Souper à l'Auberge de l'Onde à Saint-Saphorin, pour une soirée vigneronne …portugaise !

Soleil couchant sur la commune de Rivaz, en Lavaux, depuis St-Saphorin. Mais n’est-il pas déjà un peu tard ? Dix neuf heures quarante cinq. Nous arriverons au restaurant à l’heure, malgré une circulation automobile impossible sur une majeure partie de notre trajet. Jérôme Aké, le sommelier de l’Auberge de l’Onde, présente la soirée et ses invités de son ton vif et cordial, non dénué d’humour, mais aussi avec tout le sérieux que requiert ce genre d’exercice. Sa présentation du Portugal n’aura pas manquée de rappeler que ce pays possède une richesse en cépages autochtones certainement unique  (500 variétés). Celui qui, comme moi, ne connaissait pas « l’esprit » des soirées vigneronnes de l’Auberge, se sentira d’emblée à l’aise grâce à son sens de l’accueil. Joao Roquette est le propriétaire des deux domaines dont nous dégusterons les vins ce soir. Le premier est situé dans le Douro, au Nord du Portugal, un pays qui a la forme d’ une « entrecôte parisienne »  (source Jérôme Aké). Il s’agit de la Quinta Dos Murças. Le second domaine est situé dans le Sud, dans l’Alentejo. Il s’agit du Domaine Esporao. J. Roquette devait être accompagné de son oenologue, David Baverstock, un australien qui serait l’un des premiers flying wine maker. Ce dernier sera absent ce soir, avait du rentrer précipitamment au Portugal dans la journée. Qu’à cela ne tienne, il avait suffisamment à dire tout seul, en anglais ou dans un excellent français !Vue sur la salle du premier étage et une partie des convives. Des habitués de l’Auberge, et d’autres qui ne l’étaient pas. J’ai eu pour ma part la chance et l’honneur d’être installé à la table de Joao Roquette, ainsi que d’Ellen Wallace, de Natalia & Antonio Pinho (Cave  Tsallin à Vétroz), de l’équipe de Gomes Weine (distributrice des domaines de notre hôte de ce soir), mais aussi de François Hauter, grand reporter et rédacteur en chef au journal Le Figaro (l’homme est lauréat du Prix Albert Londres en 1986 s’il vous plait). Il y avait aussi…

Gilles Besse, oenologue valaisan bien connu, accompagné de sa soeur Joelle, directrice ou cheffe des ventes chez Jean-René Germanier. Il n’était pas venu pour remplacer David Baverstock, car il était lui aussi invité. Il connait bien la région de Lavaux, où il a réalisé des stages durant sa formation viti-oenologique.
Mais ce soir, les vins étaient donc portugais, si la cuisine était « classiquement » celle de l’Auberge. N’est-il pas l’heure de passer à table d’ailleurs ?
A l’apéritif, nous avions dégusté la cuvée Defesa Branco 2010 du Domaine Esporao (l’ensemble des notes de dégustation ci-dessous est de Jérôme Aké, qui a eu la gentillesse de me les transmettre, ce pour quoi je le remercie chaleureusement) :
 
