Samuel Panchard, du labo d'oenologie à la gestion des vignes chez Provins

Je vous propose aujourd’hui un article qui est le fruit de ma rencontre avec Samuel Panchard, oenologue à la coopérative valaisanne Provins. Il m’a reçu et m’a expliqué son travail au sein de son entreprise dans laquelle il travaille depuis dix ans.
Provins est une coopérative qui représente un cinquième de la surface viticole cantonale, soit 1000 hectares de vignes. Elle est aussi le plus important producteur de vins en Suisse, puisqu’elle réalise 10% du volume des vins vinifiés.
Une telle surface de vignes nécessite une localisation et une connaissance parfaites de celles-ci. Un outil informatique est tout naturellement indispensable pour la gestion et le suivi des très nombreuses parcelles. Un travail qui doit permettre au final la réalisation des différentes gammes de vins réalisées par la coopérative.
Ce travail n’est donc pas tourné vers l’oenologie de laboratoire où de vinification.
Samuel est en lien avec 3000 sociétaires, auprès desquels il exerce une action de conseil d’un point de vue technique. Un champ d’action auprès d’eux particulièrement vaste :
– répondre à l’orientation du marché en fonction des besoins (c’est la quadrature du cercle entre le besoin œnologique et celui de viticulteurs),
– proposer un encépagement adapté aux terroirs (un travail de négociateur entre « l’envie du sociétaire, les possibilités de la terre et les besoins de la coopérative). Cela va depuis le porte-greffe, au cépage lui-même.
– visite des vignes,
– programmer les dates des vendanges de l’ensemble des gammes de la coopérative, des vins les plus courants aux vins hauts de gammes.
– répondre à de multiples demandes (face à un problème comme la pénurie de plants suite à un gel hivernal important par exemple). C’est suite d’ailleurs au gel de l’hiver 2002/2003 que Samuel a « délaissé » le travail d’œnologue proprement dit.
Ici et ci-dessous, deux orthophotos de la Confédération utilisées par Provins. En rouge c’est du Gamay, le jaune du Chasselas, le mauve du Pinot noir, le bleu ciel du Pinot gris.
Un rôle qui ne s’arrête bien sûr pas là, car Provins est également responsable de l’exploitation de vignobles. Il s’agit de vignes dont les adhérents ne veulent ou ne peuvent plus s’occuper eux-mêmes pour de multiples raisons comme l’âge avancé, la maladie, l’éloignement professionnel, voire même un désintérêt pour celui-ci. Une surface désormais considérable : elle couvre un quart de l’encavage soit 250 hectares. Certains domaines sont connus des amateurs : Tourbillon, l’Evéché, Domaine du Chapitre, Corbassières, Tournelette (un domaine de pinot noir), Beuble. Cette exploitation en directe de domaines (ou pas) permet d’avoir un regard beaucoup plus pointu sur la production. La coopérative est donc passée pour partie, d’un statut d’acheteur de production à celui d’exploitant. Ici, Samuel a un rôle évident. Il est d’ailleurs responsable de l’exploitation de ces vignes, c’est lui qui confie le travail aux vignerons sociétaires (mandatés par la coopérative). Il supervise des aspects administratifs (contrats et paiement de la récolte aux sociétaires) avec l’aide de son équipe.
Au sein de la coopérative, avec les œnologues en charge des vinifications, il s’agit de quantifier les besoins connus et chercher à quantifier les prévisions de récolte. Il est donc indispensable de déterminer les lots, ce qui se fait dès le mois de juillet.
Pour mener à bien l’ensemble des tâches il faut poser des objectifs qualitatifs quotidiens, travailler en équipe, déléguer…
Afin d’obtenir à la vendange des lots homogènes, un programme de gestion informatique est devenu indispensable. Ce qui n’exclut en aucun cas de se rendre sur place dans les vignes, de réaliser des analyses et de goûter les baies.
Il n’y a pas de baguette magique pour obtenir des résultats. La première mise en œuvre d’une politique qualitative date de 1945. La gamme Capsule Dorée (ex : le fendant « Pierrafeu », la « Gloire du Rhône ») était l’objet de contrôles à la vigne par un collège d’experts (*).
Puis, un périmètre géographique a été délimité, en première zone, le « meilleur » du vignoble, où seuls certains cépages ont été acceptés.
Les contrats de culture datent de 1990, ils ont surtout intéressés la gamme Maître de Chais, c’est à cette période que les vendanges vertes ont été mises en place, ainsi qu’un paiement du sociétaire non plus au kilo de vendange mais au mètre carré, une mesure plus motivante aussi pour le sociétaire.
Au début des années nonante, en 1991, c’est l’apparition de l’AOC Valais, un autre pas fait en direction de la qualité pour l’ensemble de la viticulture du canton. Puis, Monsieur Amez-Droz, directeur de Provins à l’époque, a instauré de nouveaux standards qualité que la clientèle retrouve avec des gammes de vins tel Maître de Chais.
Enfin, Samuel participe à des dégustations de validation à l’interne et en qualité de juré à des concours nationaux. Il représente également la coopérative à des manifestations, comme la rencontre annuelle des membres de la Mémoire des Vins Suisses.
Pour information, Samuel Panchard n’exerce plus à la coopérative Provins depuis 2016. Je conserve cet article néanmoins sur ce blog.
(*) La gamme Capsule Dorée n’existe plus. Elle a été remplacée par la Charte d’Excellence. Celle-ci, plus large, s’est ouverte à des cépages historiques et autochtones comme le cornalin et l’humagne rouge.

