A la Cave des Rois de Marco et François Grognuz, bon sang (bleu) ne saurait mentir !

La Cave des Rois se trouve à Villeneuve, dans le Chablais vaudois. Ici, on peut encore se croire encore en Lavaux. La commune et son vignoble font face au lac.  Le vignoble soit en terrasses, soit très pentu, est particulièrement morcelé. Celui qui aura emprunté ne serait-ce qu’une seule fois la corniche de l’autoroute du Léman, au sortir du tunnel de Glion, pour se rendre en Valais ou en Italie l’aura remarqué ! Sauf si la neige est de la partie le jour de votre passage dans la région :VilleneuveAinsi qu’il aura remarqué la triste zone commerciale en plaine et ses enseignes géantes. Impossible par contre d’apercevoir la commune de Villeneuve depuis l’autoroute. Pourtant le vieux bourg semble bien conservé et posséder du charme et quelques atouts. Mais ici, à l’extrémité Est du Léman, le panorama vers le lac et les Alpes françaises est grandiose et détourne aisément le regard vers l’horizon. Quant à certains couchers de soleil …voyez par vous même :

(crédit photographique : www.myswitzerland.com)

Marco Grognuz gère ce domaine avec son fils François. Il l’a créé en 1969 et n’a cessé de l’améliorer et de l’agrandir par touches successives.
Le vignoble de 16 hectares couvre trois appellations. Deux sont vaudoises : Villeneuve et St-Saphorin, la troisième est valaisanne et située sur le cône de déjection des Evouettes et concentre trois quarts du domaine viticole. Notons que la commune de Port-Valais où se trouve le vignoble des Evouettes évoque deux vignerons vaudois sur les trois cités sur son site internet. Enfin, « les » Grognuz possèdent également une vigne à Fully, où ils ont planté -bien évidemment- de la Petite Arvine.
Trois hectares se trouvent à proximité immédiate de la cave, à Villeneuve (du chasselas principalement et pinot noir). A St-Saphorin, du chasselas bien sûr, mais aussi de la syrah. Marco Grognuz a obtenu une autorisation de plantation pour celle-ci auprès de l’OFAG à Berne. Une condition stricte à cette idée novatrice (il y a plus de 20 ans) : planter les ceps le long des murs. Ce qui relevait de toute façon de la volonté du vigneron. Il m’a confié avoir vu les raisins de chasselas de ces emplacements mûrir précocement et même y griller, d’où l’idée d’y planter de la syrah …pour voir comment elle s’y comporterait ! Ce qui fût fait avec 1500 pieds de vigne.
 