Vinha da Defesa 2010 (V R Alentéjano)
Cépages : antao Vaz / Arinto / Roupeiro
Robe limpide aux nuances dorées et reflets argentés. Au test lumière, des larmes épaisses et nonchalantes sont visibles sur la paraison du verre. Ce qui fait penser à un vin riche et gras.
Le 1er nez est exubérant avec des arômes de groseille à maquereau, d’orties et de corbeille d’agrumes. A l’agitation du verre, le 2ème nez révèle des senteurs de fruits frais où des notes de pêches blanches et de pommes semblent le disputer à des arômes de pamplemousse.
A mesure que le nez s’ouvre, une fine note herbacée rappelant le gazon tondu vous oriente vers un sauvignon de grand terroir. Que non! Nous sommes en face d’un vin issu de cépages indigènes du Portugal. L’antao Vaz / L’Arinto /et Le Roupeiro
Le toucher de bouche sauvignonne et confirme le nez. L’évolution en bouche est tramée par une acidité citrique et soulignée par une élégante note végétale qui rend le vin rapicolant. En milieu de bouche, une pointe d’oxydation renforce la fraicheur ainsi et met en exergue des arômes d’écorce de mandarine. La finale est persistante et s’étire sur une sensation poivrée, conférant beaucoup de longueur au nectar.
Ravioles de langoustines et girolles et la cuvée Esporao Reserva Branco 2011 :
Fermentation à température contrôlée dans des cuves en acier inoxydable et dans des fûts de chêne français ou américain neufs.
Cépages : Antao Vaz / Arinto / Roupeiro
Ce vin est cultivé sur un terroir unique issu de roche volcanique et de schiste, l’alter égo du grand terroir alsacien Rangen de Than. Elevé partiellement en barrique.
Robe brillante aux nuances dorées et reflets argentés. On note une viscosité importante qui imprime des jambes fines et régulières sur la paraison du verre.
Le 1er nez s’ouvre des arômes de fruits aux senteurs de fruits de vergers (en 1er la pomme, en 2ème l’abricot, en 3ème la pêche). A l’agitation du verre, le 2ème nez, arvinote avec des notes d’agrumes couplés à des senteurs de compote de rhubarbe rappelant le grand cépage valaisan : la petite arvine.
L’attaque n’est pas en reste; des saveurs acidulées aux relents citriques trament le vin et apportent beaucoup de fraicheur. Pendant l’évolution en bouche, des saveurs épicées rappellent la petite arvine avec des saveurs et des arômes de pamplemousse rose qui impriment une élégante note d’amertume en renforçant la sapidité du nectar. La fin de bouche est iodée sur une trame étonnamment digeste qui s’étire longuement avec une olfaction rétro nasale sur le whisky tourbé.
Un vin riche à l’élevage un peu trop appuyé à mon goût à ce stade (millésime 2011). Il s’est toutefois fort bien accommodé de la finesse et de la légèreté du plat, et il en a résulté un bel équilibre.Bar de ligne de petit bâteau snacké à l’huile d’olive extra vierge du Douro et la cuvée Esporao Private Selection Branco 2010 (D.O.C Alentejo) :
Cépages : Semillon, Marsanne, Roussanne
Vinification : Fermentation à température contrôlée en fûts de chêne français neufs. (6 mois en fûts de chêne neufs sur lie avec bâtonnage).
Robe jaune pâle aux nuances viel or et reflets de teintes jaune camaïeux. Viscosité importante aux jambes frêles et régulières.
Le 1er nez désoriente par sa complexité : De prime abord l’on pense aux grands chardonnays de Meursault avec leur trame aromatique beurrée et toastée. A l’agitation du verre, des senteurs d’amande grillée, d’huile d’argan, et de cèdre renforcent la complexité du nez.
A mesure que la température du vin monte, le nez semble se révéler : Des notes résineuses et pétrolées signent l’évolution du nectar.
Au toucher de bouche, le vin imprime une élégante trame oxydative qui renforce la fraicheur du nectar comme les grands rieslings. Pendant l’évolution en bouche, le vin voyage de manière géométrique, habillant tout le palais. La finale reste dense et poivrée avec un retour rétro-nasal sur le citron jaune.
Nous sommes en face d’un TGV (Très Grand Vin) qui sublimera aisément ce bar de ligne pour le plaisir de vos papilles.
Un fort beau vin il est vrai, et quel plat !

