La verticale des dix millésimes de la cuvée 1858 de Charles Bonvin

Une grande partie du team de la maison sédunoise Charles Bonvin nous a reçu pour cette verticale qui s’est déroulée à Lausanne, à l’hôtel Beau Rivage Palace : son directeur André Darbellay, l’oenologue Thierry Delalay, ainsi que Serge Sierro, président de la maison Bonvin.
Etaient aussi présents  : Alain Raynaud, oenologue conseil bordelais, et Jacques Perrin (du cavesa.ch) qui avait charge d’animer cette dégustation.

Jacques Perrin et Alain Raynaud.

Jacques Perrin et Alain Raynaud.


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André Darbellay, directeur de la maison Charles Bonvin.

Un mot sur la cuvée 1858 :

Le nom n’est pas le fruit du hasard, c’est un hommage aux créateurs de la maison Charles Bonvin, la plus ancienne entreprise viticole du canton du Valais.
Il s’agit d’un assemblage de cornalin et de syrah. Cela n’apparaît pas sur l’étiquette. La communication sur ce point est volontairement minimaliste, ceci dans le but d’intéresser les amateurs au vin lui-même plutôt qu’à ses « ingrédients ».
Les proportions sont souvent de 60 % pour le premier et donc de 40 % pour le deuxième. Avec des modifications possibles selon le millésime, voire selon le « caractère » du cornalin, cépage connu pour son alternance de rendement.
En 2003, le cornalin était issu de vignes jeunes, de 15 ans d’âge. La vigne se trouve à Sion Ouest, près de Montorge. Les vignes de syrah sont plus âgées. Elles se trouvent à Brûlefer.Les vendanges,_MG_1630

Les rendements des deux cépages sont compris entre 500 et 700 gr au mètre carré, selon les millésimes.

La macération se fait en barriques ouvertes durant une quinzaine de jours (macération pré-fermentaire y compris).Au niveau de la vinification, les deux vins sont élevés séparément, puis assemblés au terme de leur élevage en barrique, d’une durée de douze mois. Suite à l’assemblage, ils s’homogénéisent un court moment dans une cuve avant la mise en bouteille.

La production a progressé au courant des années, passant de quelque 2000 bouteilles à un peu plus de 5000 aujourd’hui. Le prix n’a pas évolué à ce jour. Il est toujours de 38 CHF._MG_5854

Les dix millésimes de la cuvée 1858 : 

 

Le millésime 2003 : millésime chaud, sinon solaire, de grande concentration et aussi très précoce. Les vendanges ont débuté tôt, souvent au mois d’août.
Le nez est évolué, avec des notes de cuir, de tabac brun, il reste aussi du fruit, très mûr. La robe est tuilée. La bouche est souple, les tanins sont ronds, mais l’apogée de ce vin est atteinte et même dépassée. 

 

Le millésime 2004 : un millésime que j’ai beaucoup aimé de suite. Robe assez claire, fruité juvénile et croquant, mais pas acidulé, sur des notes de cerise rouge, de groseille. La bouche était toute de fraîcheur, de finesse, en élégance donc. Belle longueur. Certains lui reprochent un manque de muscle. Je me contente d’apprécier ses qualités. Ce vin aura dix ans dans quelques mois et il se porte plutôt bien après cette décennie. Jacques Perrin parle de vin élancé et sapide pour un millésime qu’il qualifie de classique.

 

Le millésime 2005 : grand millésime de la décennie. Le vin est puissant, concentré, sa robe rouge est sombre sans trace flagrante d’évolution, sinon peut-être de façon très modérée à l’agitation. Fruité sur des notes de fraise principalement, le nez est moins pur que celui du millésime précédent. Les tanins marquent un peu la bouche. Celle-ci est davantage portée par sa puissance que par la finesse et la fraîcheur. Difficile à croire que ce vin développera dans le futur cette finesse qui lui fait défaut aujourd’hui.

Thibaut Panas, sommelier au Beau-Rivage Palace

Thibaut Panas, chef-sommelier au Beau-Rivage Palace

 

Le millésime 2006 : Robe rouge d’intensité moyenne, nez porté par des notes de fruits rouges. La bouche possède de la puissance, de la tannicité, un bel équilibre et un joli gras. La fraîcheur est bien présente en bouche. On perçoit une belle maturité avec une note réglissée en finale. C’est un vin élégant, assez proche du 2004 dans son expression, avec un supplément de chair. Jacques Perrin évoque un beau millésime avec des saisons bien marquées.

 

Le millésime 2007  : robe assez claire, le nez est un peu marqué par le bois. Le fruité est croquant, frais, avec des notes d’épices, que l’on retrouve également en bouche durant la finale. Le boisé est plus marqué en bouche également. Sans doute le vin manque t-il un peu de chair pour le supporter totalement, mais il reste gourmand. Jacques Perrin nous rappelle que la météo de ce millésime avait été caniculaire en avril, puis que l’été s’était montré plutôt frais. Thierry Delalay nous dit que la part de syrah a été plus importante que durant les millésimes précédents.

