La dégustation de vins effervescents suisses : des bulles à la fête. (III)

Au coeur de cette série de quatre articles sur cette dégustation, il était normal de communiquer nos impressions sur les vins qui auront le plus récolté de « suffrages » auprès de notre jury de douze dégustateurs.
Nombre des vins reçus sont fidèles aux deux principaux cépages de la Champagne que sont le pinot noir et le chardonnay. Parmi les autres cépages rencontrés au cours de cette dégustation il a -je les citerai tous : le kerner, l’amigne, les pinots blanc et gris, le raüschling, le gamay, mais aussi le merlot, le chasselas, le garanoir, doral, le savagnin blanc, le riesling-sylvaner, la petite arvine, l’humagne blanc, l’humagne rouge, la syrah, le gewurztraminer.
En mono-cépage ou en assemblage.

L’élaboration d’un vin mousseux à partir de vins issus de plusieurs millésimes ne semble pas être de mise aujourd’hui en Suisse. Cela n’a jamais été précisé dans les courriers et courriels reçus des vignerons. C’est dommage, car un BSA (brut sans année) peut offrir à la fois complexité et régularité et surtout il est plus à même de posséder son propre style.
Vin mousseux, vin effervescent, méthode traditionnelle, spumante, schaumwein, crémant, vin pétillant : que de noms différents. Il ne manque que « sparkling wine » pour faire le tour de la question !
La proposition d’Yves Paquier « d’installer » ce type de vins dans une seule dénomination -quand cela est possible- ne manque pas d’intérêt et surtout de logique, si l’on tient à conquérir des parts de marché dans un autre canton ou région viticole du pays.

Que pouvons-nous dire de cette dégustation ?

Que les vins millésimés se sont clairement mis en exergue. Ce n’était pourtant pas la catégorie la plus représentée. Les caves qui ont fait ce choix semblent avoir vu juste. Outre le fait que ces vins ont été réalisés sans l’ombre d’un doute à partir d’un vin de base adapté, ils ont bénéficié d’un élevage sur lattes pour s’affiner et se complexifier.

Mais plus d’un vin « Brut » s’est montré très intéressant d’un point de vue qualitatif. D’ailleurs, les deux Champagne (BSA) servis en pirates n’ont pas réussi à tirer leur épingle du jeu et sont restés anonymes jusqu’au dévoilement de leur nom.

Quelques vins rosés étaient remarquables : le Brut Les Romaines des Frères Dutruy aura impressionné l’ensemble du jury par ses qualités. La Cuvée Regina de la cave Besson-Strasser à Uhwiesen (ZH), la Cuvée Prestige de la maison Thiébaud (Bôle, NE) ont également été fort appréciées.

Cuvée Regina, 100 % noir, prise de mousse en bouteille, après 09 mois sur lattes, remuage manuel et affinage dans les caves

Cuvée Regina 2011 : 100 % pinot noir, prise de mousse en bouteille, après 09 mois sur lattes et remuage manuel, puis affinage en cave. Label Demeter pour cette cave du nord de Zürich en prime !

Si on y regarde d’un peu plus près, canton par canton :
De fort belles surprises au Tessin dont les vignerons et cave ont envoyé une dizaine de cuvées différentes.
La cave Delea a très bien sorti son épingle du jeu avec ses trois cuvées, toutes appréciées. Notons l’originalité de la fermeture des bouteilles avec une « agrafe » et non pas un muselet (voir photo). Belle cuvée également que la cuvée Sottosapra 2010 de chez Gialdi Vini.

Sans doute les vins effervescents tessinois sont-ils très influencés dans leur élevage par celui des vins de merlot. Ils avaient sans aucun doute les élevages les plus ambitieux, parfois desservis par un élevage sous bois trop appuyé, mais les vins de base semblaient posséder une bien jolie matière adaptée à des vins effervescents. Cela aura été le cas des trois cuvées de la cave Crivelli & Bonato, qui est une cave tessinoise qui ne produit que des vins effervescents. Leur troisième cuvée, Le Spumante Rosé, dégorgée spécialement un mois avant notre dégustation (merci !) n’avait pas encore trouvé son point d’équilibre. Je dégusterai la seconde bouteille envoyée plus tard, si possible avec des membres de notre jury automnal. A suivre en tout cas, car au-delà de « l’ambition » dans l’élevage des vins, il y a aussi un savoir-faire patent. Un nom à retenir !

Du côté des caves neuchâteloises et du Vully :
Les deux maisons neuchâteloises spécialisées dans l’élaboration de vins mousseux que sont Mauler et Thiébaud ont su se mettre en évidence, la première avec deux de ses vins millésimés (la cave a eu la gentillesse de nous offrir quatre cuvées de sa gamme) : les cuvées Excellence Brut 2009 et Louis-Edouard Mauler. La seconde, avec ses deux cuvées Prestige Louis Thiébaud Brut  et Rosé Brut.

La cuvée Bouvier Brut de la cave Chatenay-Bouvier à Areuse s’est elle aussi montrée à son avantage, et pas uniquement en raison de l’anecdote notée sur la contre-étiquette (Jackie, l’épouse du président américain JF Kennedy est née Bouvier, cette cuvée a été servie lors de leur mariage).

J’ai bien aimé également la cuvée Champ-Mont de la cave du Prieuré de Cormondrèche, très équilibrée et d’une fort belle finesse. L’Oeil-de-Perdrix mousseux de la même cave a été bien apprécié par le jury, pour sa qualité de bouche et sa vivacité, mais le fruité apparaissait de façon un peu trop discrète.

