A Neuchâtel, Vaudijon voit vert aussi !

Si, dans ce canton, il existe une vraie dynamique positive, c’est dans la viticulture que l’on peut l’observer.  Voici trois mois seulement, j’écrivais ici que Neuchâtel était devenu en quelques années le laboratoire viticole suisse du Bio.
Depuis, Jean-Pierre Kuntzer (domaine St-Sébaste, à St-Blaise) a remporté la Gerle d’Or, soit le meilleur chasselas du canton, avec sa cuvée Chasselas Sélection 2015, et, il y a deux jours seulement, Jean-Denis Perrochet (la Maison Carrée, Auvernier) a été désigné Vigneron Bio Suisse, par le magazine Vinum (*).
Je découvre désormais que Vaudijon voit vert aussi !
Parti rencontrer Aurélien Houillon, le chef de culture, après avoir fait sa connaissance au château de Boudry dix jours plus tôt, j’ai également rencontré le propriétaire des lieux, Laurent Lozano.

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En ce six juin, le soleil était enfin de retour. La pierre jaune de Hauterive brillait de mille feux.


Vaudijon attire le regard. La demeure surplombe une partie de ses vignes, et est située au sommet d’une butte qui domine la vallée de l’Areuse. Elle est entourée de ses vignes, d’une surface de 4,5 ha, et d’un parc arboré. C’est une demeure patricienne bâtie au début du 19e siècle, qui n’a rien a envier à nombre d’hôtels particuliers que l’on rencontre dans de grandes villes.
La superficie du domaine couvre douze hectares au total.
Le nouveau propriétaire a décidé de rendre à sa propriété, acquise en septembre 2012, le statut de cave viticole. Jusqu’à l’année 2012, les raisins étaient vinifiés par le Château d’Auvernier, qui confiait le travail des vignes à un encaveur de la commune.
Pour y parvenir, il a fallu recréer ex nihilo une cuverie, mais avant cela, remettre en état les locaux. Le travail déjà accompli est impressionnant. Des ouvriers s’emploient toujours actuellement au rez-de-chaussée du bâtiment qui abrite la cave. Le propriétaire, qui souhaite surtout que la cave et Vaudijon vivent, a déjà imaginé un parcours à l’intention des futurs visiteurs.