 

Le millésime 2008 : robe prononcée, un fruité frais et expressif avec une note de cerise qui domine, une petite note d’amande en bouche également. Le boisé est bien intégré, la bouche est assez ronde, friande et sapide, fine et de belle longueur. C’est un joli vin aujourd’hui et grâce à sa structure, il laisse augurer d’un joli potentiel à venir. Pour l’heure, c’est le vin le plus complet, et, logiquement, c’est mon préféré, puis suivent le 2004 et le 2006. Jacques Perrin nous dit que les cépages précoces ont mieux réussis que les autres en 2008.

 

Le millésime 2009 : autre millésime de grande chaleur après le 2003 et le 2005. Un millésime généreux pour ce qui est des rendements. Au nez on retrouve la signature de la syrah avec des notes épicées. Mais le nez possède aussi du fruit, qui est frais et séduisant. En bouche, les tanins sont fins, souples, le vin est ample, un peu rond, mais il a de l’équilibre et de la fraîcheur en bouche. Le boisé est fondu, bien qu’un peu plus perceptible en finale qu’à l’attaque ou en milieu de bouche. Une finale qui l’on aurait aimé un peu plus longue.

 

Le millésime 2010 : Un vin qui était plutôt discret de prime abord, voire même austère tant au nez qu’en bouche, qui était plutôt stricte.  Il se révélait progressivement en se réchauffant dans le verre. La structure est tannique, la fraîcheur en bouche a eu également besoin d’un peu de temps pour se révéler. Notre animateur parle du grand millésime de ces deux dernières décennies.

 

Le millésime 2011 : un vin de fruit presque joyeux, mais avec de la structure et de la fraîcheur. Des tanins fins, gras, une belle longueur. C’est un très joli vin à la fois élégant et gourmand, qui possède du nerf. Il est très accessible aujourd’hui, contrairement au millésime 2010 dégusté juste avant lui..

 

Le millésime 2012 : un vin qui s’exprime dans un registre de fruit mûr, il est moins complexe que le millésime qui le précède, mais possède un joli gras, de l’équilibre, de la fraîcheur et de la finesse. Jacques Perrin nous rappelle que le millésime 2012 aura été un millésime particulièrement difficile pour le cépage cornalin. Un millésime où les poussées d’oïdium auront été fortes. 

 
Quelques réflexions issues des discussions nées durant la dégustation :
C’est un assemblage qui a surtout démontré un bel équilibre sur les millésimes frais ou tempérés. Cet équilibre faisait davantage défaut sur les millésimes chauds, où la syrah se mettait un peu trop en exergue en déséquilibrant l’ensemble.
L’avenir de la cuvée : André Darbellay et son oenologue n’envisagent pas forcément de modifier ce vin dans le futur. Mais ils sont ouverts à des pistes de réflexion, tel un possible apport d’humagne rouge en particulier.
Le processus de vinification et d’élevage est clairement défini. Mais pour certains dégustateurs présents, l’élevage du cornalin en barrique de chêne est peut-être une « erreur ». C’est une appréciation globale sur ce cépage bien sûr, et non pas une critique ciblant cette cuvée en particulier.
Il a également été évoqué l’égrappage. Aujourd’hui il est systématique, et peu en Valais essaient de s’en affranchir. Il est vrai que l’aoûtage de la rafle est loin d’y être systématique. Alain Raynaud -aux interventions toujours très précises et d’une grande source d’information- nous a dit qu’un égrappage même très partiel peut modifier définitivement l’expression fruitée d’un vin. Toutefois, il reconnait que cette rafle, quand elle est parfaitement mûre peut être intéressante, elle provoquerait même une sorte de drainage dans la barrique lors du pigeage.
Amertume, vous avez dit amertume ?
Les sommeliers présents, d’autres aussi, ont été gênés par une amertume liée à l’élevage en barrique pour les premiers millésimes. J’avoue que cela ne m’a personnellement pas perturbé. Ils ont observé une meilleure intégration du bois dans les cinq derniers millésimes présentés.
Art de l’assemblage :
La discussion a aussi permis de revenir sur l’idée même de l’assemblage : apporter une synergie, une complexité, un équilibre entre les cépages. Pa contre, aller derechef à la recherche des cépages qui composent un assemblage est une erreur. Alain Raynaud  a titillé aimablement un sommelier : « Avez-vous déjà dégusté du cabernet-sauvignon pur ? Ce n’est pas toujours très drôle vous savez » !
 

 Le lien Internet : www.bonvin1858.ch

 

Suite à cette dégustation, un repas nous a été offert au restaurant Anne-Sophie Pic, hôtel Beau-Rivage Palace de Lausanne, en voici trois photos, juste pour vous donner envie :

La féra du Léman et le foie gras de canard

La féra du Léman et le foie gras de canard


La cuisse de canard confite lentement

La cuisse de canard confite lentement


Le Chocolat Guanaja

Le Chocolat Guanaja