Mes visites de caves

Après une première visite au Weingut Donatsch voici quatre ans en compagnie de la Mémoire Des Vins Suisses, j’étais particulièrement heureux de revenir dans cette cave de Malans, une des grandes références grisonnes.
Le Weingut Donatsch ? C’est un peu une « success story » en particulier pour ses deux dernières générations. Au début des années septante, Johann, le père de Martin, était en Bourgogne, au domaine de la Romanée Conti où il faisait un stage. Il revint dans les Grisons avec des idées nouvelles, et des fûts de chêne, un contenant encore totalement inusité en Suisse. Il apporta aussi dans le canton le cépage chardonnay, qu’il fût le premier à planter. Un cépage non autorisé à l’époque et qui produit aujourd’hui dans les Grisons des vins absolument remarquables.

Martin, son fils, est un fou du pinot noir, qu’il décline en trois vins « traditionnels » et un quatrième qu’il mute à l’alcool pour en réaliser un vin doux tel un Porto Tawny, en respectant toute la finesse du cépage. S’il n’a pas -étonnamment- réalisé de stage dans un domaine phare de Bourgogne (sa formation l’a emmené en Afrique du Sud et dans le bordelais par exemple), son amour pour ce cépage est inconditionnel, chose qu’il avoue spontanément en déclarant avec passion « c’est le plus grand cépage du monde ». Travailleur, et doué, il a remporté à moins de 35 ans par deux fois le titre de champion du monde de ce cépage au mondial du pinot noir (un résultat d’ensemble des vins présentés sur trois années consécutives).
Ne vous laissez pas intimider par les titres de gloire obtenus, allez à la rencontre de ce passionné exigeant.
Outre le domaine viticole, la famille s’occupe activement de son auberge familiale : Zum Ochsen (Au Boeuf), où les parents de Martin oeuvrent en cuisine à la préparation de mets typiquement Grisons. Goûtez par exemple la grande spécialité qu’est la soupe à l’orge perlé ou « Gerstensuppe » pour vous en convaincre. Dans la vinothèque, vous trouverez des vins -principalement bordelais et bourguignons- à des prix introuvables ailleurs, comme un Volnay 1er Cru 1983 de chez Jean Boillot pour 80 francs.

La dégustation des vins dans les chais démontre un savoir-faire hors pair. L’ensemble des vins dégustés est digne d’éloge. A commencer par l’humble riesling-sylvaner où le Crémant, réalisé à partir du seul pinot gris. Les vins élevés en barrique sont tous racés, élégants dans un style que je qualifierai de moderne. Le boisé, certes présent durant la jeunesse de chaque cru, est intégré et apporte une dimension supérieure à chacun. C’est particulièrement le cas pour le rare Completer, vinifié avec un tact épatant, le plaçant parmi les trois meilleurs vins de ce cépage (produit actuellement par une douzaine de producteurs seulement dans les Grisons) qu’il m’a été donné de déguster.
Le Chardonnay est d’une densité en bouche remarquable, sans aucune sucrosité. Les pinots noirs « tradition », « Passion » et « Unique », revisitent en quelque sorte la trilogie des appellations bourguignonnes « village », « 1er Cru » et « Grand Cru ». Ils sont d’ailleurs présentés ainsi à la cave, en toute modestie, mais cette image est suffisamment convaincante qu’elle ne souffre aucune contestation.