Au Domaine Hôpital Pourtalès dégustation des millésimes 22 et 21 en élevage (décembre 2022)

En compagnie de Sébastien Jendly et de son équipe de cave et de viticulture, (Loïc, Pierre-Marie et Athéna, la chef de culture). nous nous sommes prêtés à un exercice de présentation des vins du millésime qui vient d’être encavé voici seulement deux mois. Nous avons aussi dégusté des vins en cours d’élevage du millésime 2021 et quelques vins en bouteille du millésime 2020.

Le vin est comme un humain, il vit et traverse des phases différentes au cours de sa vie. Beaucoup de vins dégustés étaient encore dans une phase de la toute petite enfance. La dégustation du jour ne présage pas de ce que sera exactement le vin demain (celle de l’élevage est là pour comprendre et donc affiner et parfois aussi corriger ce qui doit l’être) mais elle apporte des éléments utiles à imaginer à quoi il ressemblera, pour autant qu’un incident ne vienne à survenir avant la mise en bouteille.

Nous avons donc dégusté nombre de cuves, de foudres et de barriques différentes. Je vous présente ci-dessous ce moment. Il va de soi que les vins n’étant pas filtrés à ce stade, les vins blancs présentaient tous un aspect plus ou moins trouble. De fait,  j’ai peu communiqué sur la robe des vins.

Je rappelle que le Domaine Hôpital Pourtalès appartient à une fondation et que ses bénéfices servent au confort des patients du réseau hospitalier neuchâtelois. Une fois l’an, une vente de vin en cours d’élevage aux enchères se tient dans la proche maison Vallier située tout comme le domaine viticole sur la commune de Cressier, dans la région dite de l’Entre-deux-Lacs, dans le canton de Neuchâtel.

Bonne lecture et belle découverte.

Nous avons commencé avec le chasselas :  d’abord en vase (foudre), puis en cuve.

Vase 30 : une sensation de réduction apparaissait au premier nez, puis des notes fermentaires, très logiques compte tenu que le vin est sur ses lies encore et que ces dernières sont « brassées » pour nourrir le vin. La matière apparaît néanmoins équilibrée. La richesse du 2022 est assez vite perceptible en bouche bien sûr, mais la sensation de fraîcheur prédomine néanmoins ainsi qu’une sensation minérale et de fumée. Belle longueur finale pour ce premier vin.

Vase 29 : le vin apparaît plus rond, ayant moins d’acidité et possédant moins de notes fermentaires et plus fruité que le vase 30. Ce vin apparaît porteur d’un discret carbonique (a contrario du vin précédent qui était « totalement tranquille »). J’ai trouvé ce vin sapide et salin.

Vase 28 : voici un deuxième contenant qui montre actuellement une discrète réduction. La matière paraît davantage brute à ce stade. Un amer est marqué en bouche, renforcé par un perlant modéré.

Cuve N°2 (inox) : Très joli nez, entre notes fermentaires discrètes, de poire et d’agrumes. Ce vin apparaît un peu comme la quintessence des trois premiers dégustés : expressivité, richesse, fraîcheur, minéralité.

Cuve N° 3 (inox) : un peu de réduction au nez, et des notes de pomme verte. La bouche est structurée, fraîche un peu lactique, mais elle est surtout équilibrée et fine. Jolie longueur pour ce vin qui apportera, comme les autres, ses éléments dans la construction finale d’un assemblage de l’ensemble des cuves et vases.

Cuve N°4 (inox) : ce vin s’est montré agréablement structuré mais offrant une très belle fraîcheur un peu citrique en bouche. Le caractère minéral est marqué par une note saline.

Vase N° 13 : dans ce premier des trois grands vases d’une contenance de 4100 litres (les 3 premiers vases font chacun moins de 3000 litres), le vin semblait déjà fini et prêt à être mis en bouteille. Il était plus clair que les autres vins dégustés avant lui. J’ai aimé aussi la superbe sensation de maturité qu’il offrait.

Vase N° 24 : magie de la dégustation, ce vase est tellement différent du précédent une fois encore. La matière se montre structurée certes, plus ronde aussi, très fine, malgré la présence d’un discret carbonique, et moins fruitée à ce stade.

Vase N° 25 : avec ce nouveau (et dernier) vase dégusté, c’est un peu l’assemblage final du chasselas qui se profile : maturité, légère rondeur, fraîcheur et fruité expressif.  Ce vin est gourmand et expressif, délicat comme on l’attend d’un chasselas.

Le Chardonnay 2022 (cuve) :

La fermentation alcoolique était finie et le vin venait d’être stabilisé.
Au premier nez, la typicité du cépage apparaît avec des notes florales, d’agrumes (pomelos) et d’ananas. La bouche n’était pas encore en place. Elle offrait un caractère sauvignonné surprenant (mais un fait pas rare, bien que très certainement transitoire). Ce vin est fin, riche, frais, long et tout simplement déjà élégant et gourmand. Laissons l’élevage se finir mais prenons date que ce vin est une réussite en devenir.

