Le liquoreux Larme de Décembre de Thierry Constantin : une magnifique dégustation verticale

Les grands vins liquoreux du Valais tutoient bien d’autres sommets que ceux des montagnes alpines. Voici le compte rendu de la superbe dégustation verticale du liquoreux

« Larme de Décembre » de Thierry Constantin

vigneron au Pont-de-la-Morge (entre Sion ouest et Vétroz). Elle s’est déroulée au cours d’une manifestation originale, puisque à l’occasion de l’anniversaire de la bijouterie Titzé à Sion (qui fêtait les 125 ans de son commerce).  Bijoutier et vigneron ont invité clients et amis pour cette occasion.
Les vignes se situent à Sion, dans le vignoble de Clavau. Elles sont âgées de 61 ans, le sol est partiellement remanié (vigne en terrasses), avec un sous-sol où le calcaire est prépondérant. Le vin est élevé durant 18 mois en barrique de chêne. Il est membre de la fameuse charte valaisanne Grain Noble ConfidenCiel. Le cépage ? Le sylvaner, appelé en Valais Johannisberg. Un vin rare, élevé dans deux barriques, une de 225 l et une autre de la même contenance à 350 l,  selon la clémence ou non de la météo.
Les vins dans l’ordre de dégustation :
Le 1er vin : millésime 2009. Un vin issu d’une récolte dont la maturité est pourtant de 160° Oe. Baies vendangées le 02 fevrier 2010 ! Au nez beaucoup de fraîcheur, de l’ananas frais, de la poire mûre, une belle intensité du fruité. En bouche l’ensemble est fin, bien équilibré entre sa richesse qui est indéniable (190 gr sucre résiduel) et une acidité bien marquée. Point de lourdeur, en bouche donc. La finale est longue, tonique, sur laquelle s’est « greffée » une note citronnée qui apporte un supplément de tonicité. Bien qu’ayant obtenu le label Grain Noble, Thierry a préféré l’en retirer. Il ne s’agit pas d’une Larme de Décembre, mais d’une Petite Larme. Le vigneron a renommé exceptionnellement cette cuvée pour la première fois avec ce millésime.
2eme vin : millésime 2008. Date de vendange le 10 janvier 2009. Grande richesse (200° Oe). Nez complexe, entre pâte de fruit, citron, botrytis, La bouche est fraîche, longue, mais d’une grande richesse. Il reste 275 gr de sucre résiduel. En bouche toujours, belle note d’abricot et de citron confit. Ici aussi, la densité de la richesse matière échappe à la lourdeur, bien que l’acidité soit moins marquée que sur le vin précédent. Rendement dérisoire, fruit du travail d’un vigneron passioné : 0,4 dl par mètre carré. Pour réaliser une bouteille de vin il faut 12 mètres carrés ! Caudalie d’une bonne minute. Un vin somme toute extravagant de bout en bout !
3eme vin : millésime 2007. Vendange du 05 janvier 2008. 196 ° Oe, et 280 gr de sucre résiduel. Botritys important, jusqu’à 90 % des baies ramassées. Au nez un peu de volatile (discret), des notes figuées, de pâte de fruit, d’abricot. Ensemble concentré, bâti sur la puissance, onctueux en bouche, mais l’équilibre général est moins abouti que pour le millésime précédent.
4eme vin : millésime 2006. Vendange « précoce », puisqu’elle s’est déroulée le 30 octobre 2006. Ici aussi, grande maturité : 230° Oe. Il reste quelque 350 gr de sucre résiduel ! Petite note de volatile au nez (un zeste de complexité supplémentaire), de l’abricot, une note mentholée. Le nez est peut-être un peu moins puissant que pour le millésime précédent. En bouche, la très riche matière est sapide, offrant une finesse remarquable. Belle acidité. En finale, jolie note de citron confit et une sensation de salivation qui souligne la fraîcheur du vin (en rien lourd, pâteux). Un vin très cohérent malgré une richesse exceptionnelle. Thierry évoque une vendange où le botrytis était parfait, ayant touché toutes les baies.
5eme vin : millésime 2005. Très léger volatile. Le nez est peut-être moins complexe et puissant que pour le millésime précédent, mais il est agréable. Une note de figue domine. En bouche, j’ai beaucoup apprécié ce millésime que j’ai trouvé harmonieux, fin et fin, ciselé même. En cela il avait un message clairement différent de ceux qui venaient de s’exprimer avant lui. Moins de puissance aussi, mais il est très pur, avec un équilibre en bouche qui m’a comblé. En finale, on retrouve une nouvelle fois une note de citron. Les vendanges s’étaient déroulées le 24 novembre 2005. Les baies ont été ramassées à 172° Oe. Il reste 215 gr de sucre résiduel.6eme vin : millésime 2004. Richesse (176° Oe) proche du vin précédent. En 2004, pas de botritys. L’automne avait été sec et ensoleillé, puis à la vigne s’en était suivi une phase de latence où la progression des maturités s’en était trouvée stoppée. Durant l’hiver, des gelées importantes, avec des froids relevés à -08° C. Le jour de la vendange, le 16 décembre 2004, les baies gelées (rôties sous l’action de la climatologie) ont été ramassées tôt le matin, vers 07 heures (mais il ne s’agit pas d’un Eiswein bien que certains éléments s’en approchent). Thierry évoque un pressurage étonnant, comme il n’en a jamais fait avant ni depuis, avec des cristaux de glace, et un jus noir, très concentré. A nouveau une note d’abricot, d’écorce d’orange aussi. Malgré l’acidité, ce vin apparait plus concentré, presque lourd. Il est persistant, quoique moins élégant, que le précédent (à mon goût bien sûr), car moins équilibré en bouche.
7eme vin : millésime 2003. Ici aussi, on perçoit une petite note volatile. Nez complexe, intense, avec des notes de pâte de fruits, de tourbe, d’amande, d’abricot sec. Bouche riche, grasse, puissante, concentrée et équilibrée. En finale, la note citronnée refait son apparition pour apporter un supplément de fraîcheur. Vendange le 11 décembre 2003, les baies titraient 17° Oe, elles étaient pour moitié rôties et pour moitié botrytisées. Il reste 180 gr de sucre résiduel. Thierry évoque un titrage alcoolique plus important qu’à l’accoutumée (14° contre souvent 12° pour d’autres millésimes).
8eme vin : millésime 2002. Au nez un vin qui oscille entre la fraîcheur de sa jeunesse avec des notes fruitées complexes (raisins et abricots secs sinon confits, écorce d’agrume -citron- et évolution telle cette note d’encaustique. Une note plutôt noble au demeurant. Les conditions météo expliquant certainement l’évolution du vin. En effet, les baies qui titraient quelque 200° Oe ont été « lavées » par deux jours de pluie, perdant au passage près d’un quart de leur concentration en sucre. Le jour de la vendange, le 10 décembre 2002, elles titront tout de même 170° Oe. L’ensemble possède du charme, un petit rien de rusticité aussi en regard des autres millésimes, on se dit que le vigneron est doué d’un sacré talent pour réussir pareil tour de force (combien auraient tout abandonné ?). En finale, une très jolie note d’écorce d’orange, ravigorante.

