sont pas arrivés avec Mme Ory aux commandes du dossier alors qu’elle était Conseillère d’Etat en charge de la Santé, bien que certains récents commentateurs du dossier en soient pourtant convaincus. On lira ce texte de SantéSuisse sur la loi hospitalière de Neuchâtel pour s’en convaincre. Un texte qui date de septembre 2004…
Or, il est vrai, les coûts de la santé sont à Neuchâtel plus chers qu’ailleurs en Suisse. C’est un fait. Les fameux DRG  (Diagnosis Related Groups)  en place depuis 2012, et qui ne sont rien d’autre que le paiement au forfait d’une prestation de santé, appuient terriblement là où ça fait mal.Manif Le Haut veut vivre, La Chaux-de-FondsBref, soigner coûte cher, parce que nous y sommes mal préparés, et aussi parce que la technologie s’est invitée depuis un gros demi siècle dans les soins, sous forme de moyens diagnostics et thérapeutiques lourds et coûteux. Manif Le Haut veut vivre, La Chaux-de-FondsDe fait, on considère qu’un établissement hospitalier doit couvrir un bassin d’habitants compris entre 150.000 et 200.000 personnes. Bingo, c’est justement la fourchette de la population neuchâteloise ! Comble de la malchance, pour La Chaux-de-Fonds et les Montagnons, ce n’est pas la Confédération qui prend les décisions, mais les CANTONS.Manif Le Haut veut vivre, La Chaux-de-FondsAllons donc au plus simple :

