Une verticale d'amigne de qualité, mais protéiforme

Ce samedi six juin, lors de la fête de la fleur de l’amigne, le groupement des encaveurs de Vétroz a proposé quatre séances de verticales d’amigne, le cépage emblématique de la commune.
Des séances étonnamment peu suivies par le public. Pourtant, la qualité des vins s’est avérée être au rendez-vous (si cela devait surprendre quelqu’un). Paolo Basso, deux fois deuxième meilleur sommelier du monde a animé ces séances avec talent et un plaisir évident. La dégustation s’est déroulée à l’ancienne Abbaye de Vétroz, devenue désormais une oenothèque et un restaurant de cuisine régionale.
Si le cépage était bien évidemment connu, les millésimes et les producteurs ont été dévoilés après la dégustation de chaque vin.
Pourquoi les producteurs ? Il ne s’agissait pas de la verticale d’un vin d’un seul producteur pour une raison fort simple : la confidentialité de l’amigne, cépage qui n’est planté qu’à hauteur de 35 ha en Valais (18,2 ha en 1991). Les vins de « réserve » dans les diverses caves vétrozaines sont logiquement rares.
 
 
La dégustation des vins d’Amigne :
 
1 er vin : il a une robe pâle, le nez est fin, discret, avec des notes d’agrumes (citron), de framboise, en bouche les sucres résiduels sont fondus, par contre la présence alcoolique chauffe la bouche, je ressens aussi une sècheresse marquée en bouche. Amigne Grand Cru 2003 Romain Papilloud A revoir à la maison, il m’en reste deux flacons (peut-être que le climat jurassien aura permis un vieillissement différent ?).
2 eme vin : la robe est plus prononcée, le nez est typé avec une note d’écorce d’agrume (orange), une note de pâte d’amande. En bouche, le vin bien structuré, mais est plus vif que le précédent, voire même tonique et droit. Les sucres résiduels sont fondus, l’ensemble est harmonieux. Bonne longueur. Bien apprécié. Amigne Grand Cru 2002, cave de la Madeleine, André Fontannaz.
3 eme vin : robe jaune or, prononcé. Nez légèrement oxydatif, avec des notes d’écorce d’orange, de coing d’abricot sec, de noix. La bouche est fraîche, légèrement saline, pourvue d’une belle attaque, bien que la tension tombe assez vite. Jolie longueur, avec une finale qui m’a parue presque chocolatée. Très apprécié. Un vin reconnu comme étant l’amigne jaune de Fabienne Cottagnoud, cave des Tilleuls, millésime 1999. Un premier contact avec cette amigne jaune fort intéressant. Quelques heures plus tôt, Fabienne me disait ne pas avoir apporté ce vin à son stand aujourd’hui, alors que plusieurs participants venaient de le reconnaître pour l’avoir dégusté en fin de matinée ! Comprenne qui pourra… Car après tout, s’il n’y en avait plus, il suffisait de le dire.
4 eme vin : robe or claire, limpide. Joli nez sur les fraises des bois, l’orange, la bouche est fine, le sucre est fondu, l’alcool intégré. L’ensemble est harmonieux, équilibré, les tanins sont ronds, la finale, quoique un peu courte est délicatement saline. Bien apprécié. Il s’agit de l’amigne L’Oiselleur 1998, cave Les Fils Maye (Riddes).
5 eme vin : Robe jaune pâle. Nez fermé, peu disert, manquant un peu de grâce. J’évoque le mousseron, Paolo Basso parle lui aussi d’un nez de champignon. On parle aussi d’une note de tabac blond, de fumée (voire de suie). En bouche, l’attaque est peu avenante, tendue, sèche, dotée d’un CO2 marqué. On évoque pour ce vin une impression de sècheresse, de soufre également. La finale est néanmoins sapide, bien que jugée courte. Il s’agit de l’amigne L’Oiselleur 1996, cave Les Fils Maye.
6 eme vin :  Nez fermé, sur la fumée, la robe, est jaune or. La bouche est fine, dotée d’une belle acidité et d’un volume intéressant, l’ensemble est harmonieux voire flatteur, hormis la finale est un poil trop chaude (impression alccolique). Amigne « Grand Cru » 1993, cave de la Madeleine, André Fontannaz.
7 eme vin : robe jaune or,, impression de vin jeune. Nez avec des notes de fumée, d’écorce d’orange, de citron, plaisant, évoquant le fruité primaire. La bouche parait un peu poussièreuse (pb de bouchon?), après une belle attaque, la bouche se rétrécit, la finale parait un peu aqueuse, mais l’on évoque à nouveau une sensation de salinité en bouche. Amigne 1991, cave Jean-René Germanier.
8 eme vin : Robe jaune or prononcé, le vin apparait gras mais sec en bouche, sapide. Cette dernière s’avérant la plus complète des vins dégustés pour moi, car après une attaque franche, le milieu de bouche avait un corps plus dense. Belle finale. Un vin très harmonieux, certainement le meilleur témoin de cette série de la capacité de vieillissement de l’amigne.  Il s’agit de l’ Amigne 1990 Jean-René Germanier. Et un vin vinifié sec !
9 eme vin : Robe orangée, dense. Nez avec des notes balsamiques, fruitées (pèche des vignes, abricot sec, melon mûr, orange confite). Bouche grasse, belle liqueur fondue. En bouche, belle acidité, l’ensemble est complèxe, avec une belle densité, belle finale équilibrée, sur laquelle on ressent néanmoins un amer léger. Un joli liquoreux fin, complèxe et réussi, à son apogée. C’est la Mitis 1998, cave Jean-René Germanier (de mémoire, le premier millésime réalisé sans process de type cryo-extraction).
Et l’amigne fût ! Merci amis de Vétroz, et merci bien sûr à Paolo Basso qui a conduit la dégustation, mais aussi à son assistante, aussi efficace que discrète, et qui a veillé au confort de chacun.
Cette verticale d’Amignes ? Une très belle expérience, qui augure bien des promesses futures pour ce cépage protéiforme. Mais il est vrai que la présence de Proteus n’était pas que le fait du cépage. La patte des vinificateurs y aidait grandement.
Paolo Basso
L’amigne est rare, certes, mais si elle est ConfidenCiel, c’est parce qu’elle est capable de jouer sur tous les tableaux de vinification : du vin sec, au liquoreux, en passant par le moelleux. A l’occasion, elle se fait jaune également.
neuf amignes
Plus bas, quelques photos prises à Vétroz avant de me rendre dans l’Abbaye pour participer à cette dégustation :
dans les côteaux de Vétroz
conduite de la vigne en tire-boucon (fuseau valaisan)