Les tapas ont été réalisés par le chef Franck Reynaud, de l’Hostellerie du Pas de l’Ours, à Crans-Montana.

9eme vin : millésime 2001. Note de massepain, de tourbe, mais aussi d’écorce d’agrume (l’orange cette fois). La bouche est d’une grande finesse, donnant une impression d’une grande jeunesse car très fringante. Le fondu de la matière est harmonieux, d’autant plus élégant que porté par une belle acidité . Un vin très délicat, sinon remarquable. La vendange s’est déroulée le 09 janvier 2002, les baies ont été ramassées à 160° Oe. Il reste 160 grammes de sucre résiduel.10eme vin : millésime 2000. Notes de fruits confits et frais similaire (agrumes toujours très présents). Le dernier des vins dégustés en bouteille termine cette dégustation en apothéose. Équilibre magique, caractère ciselé, un vin terriblement précis, long, harmonieux, au sucre fondu, d’une finesse envoutante. Quel toucher de bouche ! Vendange le 04 décembre 2001. Baies vendangées à 180 ° Oe. Il reste 200 gr de sucre résiduel.
11eme vin : millésime 2010 (en cours d’élevage). Fraîcheur et intensité au nez, avec un fruité mêlant ananas et citron, champignon blanc discret. En bouche très bel équilibre. L’ensemble est riche, gras et frais, porté par une acidité bien intégrée. Note citronnée en finale. Ce colosse aux 350 gr de sucre résiduel (vendange à 220° Oe) a été vendangé le 13 février 2011 ! Une certitude, voici un autre vin qui va faire son (long et grand) chemin !
Deux jeunes artistes suisses étaient également invités à cette dégustation à laquelle ils ont apporté tout leur talent et leur enthousiasme en interprétant des chansons de grands artistes français et francophones ou de leur composition. Ils avaient pour l’occasion fait le déplacement spécialement depuis Paris. Bravo à Laurent Brunetti (photo), valaisan d’origine, et aussi à Mario Pacchioli (originaire des Grisons) qui se produit actuellement au Théâtre des Blancs-Manteaux à Paris. Tous mes vœux de succès dans leurs projets artistiques.
 
Le site internet de Thierry Constantin