Dans la cave, nous aurons dégusté des vins en cours d’élevage, prélevés à la cuve ou au fût. Parmi les vins blancs, si les trois cuvées de chasselas sont vinifiées en cuve inox et font systématiquement les deux fermentations, il n’en est pas de même avec les vins blancs des spécialités, qui sont vinifiés en fûts de chêne. Ces vins ne font pas leur malolactique. Les élevages en barriques sont relativement courts puisqu’ils durent quelque huit mois.
Parmi les chasselas, celui de Villeneuve montrait une dynamique différente par rapport aux deux autres, en étant plus présent d’un point de vue aromatique, et semblant avoir une bouche plus grasse. Mais tout ceci est une expérience difficile, les vins étant très froids (la cave et les vins affichant 02° C).
Le chardonnay dégusté montrait de la richesse, un bel équilibre en bouche et une rectitude de bon aloi. Le vin ayant été récemment transvasé, le boisé apparaissant plus marqué. Marco Grognuz m’assurant que c’était tout à fait transitoire. Seule une barrique sur les sept utilisées est neuve, les autres sont donc de 2e ou de 3e vin.
Les autres vins blancs élevés en barriques sont le viognier, le sauvignon blanc et la petite arvine. Belle typicité pour l’un comme pour les autres, avec une petite préférence pour le caractère du viognier peut-être, un vin que je qualifierai de sensuel, et qui m’a beaucoup plu. Mais les vins ont quatre mois seulement ! Les vins de spécialité ne sont pas levurés contrairement à ceux de chasselas.
Changement de cave. Elle est plus chaude, mais on ne retire pas sa veste et le chandail pour autant. Désormais, nous allons déguster les vins rouges. La malo semble débuter pour certains vins.
Nous débutons par deux barriques de pinot noir. Dans le premier cas, il s’agit d’une cuvée issue de deux clones différents. L’un, à partir de prélèvements réalisés sur des ceps du Clos de Vougeot, l’autre est la variété dite Cortaillod. J’aime bien ce vin. Belle robe, des arômes nets, précis, intenses, une bouche bien définie. Sang bleu ? Il porte bien son nom.
Mais voila qu’arrive le second vin de pinot noir, produit dans une seule barrique. Ce vin est né de ceps issus du clone 113 (15), celui qui a été prélevé dans le Clos de Vougeot. Un monde de différences s’ouvre devant moi. Une expression d’une grande pureté, de race, de profondeur véritablement enchanteuse. Du coup, je suis peut-être un moins réceptif un petit moment. Attention, je ne crois pas que cette cuvée restera séparée des autres fûts jusqu’à la mise en bouteille, où alors seulement quelques bouteilles pour le vigneron.
Nous allons pourtant déguster deux vins de syrah. Les Evouettes et de St-Saphorin, un vin évoqué plus haut par son caractère innovant en Lavaux, ayant acquis avec le temps une notoriété certaine auprès de nombre d’amateurs de ce cépage, mais aussi en raison de sa troisième place sur une quarantaine de crus internationaux du millésime 2001 lors d’une dégustation du Grand Jury Européen de François Mauss. C’était en 2007. Les ceps de syrah de la Cave des Rois proviennent d’une sélection clonale venant de Côte-Rôtie.
La gamme des vins rouge est riche et variée, car nous dégustons également un assemblage Trilogy dont la base est le cabernet-franc (pour 50 %), et deux millésimes de cornalin : 2012 puis 2011 (ce dernier sera mis en bouteille en mars). L’occasion pour Marco Grognuz de rappeler que ce cépage n’autorise aucun travers : taille sévère à la vigne, il requiert moult soins pour donner le meilleur de lui-même. Les rendements sont sévèrement maitrisés. Pour l’ensemble des spécialités, ils sont le plus souvent de l’ordre de 500 gr au mètre carré, jusqu’à 700 gr maxi. A propos des vignes, le véritable outil de travail des Grognuz, elles sont conduites selon les directives de la production intégrée. Les sols n’ont connu aucun engrais ni pesticide depuis une vingtaine d’années.
Nous ne quitterons pas la cave avant d’avoir dégusté un vin muté de gamaret 2009 -qui patiente gentiment dans sa barrique à la recherche de son équilibre et d’avoir acquis la patine voulue, et un vin liquoreux des Evouettes, un assemblage de gewurztraminer et de viognier. Les notes de coing et de cire sont très intenses, les notes florales typiques du gewurztraminer peinent à y trouver leur place aujourd’hui. La robe est d’un très bel or, quant à la bouche, je l’ai trouvée à la fois dense et fraîche, équilibrée et sans lourdeur. Il nous arrache des sourires sans le moindre effort ce vin !
Le regard ouvert sur le monde.
Mon hôte travaille avec son fils François à la Cave des Rois. Il a su garder un oeil bien ouvert sur la production viticole suisse et européenne. Avec des amis, il s’offre une fois l’an une escapade viticole de plusieurs jours dans le Vieux Continent. Les vignobles allemands semblent à ce jour être parmi les seuls qu’il n’ait pas encore visités.
Par contre les vignobles de Californie n’ont guère de secret pour lui. Il y séjourne deux semaines tous les ans, pour y retrouver sa fille, son gendre (il est « dans » le vin également) et ses petits-enfants et retrouver des collègues vignerons et déguster leurs productions.
J’adresse à Marco Grognuz tous mes remerciements pour son accueil et le temps qu’il m’a consacré, et je le remercie également pour sa patience à m’avoir attendu (les conditions de route étaient très compliquées et m’auront mis bien en retard).
 
Marco Grognuz et son fils François vous reçoivent volontiers sur rendez-vous.
Si la cave se trouve à Villeneuve, le caveau de dégustation se trouve à La Tour-de-Peilz.
Toutes les informations de contact (téléphone et fax, Natel(s), mail(s), la liste et le prix des vins) sont disponibles sur le site Internet dont voici le lien :

 www.cavedesrois.ch