Fête du beau travail et du (très bon) vin avec Fabio Penta.

Fabio Penta est le vinificateur des vins de spécialités de la maison Hammel à Rolle, au coeur de La Côte, en Vaud. Entré dans cette maison voici 27 ans (!) pour un apprentissage, il y est resté et a gravi bien des échelons puisqu’il en est aujourd’hui le maître caviste. Il vinifie quelques trois cent mille kilos de raisins principalement vaudois (de La Côte bien sûr, mais aussi du Chablais), où valaisans (Domaine de La Muraz, à Sion, un domaine qui se situe à proximité du lac de Montorge à Sion). il oeuvre au sein d’une entité de petite taille au coeur d’une grande maison (70 ha en propriété entre les différents propriétaires et près du triple avec l’achat de raisins).
Vins de spécialités ? La liste peut être longue… Mais cela veut dire également des vins de chasselas. En ce onze avril nous avons dégusté deux. En novembre passé, lors de la finale du Grand Prix des Vins Suisses, trois des six vins de chasselas qualifiés en finale avaient été vinifiés par Fabio. Dont le vainqueur !
Aujourd’hui -11 avril 2012- nous dégusterons treize vins : un valaisan, quatre de La Côte, et huit du Chablais vaudois. Une majorité de ces vins sont issus du millésime 2009. La plupart des vins proposés étaient des vins rouges.
 
Les deux chasselas proviennent de La Côte :
Mont sur Rolle, Domaine de Crochet 2011 : un vin au Co2 assez marqué. La mise en bouteille a été faite voici moins d’un mois. Un chasselas fruité, sur les fruits jaunes, la pêche tout particulièrement. De belle intensité. En bouche le vin est fin, élégant, sur une trame grasse, de bonne longueur. Un joli flacon, dans un registre de vin d’apéritif (on l’imaginera aussi avec une fondue moitié-moitié sans grand peine).
Féchy, Domaine de Fischer 2011 : Le premier nez est plus retenu que pour le vin du Dom. de Crochet. Le registre est surtout floral. En bouche, beaucoup de finesse et de fraîcheur, ce chasselas est droit et long, élancé. Un vin de gastronomie, au caractère presque altier. Plus tard, nous dégusterons le millésime 2010 (finaliste au GPVS 2011) avec des filets de perche, un accord classique mais ô combien « performant » car l’équilibre entre les deux produits est parfait.Dans ces amphores, le chasselas du  cru L’Ovaille à Yvorne. Une cuvée que nous n’aurons pas dégusté ce jour. L’an passé à Zürich, ce vin -2010- avait montré beaucoup de race et de gourmandise.
 
Ermitage La Torrentière 2009 Sélection Charles Rolaz. C’est un assemblage de marsanne et de roussanne. Voici donc le vin valaisan de cette série. Élevage de 13 mois en barriques. Un Ermitage avec une bien belle attaque et une très agréable acidité en bouche (2eme fermentation réalisée partiellement). En bouche voici un vin riche et frais, gras, long vraiment très équilibré. Le boisé est fondu, parfaitement intégré donc. En finale, la sapidité du vin est accentuée par une petite touche saline. Fort belle longueur. Un bel Ermitage et un vrai vin de gastronomie.
 