Petit rappel sur le Valais viticole :
 
Il représente un peu plus de 5200 hectares de vignes, pour un nombre de parcelles qui avoisine les 120.000, disséminées principalement entre Martigny et Loèche, soit une soixantaine de kilomètres. Le nombre de propriétaires de vignes dans le canton est proche de 22.000 personnes.
Dans ce pays alpin, où la vigne est présente depuis une altitude de quelque 450 mètres jusqu’à 800 mètres (avec des exceptions comme le vignoble de Visperterminen qui atteint symboliquement 1000 mètres d’altitude), le nombre de terroirs est d’une grande multiplicité. La complexité géologique est devenue un atout, elle s’allie à l’exposition, à l’altitude, aux cépages.
Ces derniers sont très nombreux : plus de cinquante!
Certains sont et resteront très confidentiels : de un -parfois moins!- à quelques hectares seulement. D’autres, qu’ils soient historiques ou typiquement régionaux sont mis en évidence depuis plusieurs décennies. L’une des grandes forces de la coopérative Provins aura été de comprendre les enjeux à venir et de les anticiper. Madeleine Gay, également oenologue chez Provins, m’avait dit lors de notre rencontre en 2010, que la part des cépages dits de « spécialités » de la coopérative est passée de 50.000 kilos annuels en 1981 à 15 % de la vendange d’aujourd’hui, soit 1.500.000 kilos annuels !
 
Voici un bref aperçu de ces changements entre 1991 et 2008 : (sources : le blog de Paul Vetter).
en blanc, le chasselas n’est plus présent désormais qu’à hauteur de 1000 hectares, contre 1850 ha en 1991 ! La petite arvine (de 36 à 150 ha de 1991 à 2008) ou savagnin blanc (surface multipliée par cinq)
du côté des cépages rouges, le gamay a également régressé au profit de cépages comme l’humagne rouge (42 à 124 ha, le cornalin (120 ha), la syrah par exemple (de 18 à 146 ha entre 1991 et 2005).
 
Le rôle d’une grande coopérative dans cette région s’avère aujourd’hui autant qu’hier indispensable.
Le lien avec la page du site Provins sur la gamme de vins proposés : http://www.provins.ch/fr/gammes/