LA VITICULTURE VALAISANNE, DE MAURICE TROILLET A ERIC LEHMANN.

La première chronique de Xavier Bagnoud sur vinsconfederes.ch !
Ce texte écrit en 2002 (!) a été publié dans le journal Le Nouvelliste en son temps, mais il reste d’une brûlante actualité.
En bas de page, sous la photo d’illustration que j’ai jointe, vous trouverez deux textes libres -empruntés via un moteur de recherche- sur Maurice Troillet et Eric Lehmann.
Laurent Probst
 
« Ces dernières semaines, les éditorialistes de la presse suisse ont été unanimes pour mettre le doigt sur les carences notre viticulture. Cette contre publicité peut être estimée à plusieurs centaines de milliers de francs en termes de rattrapage image. Après le tollé mémorable et contre-productif qu’avait engendré le départ du Directeur de Provins en automne 2000, il est étonnant de constater que le faux pas se répète à peine dix-huit mois plus tard lorsqu’il s’agit de planifier la diffusion du même type d’information. M. Lehmann quittera le Valais certainement attristé de cette tendance autodestructrice où personne ne s’aperçoit qu’il est en train de se gausser de son propre sort.
Le monde du vin valaisan est passionnant et passionné mais les structures qui le régissent sont désormais obsolètes. Le rapport MIS Trend et les centaines de milliers de francs dépensés sont désormais bien loin. On croit aux bienfaits salvateurs du réencépagement mais le jour où la bouteille d’Arvine se vendra à 6 francs au supermarché il sera bien trop tard pour établir des règles. Un bref état de la situation devrait permettre de tirer la sonnette d’alarme.
Voici quelques exemples de problèmes à résoudre sans bourse délier. Premier cas, il est aujourd’hui acquis que l’interprofession ne s’entendra jamais sous sa forme actuelle et que seul le consensus restera le maître mot à bord. Comment mettre d’accord un négociant en vins avec un vigneron travaillant depuis 5 ans à pertes, un Directeur de coopérative avec un propriétaire-encaveur ? Pour mettre sur la table d’autres cas il suffit de se rendre à Zürich pour constater que les bars ou restaurants à la mode ne proposent aucun vin suisse en crus au verre. Une discussion avec les responsables de ces établissements permet de se rendre compte que l’image de nos vins auprès de leur clientèle n’est plus au firmament et nous en sommes les responsables. En effet, notre AOC a démontré l’étendue de ses limites et il est urgent de prendre des mesures efficaces pourtant connues de tous. Comment expliquer à nos clients et aux consommateurs qu’il est exact que nous sommes le dernier pays au monde à autoriser l’ouillage de nos vins avec des crus étrangers, que les prix de nos bouteilles ne peuvent se comparer dans le monde disparate mais également unique du flaconnage en 70 ou 75 cl et qu’un client achetant du Fendant à l’hypermarché de Bâle ne peut pas savoir dans 80% des cas si la bouteille a été mise à la propriété ou à Pratteln.
Comment communiquer sur le produit Fendant AOC sans autres références que le prix unitaire qui s’échelonne de 3.80 à 15 francs ? Comment persuader les gens d’acheter nos crus quand on sait que le budget marketing de l’OPAV sensé promouvoir le 100% de notre AOC est plus de deux fois inférieur à celui de Provins qui couvre un quart de l’appellation ? Si on rajoute à cette situation la concurrence intolérable du marché gris et la mise sous perfusion de surfaces viticoles inadaptées en plaine ou à trop haute altitude, on s’aperçoit que les études de cas sont si vastes qu’au moins une fois l’intérêt de chaque acteur est touché. On décide alors par consensus que le statu quo est préférable et qu’il n’est finalement pas nécessaire d’éviter l’iceberg !
Pourtant nos atouts sont nombreux et on les cite régulièrement. En Valais, il existe peut-être un homme politique suffisamment fédérateur et courageux pour amorcer une nouvelle ère. Qu’il se fasse connaître car la concurrence étrangère s’est déjà dotée des armes qui nous font défaut. Un Maurice Troillet, s’il ne peut plus rien pour nous, pourrait au moins inspirer l’une ou l’autre de nos futures initiatives car depuis qu’il n’est plus, pas grand chose n’a changé ».
Xavier Bagnoud, Leytron.Petite Arvine sous huit francs

Maurice Troillet
Le 20 août 1961 décède à Lausanne un homme qui aura marqué l’histoire du Valais. Maurice Troillet, conseiller d’Etat de 1913 à 1953!, a tenu fermement les rênes du département de l’intérieur. Conservateur, mais progressiste (quel paradoxe!), il fut certainement l’homme politique le plus visionnaire du XXème siècle en Valais.
Son chef d’oeuvre restera la correction du Rhône et l’assèchement des marais de la plaine. Mais la fondation des écoles d’agriculture de Sion et de Viège, la loi sur les routes qui permit le développement des vallées ainsi que les multiples fondations d’associations et de coopératives pour améliorer et écouler les produits du terroir, font de Maurice Troillet un monument valaisan.
 Il initia d’ailleurs la fondation des caves coopératives PROVINS VALAIS en 1931.
 Après son retrait du Gouvernement, il ne resta pas inactif. Il fut la cheville ouvrière du Tunnel du Grand-Saint-Bernard. Il balaya toutes les oppositions, malheureusement, il mourut avant l’achèvement des travaux en 1964.
 
Eric Lehmann  est juriste, journaliste et écrivain.
Licencié en droit, diplômé en gestion d’entreprise, journaliste inscrit au registre professionnel après un stage en radio, il fait ses débuts en télévision au département d’actualité avant de devenir Grand reporter puis présentateur vedette du Journal télévisé. 
En 1985, il prend la tête du Journal « La Suisse », grand quotidien aujourd’hui disparu.
En 1990, il est éditeur délégué de La Tribune de Genève puis, appelé par le Conseil fédéral helvétique, il est promu à la présidence de la Radio télévision suisse qu’il dirige durant onze ans, tout en créant, à la fin des hostilités et dans un climat particulièrement difficile, avec l’aide de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), la Radio-Télévision du Kosovo (RTK).
De 2001 à 2002, il tourne pour un temps le dos aux médias et prend la tête de la plus grande coopérative viticole de Suisse soit PROVINS VALAIS.
Puis le Conseil d’État vaudois en fait son directeur de la police. Il créé l’Académie de Police de Savatan. L’expérience va tourner court après sept années ; croyant fermement à la réforme de la police vaudoise, il se heurte à l’avis totalement opposé de sa ministre de tutelle. Il quitte la branche sécuritaire en 2009 avec regret.
Il crée le cabinet de conseils, Lehmann & Partners, spécialisé en communication stratégique et en sécurité. Revenant au journalisme pour ce qu’il nomme : « La passion d’une profession altérée et bientôt disparue. » il est le cofondateur du site Wikiswiss.ch et son épouse est la fille d’un magnat de la presse coréen.