+ La ville de Neuchâtel s’est offert un hôpital flambant neuf  de 200 lits (pour près de 200 millions de francs **) il y a dix ans seulement, en améliorant le site de Pourtales et en se défaisant de celui des Cadolles.
+ Le site hospitalier de La Chaux-de-Fonds, vieux de 50 ans, n’a jamais été entretenu comme il aurait dû l’être. Il a vu des extensions modernes (soins intensifs, scanner, radiothérapie, oncologie principalement) s’ajouter à un site conçu de façon médiocre (où est son isolation ?), et dont les chambres des patients et les unités de soins sont loin de posséder l’entier des critères de modernité.
A ces deux sites principaux, s’ajoutent ceux des anciens hôpitaux de districts : La Béroche, Landeyeux, Le Locle et de Couvet, transformés depuis l’hôpital multi-sites en centres de traitement et de rééducation, et aussi de gérontopsychiatrie. Le dernier établissement de l’HNE, situé à La Chaux-de-Fonds, est le centre cantonal de soins palliatifs de La Chrysalide. Une unité logée dans une maison de maître, qui compte 14 lits et qui possède également une unité mobile pour les patients suivis à domicile.
D’où la conclusion de certains : « Ne nous embarrassons pas, faisons de l’hôpital de Neuchâtel notre site cantonal des soins aigus et transformons celui  de La Tchaux en hospice et centre de rééducation. De la sorte nous fermerons au moins trois sites sur sept, ferons des économies et gagnerons en efficience médicale ».
« Hola », répondirent les Montagnons ! « Notre pédiatrie a déjà  été fermée. Et voici huit ans, quand il a fallu déplacer l’école d’ingénieurs du Locle à Neuch. pour plaire au gouvernement bernois, on nous avait promis la MATERNITE régionale et la PEDIATRIE en compensation. Or, le pôle mère-enfant est resté à Pourtalès. Et désormais vous voulez nous prendre ce qui nous reste des soins aigus ?  Pas question » !
L’incompréhension dans les Montagnes est totale. Il faut faire des efforts, certes, mais le régime est toujours pour cette même région, quand la part du gâteau cantonal ne cesse de croître pour le Littoral.
Comment ne pas arriver à trouver une solution consensuelle qui satisfasse les 180.000 habitants du canton et qui attirerait des habitants des régions voisines (ce qui était le cas au début des années 2000, où de nombreux habitants du district des Franches-Montagnes (canton du Jura) venaient se faire soigner à « La Tchaux », et d’autres depuis le Jura bernois) ?
Dans le Jura bernois justement : avec deux sites éloignés de 37 kilomètres (St-Imier et Moutier), et dans deux régions plus enclavées que la nôtre, le pari hospitalier a été réussi pour 50.000 habitants seulement !
Les divisions neuchâteloises et surtout le démantèlement du site chaux-de-fonnier ont contribué à rendre le site imérien pérenne, car la direction de cet établissement a su jouer sur la diversification de son offre de soins, plutôt que dans la fermeture de spécialités (la disparition de la chirurgie ophtalmologique à La Chaux-de-Fonds est un autre exemple du fiasco de l’HNE, alors que deux cliniques privées sur trois du canton s’enorgueillissent de leur réussite en ce domaine). C’est un comble !
Au départ, l’hôpital du Jura bernois n’avait que peu d’atouts dans ses manches. Pire, ses handicaps étaient nombreux :  déficit de la taille de ses établissements (des hôpitaux de district disposant d’une soixantaine de lits chacun, mais d’une maternité et d’une unité de surveillance intensive sur chaque site). De plus, il souffrait de la concurrence des proches hôpitaux régionaux de Delémont, Bienne et de La Chaux-de-Fonds.
Autre précision de taille :  la commune de St-Imier ne compte que 5.000 habitants, contre 40.000 habitants pour la ville de La Chaux-de-Fonds, et le trajet entre les deux communes nécessite quinze minutes seulement…
Vous comprenez mieux désormais tant le désarroi que la colère des Montagnons !
Ce dossier est devenu une bataille de tranchées. Nombre de médecins cadres sont partis et d’autres partent encore. Il est fort à parier qu’à ces départs, l’on peut ajouter bien davantage de soignants et d’autres professions liées à l’hôpital, partis découvrir ailleurs si ambiance et qualité de travail y sont plus respirables. Car de cela on ne parle pas ou peu, et pourtant…
Personne ne veut perdre la face ni son confort, mais une chose me parait certaine : sans des investissements massifs du canton vers les Montagnes leur avenir est en danger. Et ce n’est pas l’ouverture d’un centre de traitement et de rééducation qui interdira ce déclin quand il arrivera. Au contraire, la perte des soins aigus pourrait le précipiter. Voyez-vous beaucoup de sociétés investir dans une région où leurs salariés doivent se déplacer pour se soigner, et où leurs enfants doivent faire de même chaque jour, dès quinze ans, pour étudier ?Manif Le Haut veut vivre, La Chaux-de-Fonds
Ma proposition :
Transformer Pourtalès, à moindre frais -puisque le bâtiment est récent- en centre de rééducation et de gérontologie, et réaliser à La Chaux-de-Fonds le centre unique de soins aigus du canton, conçu pour les exigences d’aujourd’hui et possédant une taille adaptée à l’ensemble de la population neuchâteloise. Ainsi, personne ne pourra alors dire que l’efficience médicale et que la sécurité des patients ne sont  pas au coeur du projet.
Car Pourtales ne peut et ne saurait sans investissements très lourds, tel un rehaussage de certains de ses bâtiments, absorber un jour l’ensemble des lits des unités de soins aigus du site des Montagnes. Avec l’arrivée de nouvelles unités, il faudra réaliser un agrandissement du plateau technique. Mais où ? Le quartier de la Maladière est saturé.
Il faudra aussi tenir compte du fait que les riverains de Pourtales, se battront pour empêcher ces extensions (perte de la vue sur le lac pour certains, appartements plongés dans l’ombre des bâtiments hospitaliers pour d’autres, augmentation du trafic routier, problème de parcage des automobiles des salariés et riverains, dénaturation éventuelle de ce qui reste d’espace vert dans ce quartier urbain, … ). Et l’on ne parle de toute façon pas du coût de la création ou de la réaffectation d’un site unique de rééducation (hormis Couvet peut-être ?) pour le canton à La Chaux-de-Fonds.
Laurent Favre, récemment élu au Conseil d’Etat neuchâtelois (fin 2014) a eu pour slogan électoral « bâtissons ensemble ». L’heure de vérité sonne déjà !
A ce geste fort, qui fera monter un centre de formation dans les Montagnes, l’école d’infirmier(ières), cela permettra aussi de conserver dans les Montagnes le Centre de Transfusion Sanguine cantonal (qui rejoindrait rapidement Pourtales si celui-ci devenait ce à quoi certains le promettent), et aussi les laboratoires d’analyses médicales (Admed) et de microbiologie.
Ceci fait, l’ensemble des neuchâtelois comprendra que d’autres projets sont vitaux pour le canton (la route nationale refusée par le peuple suisse, mais aussi par une majorité d’habitants des districts du Littoral, et surtout un nouveau projet Transrun). Si les grandes régions du canton sont correctement équipées, que la diversification des emplois est assurée et que les moyens de transports sont enfin modernisés, l’avenir pourrait enfin être regardé en face avec sérénité.  Si Neuchâtel et le Littoral continuent à phagocyter ce canton, les autres régions se transformeront tôt où tard en cités dortoirs et surtout elles dépériront et le canton avec. Est-ce vraiment cela que nous souhaitons ?

Laurent Probst,
infirmier à l’HNE, sur le site de La Chaux-de-Fonds
Toutes les photographies (sauf la seconde et celle ci-dessous) ont été réalisées par Bruno Payrard, photograhe indépendant (Neuchâtel). Je le remercie de me les avoir gracieusement cédées pour cet article.
(*) L’Ecole d’ingénieurs du Locle est partie à Neuchâtel,  les classes professionnelles du conservatoire de musique de La Chaux-de-Fonds sont désormais à …Neuchâtel. En attendant le transfert de la Hte école Bejune de La Tchaux vers où vous savez. A ces départs, il faut ajouter l’apport à Neuchâtel d’une antenne de l’Ecole polytechnique Fédérale de Lausanne : Microcity, pour mieux saisir le déséquilibre entre les deux régions principales du canton.

Le Corbu

Où naitront les prochains Le Corbusier, Blaise Cendrars et Louis Chevrolet ? A La Chaux-de-Fonds ! ont répondu les manifestants !


(**) : Un site de soins aigus unique cantonal de trois cent lits est aujourd’hui devisé à 300 millions, non pas pour les 35.000 habitants d’une ville ou pour pour les 78.000 habitants de son agglomération, mais pour les 180.000 habitants du canton. Cherchez l’erreur !
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