Avant de me laisser découvrir le domaine en compagnie d’Aurélien Houillon, je suis convié à déguster des vins en cours d’élevage. Le domaine viticole est planté de trois cépages : le chasselas et le pinot noir bien sûr, et du chardonnay.vaudijon Laurent Lozano et Aurelien HouillonLaurent Lozano, qui est également oenologue, me confie sa joie et son plaisir à la vinification de ces cépages, et tout particulièrement du pinot noir. « J’ai travaillé dans le Cognac (pour la maison Hennessy) et je suis originaire de Bordeaux, une région où le pinot noir n’est pas considéré comme ailleurs dans le monde du vin ».
Ses premières vinifications neuchâteloises se sont faites en 2014 (suite à la grêle de 2013, il avait décidé de ne rien vinifier, et il semble le regretter un peu aujourd’hui).
« Des changements sont-ils à prévoir dans l’encépagement ?
Non, nous allons poursuivre le travail débuté avec Aurélien depuis son entrée en fonction, à savoir mettre l’accent sur un travail en mode biologique (le nom Houillon vous dit-il quelque chose au fait ?). La volonté d’une certification me semble faire aucun doute à ce sujet. Travailler les vignes avec un cheval (chose récemment débutée grâce à Charlotte Touati), en tout cas pour les parcelles où c’est possible -des parchets pentus et en terrasse ne sont pas le meilleur endroit pour qu’un cheval, où l’âne du Poitou vu dans son box à mon arrivée, puissent travailler en sécurité, ainsi que pour leur conducteur bien sûr. Laurent Lozano est d’ailleurs admiratif quand il parle des capacités de travail des animaux.
Il ne sera vinifié que le produit du domaine bien évidemment, et ce sans aucune chaptalisation. Les vins seront le reflet du millésime dans sa plus juste expression.
Le ton est donné, ce n’est pas à Vaudijon qu’il faudra se rendre pour y découvrir des vins « bodybuildés ». vaudijon cuverieA la cave, des cuves inox, neuves bien sûr, et donc thermorégulées, des cuves tronconiques en bois, pour la macération des vins rouges. Avant cela, bien sûr, un tri des baies à la vigne, une vendange à la main, avec des caissettes. Quelques possibilités de travail sont déjà bien réfléchies, lors des étapes d’égrappage et du foulage, et seront redéfinies chaque année en fonction de la qualité des baies.
Je découvre désormais les « entrailles » de la cave. C’est ici que la plupart des travaux sont en cours. Un futur espace d’accueil pour les visites, qui devrait être garni d’une bibliothèque. Puis, nous nous dirigeons vers le chai. A mi-chemin de l’escalier y menant, Laurent Lozano ouvre une porte de bois, et, avec l’aide la torche de son téléphone portable me révèle une ancienne glacière (la neige était tassée, se transformait en glace, et permettait à cet endroit d’avoir les qualités d’un frigidaire durant les mois de printemps et sans doute aussi d’une partie de l’été).
Quelques pas plus bas, la surprise est de taille, à la hauteur du bâtiment : une magnifique cave voutée, avec un unique et imposant pilier central.vaudijon pilier cave
C’est ici que se trouve le parc des barriques, qui s’avèrent toutes être des demi-muids (**), un contenant prisé de l’oenologue. Il s’attarde un moment lors de notre discussion sur la durée de séchage du bois (30 mois étant le minimum pour lui). Nous dégustons le vin auprès de plusieurs fûts. Le pinot noir est à l’image de ce que l’on en attend : fruité et très fin en bouche. Prometteur. Le chardonnay est quand à lui proche dans son expression en bouche d’un Meursault : riche, gras, mais sans lourdeur. A revoir plus tard après leur mise.vaudijon caveJ’accompagne désormais Aurélien Houillon à l’extérieur.
Une fontaine se dresse au coeur d’un jardin grand comme la moitié d’un terrain de football. « Il y avait une piscine à l’arrivée de monsieur Lozano.  Elle était en mauvais état. Il a préféré y mettre cette fontaine, qui se trouvait entre la maison principale de Vaudijon et le deuxième bâtiment qui abrite la cave. L’accès à la cave en est aussi amélioré ».
Puis, nous arrivons aux vignes. L’enherbement est total bien sûr. Aurélien évoque son travail sur les ceps, me montre les arbres fruitiers placés contre un mur de soutien de la terrasse de la propriété, arbres qui renforcent la bio-diversité. Nous parcourons ainsi la quasi totalité des parchets. Il me parle encore de travaux, causés par la rupture d’une canalisation, et aussi de son chasselas sans soufre, que monsieur Lozano lui a laissé la possibilité de vinifier. Un vin qui sera d’ailleurs commercialisé sous le nom de Vaudijon prochainement (une petite quantité, six cent litres je crois).
vaudijon 3Il me faut partir sans que la visite soit totalement terminée. Je reviendrai avec plaisir pour terminer cette visite, photographier toute  l’équipe, hommes et femmes, mais aussi l’âne du Poitou et le cheval au travail (les boxes étaient vides lorsque je repassais devant, mon appareil photo en main). Et aussi pour déguster le chasselas « nature » d’Aurélien.vaudijon 1Une belle page est entrain de s’écrire a Vaudijon. Le domaine reprend vie. A suivre !
(*) On s’étonnera d’ailleurs que cette distinction tombe au mois de juin, et non pas en octobre, lors de la cérémonie du Grand Prix des Vins Suisses, qui est certes un concours, mais qui est organisé conjointement par Vinéa et …Vinum.
(**) : pour faire simple, considérons que le demi-muid est à la barrique, ce que le magnum est à la bouteille de 75 cl.