Boire en Suisse
A Leytron les Humagnes sont à la fête !
J’ai été convié vendredi matin par le groupement des encaveurs de Leytron à une double dégustation commentée par Dominique Fornage.La question en filigrane étant « l’humagne blanc et l’humagne rouge en ont-elles suffisamment dans le ventre pour être des vins de garde » ? Dix vins blancs et treize vins rouges nous ont été proposés pour tenter d’obtenir une réponse. En voici ma synthèse :
Du côté des vins blancs, on débute avec un vin de six ans d’âge. Un vin de David Rossier. Et c’est beaucoup de plaisir : des notes florales, une sensation minérale, un corps élégant rehaussé d’une très belle fraîcheur, de l’équilibre et de la longueur. Nous poursuivons avec des vins de la cave Défayes et Crettenand (quatre), du Domaine du Grand-Brûlé (quatre également), de la cave Le Bosset, avec à chaque fois cette nette impression que les vins ont a nous communiquer de belles choses. Les styles sont différents de l’une à l’autre, certes, mais la finesse est toujours au rendez-vous. Le millésime 1998 proposé par la cave Le Bosset, m’a surpris en ce sens. Un soupçon de sucre résiduel fondu n’entachait en rien cette fort bonne impression, j’aurais presque envie de dire « au contraire ». C’est un vin fort harmonieux.
Le vin du millésime 2001 de la cave Défayes et Crettenand se montrait complexe au nez, avec des notes de fruit, mais aussi d’épices. J’y décelais même un petit rien de gaz carbonique (bouchage en liège pourtant) qui disparaissait très vite à l’aération du vin dans le verre. Nous finissions la série avec un vin du millésime 1981 du Domaine du Grand-Brûlé. Sensation de maturité évidente au nez, la bouche était un modèle de finesse et d’équilibre. En prime elle était particulièrement complexe, la finale étant rehaussée par une fine note saline.
Les vins rouges étaient proposés par les caves suivantes : Rhyton d’Or (1), Gilbert Devayes (1), Domaine de la Creuse (3), Domaine du Grand-Brûlé (3) et de la cave Défayes et Crettenand (5). La dégustation se lance avec un vin du millésime 2005 du Dom. du Grand-Brûlé. Nez floral (violette), mais aussi avec des notes de racine (gentiane), beaucoup de fraîcheur en bouche, des tanins très fins, une belle longueur. Le millésime 200 de la cave Défayes et Crettenand est robuste mais délicat. J’y décèle la première note de légère réduction parmi les vins rouges. Oui, première, car il y en aura plusieurs, mais toujours de façon fort discrète. Très belle qualité de tanins, de l’équilibre et de la fraîcheur. Nous avons là un bien beau sujet né dans un grand millésime en Valais. Je note mon premier TB. Le vin suivant est un 1999 de Gilbert Devayes. Il est complexe tant au nez qu’en bouche. On retrouve à nouveau des notes de gentiane, de violette encore, et une bouche pure, d’une grande élégance et fort longue. Le 1998 de la cave du Rhyton d’Or paraissait fort jeune, même si on retrouvait des notes de cuir et de kirsch au nez. Mon deuxième TB était pour le vin du millésime 1992 de la cave Défayes et Crettenand. Un vin suave et a nouveau fort élégant, où j’ai retrouvé une nouvelle fois des notes de gentiane et de violette. La bouche offrant une belle puissance mais toujours accompagnée par cette finesse qui semble être une véritable marque de fabrique de l’humagne rouge. Le millésime 1979 de cette même cave, servi dans deux magnums s’est montré suave et terriblement juteux en bouche, porté par un fruité croquant. C’est mon troisième TB. Nous terminons avec un dernier vin du Domaine de la Creuse. C’est un vin du millésime 1976. On se souvient de cette année très sèche et très chaude. Une sorte de millésime 2003 avec plus de vingt cinq ans d’avance. L’équilibre en bouche surprend, car le vin n’a pas fini ses sucres. Cette humagne rouge est donc légèrement douce. Le vin se présente de façon relativement puissante, fondu et harmonieux, long, avec une fort belle acidité intégrée qui soutien et étire la matière. Un millésime que nous dégustons de façon un peu miraculeuse. Pierre-Georges Produit nous expliquant que si ce vin a été conservé, c’est à la demande de son épouse, car c’est celui de leur année de mariage.Que ce soit en blanc comme en rouge, ces vins se sont vraiment montrés à leur avantage. Les vignerons de Leytron peuvent désormais être convaincus que les vins de ces deux cépages méritent d’être laissés de côté. Nous avons dégustés de très beaux crus d’artisans où les notions de fraîcheur, de finesse et aussi de typicité n’ont jamais été prises au dépourvu. Aucun vin ne s’est montré décevant, et les beaux exemples doivent donner confiance aux vignerons à poursuivre leurs efforts. Les très relatifs manque de puissance de l’humagne rouge, ou de timidité dans l’intensité des arômes de l’humagne blanc ne sont en rien des handicaps devant les qualités que ces vins ont mis en exergue. Les humagnes étaient en fête et nous aussi. N’oubliez pas de faire vieillir ces vins et surtout à les mettre de côté !
Je ne peux qu’inviter les amateurs à venir découvrir le week-end prochain ces vins. Leur singulière originalité où la finesse domine mérite qu’on les aime et que l’on parle d’eux plus souvent et avec une certaine ferveur même !Et un merci tout spécial à Pierre-Georges Produit et sa famille qui se sont proposés de nous accueillir chez eux pour une raclette, au cours de laquelle nous aurons pu poursuivre nos discussions, avec David Rossier qui nous aura rejoints.