La Clef des terroirs de Guillaume Bodin : un manifeste pour l'agriculture et la viticulture biodynamiques !

 
La biodynamie est une réflexion récente (du début du 20e siècle) née des réponses d’un philosophe à des agriculteurs qui s’interrogeaient sur l’utilisation des engrais chimiques. Cette réflexion se veut globale, dans le sens où elle positionne la nature au centre d’un ensemble. Un ensemble vivant, un partenaire pour le vigneron ou l’agriculteur, et non pas comme un outil dont dispose à sa convenance l’être humain. Ainsi, l’accent est-il mis sur le besoin d’avoir une plante saine sur un sol vivant.
Dans ce film, la biodynamie est bien évidemment expliquée par des professionnels qui l’emploient. C’est un discours de convaincus qui se veut convaincant !
Les biodynamiciens utilisent principalement des préparations à base de plantes (prêle, ortie, …) et s’interdisent l’usage de produits chimiques. Seuls le soufre et le cuivre (mais à des doses inférieures à celles utilisées par l’agriculture biologique, et à des doses très inférieures à celle de la viticulture dite « conventionnelle) sont admis. Les préparations sont dynamisées, d’où le nom de la méthode. La dynamisation des sols s’effectue aussi avec des matières organiques, telle la bouse de vache. Cette bouse aura été placée préalablement dans des cornes de bovins et enterrée quelques mois durant dans les sols.
Dans « La Clef des terroirs » les propos sont toujours mesurés. Seul un passage sur la vache par Olivier Julien fait sourire. Ce vigneron languedocien fait part d’un certain lyrisme en disant que la vache « pense avec sa panse » et qu’elle réalise ainsi « l’analyse cosmique qualitative des sols ».
Avec beaucoup d’à propos, le montage aura fait dire quelques instants plus tôt à Pierre Masson (un spécialiste en conseils et services en biodynamie de longue date) que les anciens « n’avaient pas forcément besoin de savoir pour comprendre ». L’empirisme n’expliquant certes pas tout, mais l’analyse du paysan pouvant parfaitement le faire progresser et évoluer dans sa démarche.
Le vigneron du mâconnais Jean-Guillaume Bret justifie ses choix de biodynamicien à partir d’une analyse où il reproche « aux anciens » d’avoir perdu leur caractère d’agriculteurs pour être devenus des « supertractoristes » qui répandent des produits chimiques. Pour lui, le retour au vivant de ses sols et de ses sous-sols est le corollaire indispensable à la compréhension des terroirs. Pour cela, les deux frères Bret ont recours au labour à l’aide d’un cheval sur leurs plus beaux terroirs aujourd’hui (et l’espoir de le faire demain pour la totalité de leur domaine).
Peut-être est-ce là aussi l’une des clefs pour comprendre la biodynamie : l’accepter dans sa complexité et sa simplicité sans vouloir en percer les secrets, s’il y en a. Après tout, elle se veut l’alliée du producteur, le vigneron (d’autres pans de l’agriculture semblent être intéressés par la biodynamie, tels le maraichage tout particulièrement.) et donc du consommateur.
Le film est bâti sur des discussions réalisées avec des vignerons. A ce titre, j’aurais un tout petit reproche à formuler : que le choix des vignerons sélectionnés fasse la part un peu trop belle à la viticulture bourguignonne. Alsace et Jura (*) par exemple, ne sont pourtant pas en reste pour ce qui est de la viticulture et de l’agriculture biologiques et biodynamiques.
Les vignerons -tous français, ont été choisis avec soin. Pour parler de la biodynamie, le délicieux mélange de sagesse et de truculence d’un Raoul Cruchon et la passion de Marie-Thérèse Chappaz auraient pu faire mouche également (par exemple, car il y en a d’autres ) ! Mais il n’est pas question de demander la lune, ni même des cycles lunaires pour se faire plaisir et s’instruire aussi en regardant ce film.
La Clef des terroirs est un film documentaire de 82 minutes qui a été réalisé par un jeune homme de 25 ans. Chapeau bas pour son travail précis, didactique et sa passion !
Lien pour acheter le DVD
Le dessinateur Etienne Davodeau a partagé près de deux ans avec le vigneron angevin Richard Leroy. Le résultat, où il est également question de biodynamie parfois, est cette BD : Les Ignorants, récit d’une initiation croisée. A découvrir également. Aux éditions Futuropolis.
Laurent
(*) dans le Jura, les vignerons ont même un Trousseau pour leurs clefs 😉