De Zürich à la Côte-d'Or. Des hommes, des femmes, des vignes et du vin !

Venu à Zürich rendre visite à Susanne Scholl et à Andreas Keller, journalistes membres de la Mémoire Des Vins Suisses (voir liens), j’ai aussi eu le plaisir de passer plusieurs heures en compagnie de trois vignerons de la Côte d’OrGoldene Küste en allemand. Région qui concerne la totalité de la côte orientale du lac de Zürich.
Cécile Schwarzenbach, m’a accompagné depuis Zürich à Meilen, chez elle, me montrant d’abord  des parcelles de ses vignes, puis la cave (où des employés et Alain, son fils, ainsi que Hermann, son mari, travaillaient d’arrache-pied) avant de déguster ensemble un pinot noir 2008 dans le jardin au bord du lac. Le site internet de la cave : www.reblaube.ch
Ci-dessous sur le premier cliché, le lac, un bac pour le traverser (et éviter la grande ville), le clocher de Meilen, et au premier plan, une vigne de Raüschling. Un cépage que Hermann Schwarzenbach décline en trois cuvées, dont la Seehalde, un vin membre de la Mémoire Des Vins Suisses.

Pour le pinot noir, Hermann Schwarzenbach ne voulait qu’une bouteille burgonde ! Ce pinot est un vin fin, sapide, friand, tout de fruit, au boisé légèrement toasté au nez mais parfaitement intégré en bouche. Il n’est aucunement léger, et d’une digestibilité maximale.

Puis Eric Lüthi, de Männedorf, m’a conduit dans ses vignes. Toutes louées, ses différentes parcelles -deux hectares au total- se trouvent à Stäfa, la plus grande commune de la Goldene Küste. L’augmentation de la population dans ces communes du bord du lac et proches de la métropole économique pose un gros souci pour la préservation d’une activité agricole et viticole. Il y a ici une pression immobilière énorme, l’une des plus fortes d’Europe.

En dépit de tout cela, Eric, natif de Grenchen (Granges en français, région de Soleure), s’organise pour travailler ses vignes, vinifier ses vins et les commercialiser avec une passion qui force le respect. Par manque de place -et peut-être aussi de moyens, il élève ses vins chez les Schwarzenbach.  Des vignes soignées « aux petits oignons » ! Le vigneron ne ménage pas sa peine et le résultat s’observe aisément. Il travaille dix à douze heures par jour d’avril à octobre, six jours sur sept. « Mais c’est un privilège me dit-il. Je suis en contact avec la nature, et si je vis modestement, je suis heureux » ! Nous n’aurons pas dégusté ses vins ce mardi, mais ce n’est que partie remise ! Eric travaille en production intégrée. Le bio lui semble ici inenvisageable, car la pluviométrie de la région est très conséquente : 1500 mm/an.

Quelques vues sur les vignes d’Eric Lüthi à Stäfa : Le Lattenberg et le Sternenhalde :

La parcelle de pinot noir sur le Lattenberg ci-dessus.

Le dénivelé est important (la parcelle de pinot noir se trouve juste au-dessus) -ainsi qu’à Meilen d’ailleurs.  Voici une vigne de Raüschling au premier plan.

Bourgeons du fameux Raüschling ! Certainement un enfant du Gouais, ce cépage est principalement cultivé dans le vignoble zürichois. Il offre un potentiel de garde très intéressant. Le site internet de la cave d’Eric Lüthi : www.luethiweinbau.ch

Ici aussi, sur le Sternenhalde, la déclivité est vraiment importante. Présence de riesling-sylvaner (en bas de coteau), mais aussi de pinot gris, de pinot noir, ainsi que du Scheurebe.

Poursuite de cet après-midi avec Monica Hasler-Bürgi, du Weingut Rütihof à Uerikon. Monica représente la cinquième génération vigneronne de cette cave familiale créée voici 125 ans. Elle a repris la cave lorsque son père a décidé de passer la main il y a quelques années. Cette biologiste de formation est aidée par son mari, Tobias (qui travaille à 80 % hors du domaine viticole), un vigneron et deux ouvriers viticoles polonais.

Pression immobilière disais-je. Une initiative pour préserver le Rütihof  (si les vignes appartiennent à Monica, il n’en est pas de même des espaces verts attenants). J’ai pu observer des zones de polyculture (vignes, vergers, et aussi prairie avec des bovins), ce qui est autrement agréable que des maisons d’architecte au coeur de zones rurales « historiques ».

Quelques rangs de vigne en bas du coteau pour le riesling-sylvaner, le coteau est quand à lui planté de gewurztraminer et de pinot noir. Après la visite dans la vigne, Monica Hasler-Bürgi m’a convié dans les chais et nous y avons dégusté quelques vins à la cuve. La mise en bouteille se fera plus tard au printemps, voire au début de l’été. Pour les portes ouvertes, les vins proposés seront ceux du millésime précédent.

Le site internet de la cave : www.weingut-ruetihof.ch

Les vins dégustés mardi après-midi :

Raüschling 2010 : un vin frais, vif (la malo a été faite pourtant), très joli fruit, avec des notes d’agrume, de glycine et de rhubarbe Un fruité qui évoquait celui d’une petite arvine. Jolie bouche friante, acidulée mais sèche. Très apprécié.

Riesling-sylvaner 2010 : un vin frais, sur une structure fraîche et franche, avec des notes d’herbes mûres. J’aime bien son équilibre et sa finesse. Pas forcément très complexe, mais l’ensemble est fort agréable.

Pinot noir 2010 : un vin élevé en cuve. Friand, fruité (fruits rouges dont la fraise), il présente une densité en bouche agréable. Ce vin a lui aussi beaucoup d’équilibre. A ce stade, Monica Hasler le trouve un peu revêche, avec des tanins trop marqués et un petit CO2 qui la gêne.

Pinot noir 2009 : élevé en barrique mais prélevé à la cuve où ces dernières ont été réunies pour l’assemblage final avec la mise en bouteille. De la densité en bouche, l’ensemble est frais, manquant peut-être un peu de complexité. Il faudrait surtout pouvoir le regoûter six mois ou un an après la mise.

Cabernet Dorsa barrique 2009 : deuxième rencontre avec ce cépage aujourd’hui, après celle à la brasserie lors du repas. Grande profondeur de robe (violine), nez de fruits mûrs, la bouche est dense, bien charpentée, mais manque un peu de fraîcheur à mon goût (à revoir à table avec une viande puissante peut-être). Ce cépage est né en Allemagne. C’est un croisement du Cabernet sauvignon et de Dornfelder.

Enfin, ces trois vignerons se sont  associés pour la création d’un vin, le R3. R comme Raüschling et 3, pour …leur triple entente. Un vin réalisé à quelques 2000 bouteilles chaque millésime. Trois vignerons, trois sols, un cépage, un vin ! Le R3 possède son site internet.

Rappel : les vignerons de Suisse allemande feront leur opération Cave Ouverte la semaine prochaine, soit précisément le 30 avril et le 1er mai (voir article précédent).
J’adresse mes plus vifs remerciements à Cécile, Monica et Eric pour leur accueil, leur disponibilité et pour les nombreuses explications et informations  fournies -toujours en français.
 
Laurent