La première « chasse » de l’année : Selle de chevreuil, sauce grand-veneur et sa garniture chasse et la cuvée Quinta dos Murças Reserva 2009, D.O.C Douro.
Cépages : Touriga nacional , Tinta roriz et Touriga franca
Raisin foulé au pied dans des „lagares“ de granit et élevé 12 mois en fûts de chêne français ou américain.
Robe sombre et profonde aux nuances pourpres et reflets violacés. Le 1ez nez s’ouvre d’emblée sur des notes délicates et très complexes : tout d’abord la figue sèche, les pruneaux, la boite de cigare puis la violette. A l’agitation du verre, le 2ème nez déroule des senteurs chocolatées aux nuances balsamiques.
Le toucher de bouche est structuré en trois dimensions ; tout d’abord : une acidité minérale souligne une matière charnue mais sans aucune lourdeur. Puis, une sensation de sucrosité imprimée par les extraits secs des raisins apporte du volume et de la densité libérant des arômes de fraises écrasées et de compote de cerises. Enfin, un boisé élégant et bien intégré au fruit, se révèle avec une importante masse tannique qui s’arrondit rapidement.
L’évolution en bouche est dense et dotée d’une matière phénoménale tout en restant longiligne sur des notes minérales.
En milieu de bouche, des arômes de moka, de zan (bonbon Haribo) et de chocolat noir en rajoutent à la complexité du vin. L’olfaction rétro nasale est sur la mûre sauvage avec finale très longue et chaleureuse qui évoque le piment d’Espelette.
Des vignes de quatre vingt ans, complantées, utilisées pour le Porto habituellement (feu Christopher Von Ritter avait raison de dire que le plus grand danger pour les vins de Porto était les vins « secs » réalisés avec les vignes des vins de Porto). Un vin très puissant. Mon seul bémol sera de l’avoir trouvé un peu court en bouche. Mais le mariage avec la chasse était on ne peut plus judicieux.
Puis suivra une assiette de fromages affinés accompagnés de la cuvée Assobio 2010, un vin DOC Douro, issu des cépages Touriga Nacional, Tinta Roriz, Touriga Franca. Un vin présenté comme suit par Jérôme Aké :
Robe dense et opaque aux nuances couleurs cerise noire de Westhoffen avec des reflets rouge carmin. Viscosité marquée avec des jambes régulières. Le 1er nez est franc et frais sur des arômes de griottes, de mûres sauvages et de réglisse. A l’agitation, le verre égrène un chapelet d’arômes insoupçonnés où des notes complexes de framboise, de prunes et de menthe poivrée le dispute à des senteurs balsamiques (résine de pin).
L’attaque est construite sur le fruit. Le but de ce vin est la recherche du bonheur sans prise de tête. Ce qui paraît atteint lors de l’évolution en bouche. Le vin imprime beaucoup de densité sur un corps moyennement opulent aux tanins jeunes mais civilisés. En milieu de bouche, le nectar habille bien le palais libère une expression florale (la violette) ainsi que des arômes chocolatés faisant penser à une jeune syrah sur le fruit. La finale est sur le poivre noir avec un retour rétro- nasale sur la prune et la violette. « Un vin de tous les jours ».
Un vin que j’ai très apprécié. Franc, frais, riche mais digeste et sapide. Nous terminerons ce repas avec un Porto Tawny de 10 ans d’âge et le dessert.Craquelin de chocolat, glace caramel au beurre salé  et Quinta Dos Murças

Cépages : Touriga nacional , tinta roriz et Touriga franca
Robe de teinte grenat aux nuances orangées et reflets cuivrés ce qui préfigure une évolution. Viscosité importante aux larmes adhérentes.
Le 1er nez s’ouvre sur des arômes confits de fruits à pépins (fraises et framboise surmûries) puis dévie sur le pain d’épices. Lorsque l’on imprime un mouvement giratoire au verre, un chapelet d’arômes complète la structure aromatique du 2ème nez où l’on décèle aisément : le miel mono-variétal (acacia), l’écorce d’ananas mur, la griotte au kirsch puis en fin, le toffee qui rappelle le caramel au beurre salé.
L’attaque n’est pas en reste, elle est bâtie sur une structure fine et duveteuse avec une sucrosité féline qui rappelle la mandarine (sic!). En milieu de bouche, le vin prend des airs tourbés et rappelle les single-malts à double maturation, élevés en futs de porto. La fin de bouche évoque la latte macchiato, la liqueur de noix avec un retour retro nasal sur les amaretti.
Un grand merci à Jérôme Aké, au chef Thierry Bréhonnet et sa brigade (et de les féliciter tous et toutes !) pour ce fort beau moment passé grâce à eux à l’Auberge de l’Onde. Merci aussi à Joao Roquette et à l’équipe de Gomes Weine.
Maître Muller, propriétaire de l’auberge de l’Onde, qualifie Jérôme Aké « d’âme de l’auberge de l’Onde », et ne manquera pas de le remercier pour le travail qu’il y accomplit .
Ellen Wallace et Joao Roquette, ainsi que tous les convives avaient le sourire aux lèvres.
Laurent
Les coordonnées :
Auberge de l’Onde
Centre du Village
1071 St-Saphorin
Tél. +41 (0)21 925 49 00
Fax +41 (0)21 925 49 01
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