Dans le Vully, la cuvée Symphonie de Morat Brut de la cave du Vieux Moulin d’Alain Derron à Motier (FR) a également été très appréciée. Manque de chance pour le Vully, deux des cinq vins reçus ont eu un souci de bouchon, et, hélas, nous n’avions pas de deuxième bouteille pour les réévaluer.

Parmi les vins valaisans, voici les cuvées qui ont le plus séduit le jury : l’Amignonne de la Cave du Vieux Moulin de Romain Papilloud, Vida Loca Brut de la cave des Bains (a contrario, le même vin de base auquel une liqueur d’expédition importante a été apportée s’est montré bien moins intéressant), et il y avait aussi la cuvée Fruit Noble de la cave du Chavalard (cuve close), la cuvée Clair Désir de Frédéric Zufferey et de Charles-Henri Favre (Chippis) et aussi la cuvée Brut, Edition I, du Clos de Tsampérho.

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Les vins vaudois représentaient rien de moins qu’un tiers des vins présents (27 sur 81 cuvées suisses) !  Et nous n’aurons pas eu le plaisir de déguster un vin de la cave du spécialiste reconnu qu’est Daniel Marendaz (à Mathod).

La cuvée Auguste Chevalley de la cave Cidis s’en est d’autant mieux tirée qu’elle a eu le difficile privilège d’être le premier vin de notre journée, chose jamais facile.
La cuvée Millibulle du Domaine de Marcellin (brut), la cuvée Clos de St-Bonnet de Jean-Jacques Steiner, très élégamment habillée au passage, dans une livrée digne d’un grand Champagne. La cuvée légèrement douce Eclypse du Domaine d’Aucrêt (Epesses), la cuvée Perle de Lavaux du Domaine Génévaz (Grandvaux), bien que péchant un peu par son manque de vinosité en bouche, ne manquait toute fois pas de finesse et d’expressivité.

Il y a eu aussi le Blanc de Blanc de l’Association Viticole d’Yvorne, un pur chasselas, un peu fermé au nez mais d’une belle présence en bouche, le rosé du Château d’Allaman GC était agréablement expressif, mais l’on en attendrait un peu plus de complexité et de finesse en bouche, ce que le Rosé Brut Les Romaines des Frères Dutruy (Founex) semblait posséder. Cette dernière aura été certainement l’une des cuvées parmi les plus appréciées du jour.
Sans oublier la cuvée Brut de Philippe Bovet (Givrins) très complète, le Brut 2011 du Château de Rochefort (domaine de la ville de Lausanne), et la cuvée l’Apex 2009 de la cave La Colombe de Raymond Paccot (Féchy) d’une grande finesse et d’une très belle fraîcheur.

Parmi les six cuvées genevoises, deux vins millésimés : la cuvée Grande Réserve 2009 du Domaine des Bossons, fraîche et fruitée, de belle persistance, et la cuvée Genevoisie 2009 du Domaine des Perrières, d’une belle densité en bouche soulignée par une bonne tension, avec une jolie finesse.  Ces deux caves se trouvent à Peissy.DSC_0480
Les vins mousseux contenant des sucres résiduels ont globalement déçus. A leur décharge, ils ont été présentés au terme de notre exercice, alors que la fatigue se faisait déjà sentir. Ne jetons surtout pas le bébé avec l’eau du bain. Je ne serai pas surpris que plusieurs de ces vins trouvent grâce à nos papilles dans des conditions différentes. J’en veux pour preuve un vin mal apprécié par le jury, qui s’est révélé de façon bien plus convaincante voici quelques jours à la maison, la cuvée Fantaisie de Nicolas Bovet et de Yann Morel (Arnex-sur-Orbe). Ce vin de gamay, vinifié tel un Cerdon (couleur rosée, titrage alcoolique de 08°, petite douceur finale), s’est vraiment montré plus fruité, fin et équilibré dans une flute d’un autre verrier à la maison. DSC_0040
Ce qui appelle un nouvel élément de réflexion : le choix du verre ! Si notre jury a été très satisfait par la flûte Atelier prêtée par Univerre, c’est un fait.  il ne faut pas perdre de vue que le verre universel n’existe pas. D’autres cuvées reçues en double seront dégustées prochainement ainsi que je viens de le faire avec la cuvée Fantaisie. Je vous ferai part de celles qui m’ont plu à l’occasion.
Enfin, il s’agit certes d’une petite minorité de vins parmi les cuvées dégustées : certains vins semblent avoir été réalisés avant tout pour être sur une carte où ils faisaient encore défaut.
Parmi les vins qui auront clairement déçus d’un point de vue gustatif, soit le vin de base ne semblait pas propice à l’élaboration d’un vin mousseux par une maturité trop importante des baies, soit -c’est une piste de réflexion- en raison d’un pressurage des baies mal adapté, qui aurait éventuellement conservé la totalité des jus au lieu d’en éliminer la seconde voire la troisième partie.

Le flop : L’association faîtière de coordination des offices viticoles cantonaux alémaniques qu’est la Branchenverband Deutschschweizer Wein, n’a ni répondu à nos sollicitations, ni transmis notre demande auprès de ses membres.
Nous aurons donc obtenu que seulement trois cuvées de Suisse Orientale grâce à nos contacts avec deux vignerons zurichois et des Grisons sur un réseau social.

Je renouvelle tous mes remerciements envers ceux qui auront permis la concrétisation de cette dégustation, en premier lieu les vignerons et les caves qui nous ont adressé leurs bouteilles.

Les autres articles en ligne sur cette dégustation sur le blog :

Un Tour de Suisse des vins effervescents confédérés (I)

La dégustation des vins effervescents suisses, l’analyse d’Yves Paquier. (II)

Dégustation de vins effervescents suisses en 83 chapitres. (IV)

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