La dégustation des vins effervescents suisses, l'analyse d'Yves Paquier. (II)

Une dégustation de l’ampleur de celle qui s’est déroulée au Château de Colombier ne permet pas forcément un classement affiné par échantillon. Ce n’était pas le but, mais elle nous autorise à mettre en évidence quelques points.

Constatons d’abord que le nombre d’échantillons présentés 83, est significatif de l’extension de la part des effervescents dans la production vinicole helvétique. A cet effet depuis quelques années on trouve sur les prix courants de plus en plus de propositions portant sur l’effervescent de la production maison.

Autres constats : d’une manière générale les vins millésimés proposent des niveaux qualitatifs plus élevés, alors que les génériques peuvent se montrer décevants. On a relevé souvent que le vin de base présente des lacunes, par surmaturité principalement ou simplement par qualité très moyenne. La méthode de prise de mousse n’est pas forcément un critère absolu. On trouve aussi bien de la » cuve close » ou de la » méthode traditionnelle » sans que la différence soit forcément perceptible en première dégustation. Quelques « mousseux issus de gazéification passent bien l’épreuve. Relevons toutefois que la méthode traditionnelle est un plus qui en appui à un produit de haute qualité vineuse lui confère souvent un niveau supérieur.

Ce bref aperçu implique quelques remarques. La première est que le fait de vinifier des effervescents n’est pas la bonne option pour écouler les vins les moins qualifiés. La mousse ne masque pas les insuffisances. Le processus de vendange est spécifique il demande aux producteurs de raisins de s’y attacher au risque de proposer des matières dépourvues des qualités de fraîcheur nécessaires à l’élaboration des effervescents Le choix des cépages peut être révélateur d’une identité mais aussi d’une application favorable à ce type de vinification. La bouche doit percevoir une vinosité et une structure qui ne se cachent pas derrière la mousse.

Comme indiqué plus haut on ne fait rien de bien avec peu de chose. Une dégustation comme celle de Colombier doit permettre des réflexes de remise en question, des interrogations et pourquoi pas une mise en commun sous forme de formation ou d’assises autour de l’effervescence en Suisse.

On peut aussi dans une mesure de lisibilité pour le consommateur se doter d’une dénomination identitaire commune semblable à celle de Crémant qui est adoptée par la France et le Luxembourg.

L’engagement du dégustateur consiste à participer à l’évolution d’un produit et non d’être un censeur. Naturellement la détection des problèmes fait aussi partie du cahier des charges. Seul le partage et les échanges avec les producteurs permet, non pas une confrontation mais bien une volonté solidaire de partager une passion au service de notre viticulture et de son avenir.

Yves Paquier

Yves Paquier est jury dans de nombreux concours internationaux, mais aussi formateur, ancien trésorier de la FIJEV.