 

 

 

 

 

L’Oeil-de-Perdrix 2022 :

La production d’Oeil-de-Perdrix représente au domaine un peu plus de 7000 litres de vin, soit quelque 10.000 bouteilles. Le marché cantonal en « absorbe » une grande quantité et la « concurrence » est importante. Mais la concurrence se trouve aussi ailleurs. Dans des vins rosés suisses aussi, mais surtout étrangers. Aussi, l’Oeil-de-Perdrix neuchâteloise se doit d’être un produit orienté haut de gamme et de terroir. Le marché du rosé a considérablement évolué en quantité et en style ces dernières années. Beaucoup de producteurs que je rencontre reconnaissent que la demande est toujours plus forte et que par conséquent ils y répondent. Ce faisant, ils suivent aussi les tendances du marché. Le producteur neuchâtelois n’y échappe pas. Aujourd’hui, l’Oeil-de-Perdrix a chez beaucoup d’entre eux une robe plus claire et moins saumonée que par le passé, et la bouche est moins structurée, plus fraîche et digeste. Le tout, et c’est capital, sans avoir perdu son identité.

Le vin dégusté ici est élevé pour 2/3 en cuve inox et pour l’autre tiers en vase de bois (le vase N°9).

Le vin élevé en cuve s’est montré très riche en fruit, élégant, délicat et équilibré. Celui dégusté au vase était plus tendu et nerveux, avec moins de fruit de façon immédiate.

Grâce à Loïc, le caviste, nous avons pu déguster l’assemblage des deux, avec un respect des quantités. Et le résultat s’est montré particulièrement concluant. Le fruité était toujours très présent au nez et en bouche, la fraîcheur de la matière, son équilibre, ont fait de ce vin un ensemble gourmand et très sapide. J’avais très apprécié le millésime précédent (noté 93), celui-ci se montre au moins autant réussi !  Il est clair qu’il y a une constante dans le style et la qualité de ce vin.

Le Pinot Noir 2022 (vases et cuve inox) :

 

Nous avons dégusté à nouveau cinq vins issus de quatre vases (foudres) et d’une cuve inox. Les vases ont une contenance de 2.400 à 4.000 litres. En 2022, un nouveau vase est venu remplacer un ancien qui ne satisfaisait plus les exigences qualitatives de la cave. De fait, le vin de ce dernier vase s’est montré plus marqué par l’élevage avec des notes torréfiées de grillé voire même de café.
Dans l’ensemble ce que je retiens de cette dégustation des vases 10, 11, 16 et 17 c’est la finesse des matières et leur équilibre. Les fruités sont un peu différents (l’un tirant par exemple sur des notes de fruits rouges quand les autres expriment un fruité de petites baies noires), Logiquement aussi, à ce stade de l’élevage, les matières s’expriment différemment, car on peu avoir une discrète réduction sur un contenant quand un autre propose une matière plus ouverte. Le corps devrait se montrer charnu, plein et élégant.

En aucun cas, le caractère solaire ne transparaît dans les matières. Les vins sont mûrs, et porteurs d’une fraîcheur que l’on n’aurait soupçonné durant l’été. De par l’équilibre de ces vins, 2022 est plus dans une veine proche d’un millésime 2003 que 2018 selon moi.

Dans le chai à barriques !


Le chasselas barrique :
C’est une petite production d’une pièce de 228 l par an actuellement.

Le millésime 2021 (fût de mélèze) :
c’est un vin frais au gras modéré, avec un fruité allant vers de notes de résineux. Il sera mis en bouteille prochainement.

Le millésime 2022 :
il est au début de son élevage, ce vin n’a pas encore reçu l’apport structurant et de ses lies et des tanins de la barrique. S’il se montre fruité et frais, sa matière est aujourd’hui encore discrète et sa structure doit évoluer. C’est l’art de l’élevage. Il sera intéressant de redéguster ce vin l’an prochain une voire deux fois avant sa mise en bouteille.

Le chardonnay 2021 :

Les deux barriques dégustées ont mis en exergue un vin structuré, fruité et minéral (note saline en bouche) à la fraîcheur discrète. Séparément, l’un des deux vins est plus structuré, marqué par son élevage, quand l’autre se montre surtout sur le fruit.

Le chardonnay 2022 :
Nous avons dégusté quatre fûts aux matières stabilisées. Les différences entre les vins sont évidentes et heureuses. Elles permettent de proposer un vin qui se nourrit des différences que les tonneliers apportent dans leur travail. Cela offre aux vinificateurs plus de latitude quant à la façon d’aborder l’élevage qui est dès lors plus complexe et moins standardisé que par l’utilisation d’un seul type de barrique.
Les vins se sont montrés fruités certes, mais surtout, à des degrés différents ils composent ensemble une mosaïque qui n’est pas encore assemblée. Si l’un des vins se montre plutôt ouvert, un autre l’est clairement moins. L’usage de deux levures différentes sur les quatre barriques est également un élément qui apporte un supplément de complexité à l’ensemble.
Il n’est pas question à ce stade de la vie des vins de faire des paris sur leur potentiel. L’année s’est montrée néanmoins très favorable à la réalisation de chardonnays structurés.  

Le Pinot Noir barrique 2021 :

Pour ce vin, dégusté auprès de quatre barriques, j’ai noté deux tonneliers, un usage de bois neuf et de 2eme passage, et bien sûr des qualités de grains et des chauffes différentes. Une fois encore, le boisé apporte ou non de la structure à la matière, laisse exprimer une notion de fruit et d’épices (de poivre ici) différente, tout comme celle de la finesse. Si le millésime 2021 ne sera pas le plus concentré ou riche de ces dernières années. Mais il se montre harmonieux et équilibré.

Le Pinot Noir barrique 2022 :

Ici aussi, nous avons dégusté quatre barriques de chêne français de tonneliers différents, neuves ou de 2eme passage, de chauffes et de grains différents. Ceci toujours dans un but de complexification de la matière. Certaines apportent de la structure par leurs tanins, d’autres davantage d’arômes.
Compte tenu de la jeunesse des vins, la présence d’une réduction était normale et s’avère protectrice. Ce n’est pas une constante, on l’observe sur certains fûts aujourd’hui, et pas sur d’autres.
Le millésime 2022 s’annonce à la fois fruité, frais et riche, et avant tout harmonieux et équilibré. Il place la barre qualitative haut de façon indiscutable (cela s’est déjà perçu avec les vins des quatre vases et de la cuve inox).
Il suffit de s’armer de patience avant leur mise en bouteille. Et d’en profiter pour déguster des millésimes prêts à boire en les attendant !

Quelques vins en bouteille :

 

Pinot Noir barrique 2020 :
Mise en bouteille la veille de la dégustation.
Robe rubis d’intensité moyenne. Nez ouvert sur des notes de fruits rouges : groseille, framboise, et d’épices. La bouche est structurée et vineuse. Les tanins sont gras mais pas collants. Ils sont jeunes, serrés et sans dureté. La matière est fraîche, équilibrée et longue. Une petite amertume finale témoin de l’élevage en barrique est encore présente et devrait s’estomper avec 2 à 3 ans de garde.
Prix : 28 CHF
Ma note : 94

Pinot Noir barrique 2020 en magnum :
mise en bouteille en fin d’année 2021.
Robe rubis d’intensité moyenne. Le nez est fruité, sur des notes de fruits rouges et une touche florale épicée. Il est de belle intensité. Le volume de bouche est moins important que celui de la cuvée barrique proposée en bouteille de 75 cl, ce qui est normal, mais la matière est équilibrée, très fine et délicate. La typicité du cépage est marquée. Très jolie longueur finale pour ce vin gourmand, fin et long en bouche.
Ce magnum est vendu en coffret avec un second magnum de chasselas : Le Confiné !
Prix du coffret (en chêne) : 140 CHF
Ma note : 92

Chardonnay barrique 2020 :
Robe d’un jaune or soutenu. Le nez est immédiatement intense, avant même de remuer le vin dans le verre. C’est un nez flatteur et typé, sur des notes florales, d’agrumes (citron) et de poivre blanc. La bouche est dense, fraîche, délicate, grasse et longue. Le boisé apporte de la structure à ce vin avec une sensation discrète de sucrosité. C’est un vin que je trouve sapide et équilibré, gourmand et fruité. C’est une très belle réussite à prix sage.
Prix : 25 CHF
Ma note : 94-95 Coup de Coeur

 

Avec un nombre de cépages limité à trois variétés (chasselas, chardonnay et pinot noir) les vins du Domaine Hôpital Pourtalès représentent parfaitement l’esprit du vin et des terroirs neuchâtelois d’un point de vue historique.
Sébastien Jendly démontre que d’avoir que trois cépages n’est pas un facteur limitant, puisqu’il propose une gamme de neuf vins : chasselas non-filtré, chasselas, vin mousseux (de chasselas), chasselas barique, chardonnay cuve et barrique, et toutes les variations de pinot noir : Oeil-de-Perdrix, cuvée classique et barrique dans les vins rouges.

Coordonnées de contact et de commande :

Domaine Hôpital Pourtalès
Sébastien Jendly, régisseur
Route de Troub 17 2088 Cressier

Tél : 00 41 (0)32 757 26 49