Les terroirs vaudois sont propices au cépage merlot !
Mais est-là une grande découverte ? Pas vraiment. Plus d’un vin de ce cépage déjà dégusté m’a permis de me faire un petit avis sur la question. Tout récemment, la revue Le Guillon a réalisé une dégustation d’une cinquantaine de ce crus, tous vaudois bien évidemment ! Pour découvrir cet article, rendez-vous chez un vigneron vaudois ou abonnez-vous !
Chez Hammel vins, les vins de merlot et leurs terroirs sont au nombre de quatre ! Chaque cuvée est produite dans un volume de près de 5000 bouteilles, à l’instar de la plupart des cuvées haut de gamme de la maison. Ce qui n’en fait pas des vins à proprement parler confidentiels et encore moins promis à une large distribution (outre la clientèle privée, ces vins sont réservés par la restauration -souvent de très bon niveau.
Dom. Du Crochet (Mont-sur-Rolle) 2009 : Ce vin est le premier merlot de la cave Hammel. Il a été planté sous l’impulsion de Monsieur Charles Rolaz, l’un des deux propriétaires de cette cave. Il s’agit de la première cuvée de merlot vinifiée par Fabio (en 1999), de quoi lui permettre d’avoir aujourd’hui un certain recul sur le potentiel du cépage dans la région de La Côte, et aussi de bien connaître le cultivar à la vigne. Rendements faibles : un mètre carré produisant 4dl. Ce vin a élevé en fûts de chêne neufs dans une proportion moyenne (entre 50 et 70 %). Des fûts qui proviennent des tonnelleries Taransaud et François Frères. Pas de filtration durant l’élevage. Ce dernier a duré entre 16 et 18 mois.
Au nez, belle intensité, des notes florales, élégantes et subtiles dominent sans peine celle de l’élevage. En bouche, belle attaque, le vin est puissant, tannique, mais les tanins sont très fins, un peu gras, le boisé est parfaitement intégré. Belle longueur. Un très joli vin dont l’élégance et la fraîcheur au nez se poursuivent en bouche. Un merlot riche et suave, racé et très élégant.
Apicius, Clos du Chatelard 2009, à Villeneuve (Chablais vaudois) : c’est le premier millésime de cette cuvée. Nez davantage fermé que pour le vin du Dom. Du Crochet. Notes de cerise noire particulièrement, puissante. En bouche, le vin est plus carré, la puissance n’est pas relative, ce merlot a de la carrure ! Les tannins sont serrés, jeunes, on perçoit une petite sècheresse en finale et une petite pointe d’alcool. Le sol du terroir est caillouteux, très drainant.
Clos de la George 2009, à Yvorne (Chablais vaudois) : le clos de la George est un terroir d’Yvorne qui n’est pas contigu avec les autres de la commune. Le premier millésime de cette cuvée a été vinifié en 2005. Le sol du clos de la George est très pentu, avec une exposition sud-sud-ouest.
Très joli nez, fruité, fin, puissant, avect des notes de pruneau assez caractéristiques du cépage. En bouche, beaucoup d’élégance, de finesse, les tannins n’ont aucune dureté, ils sont ronds et bien serrés. Un vin très équilibré, plus séduisant que flatteur, que j’imagine se marier avec une belle côte de boeuf.
Domaine du Montet 2009, La Lieue, à Bex (Chablais vaudois également) :
Olfaction fruitée puissante sur des notes de cerise rouge dominantes, intenses, mais aussi de prune, ainsi que des notes d’élevage, bien perceptibles mais non agressives. La bouche est tout en finesse, les tanins sont soyeux, l’ensemble est d’une belle richesse lui aussi, mais d’un équilibre remarquable et offre une très belle longueur. Ici aussi, il s’agit du premier millésime réalisé.
 
Avec ces quatre vins il existe une filiation évidente -le style- due à la « patte » du vinificateur-éleveur. Mais les terroirs sont bien présents et ils distinguent agréablement ces quatre cuvées. Le millésime 2009 a permis une maturité optimale des baies lors des vendanges, mais sans faire apparaître un caractère solaire toutefois.Une autre vue des chais de la cave où Fabio Penta élève ses vins.
 
Hypérion 2009, Clos du Châtelard à Villeuneuve : un assemblage des deux cabernets : sauvignon et franc.
Très joli nez fruité ! Très belle note de cerise rouge bien mûre qui domine. En bouche, beaucoup de finesse, attaque franche, trame riche bâtie sur des tanins fins et ronds. Le boisé est parfaitement intégré. Ici aussi un vin très harmonieux, offrant beaucoup de plaisir dès aujourd’hui et au potentiel et de garde évident.
 
Côte Rousse, Dom. du Montet 2009 (Bex) : Un vin d’assemblage, il contient une proportion de syrah élevée mais pas majoritaire (40%), de merlot et des deux cabernets, à parts égales, soit 20 % chacun.
Ici aussi, des notes fruitées dominent, dont les cerises, rouges et noires, de belle intensité, notes subtiles dues à l’élevage. En bouche, la qualité de la maturité des baies est évidente, l’ensemble est harmonieux, fin, équilibré sur une trame à la fois puissante mais ronde. Belle longueur. Un autre très joli vin !
 
Cuvée Charles Auguste 2009 (Dom. de Crochet à Mont-sur-Rolle). Une cuvée d’assemblage que je connaissais déjà, puisque ce vin est l’un des membres de la sélection de la Mémoire Des Vins Suisses. L’an passé à Zürich, lors de Mémoire & Friends, le millésime 2001 m’avait enthousiasmé.Pour ce millésime, la syrah est majoritaire (75 %), le solde étant composé des deux cabernets et de merlot (pour 05 %). Ce vin apparait plus strict que les deux cuvées précédentes, mais la sensation de maturité est présente. Un ensemble offrant de la puissance, avec une belle colonne vertébrale (l’acidité est nette mais parfaitement intégrée et se trouve ainsi au service de la matière en apportant sa part -la fraîcheur- à l’équilibre d’ensemble). En milieu de bouche, les tanins sont perceptibles, fins et gras. Belle longueur. Un vin jeune de beau potentiel, à l’élevage intégré (lui aussi au service du vin), qui se trouve être sur une relative réserve aujourd’hui. Mais c’est un très joli vin !
 
Syrah Clos de la George 2009 : cette cuvée est vendangée chaque année durant le mois de novembre nous dit Fabio, avant les maturités sont insuffisantes.
Olfaction complexe d’épices, de fleurs (violette), du boisé légèrement aussi. En bouche, voici une syrah puissante, concentrée, avec des tanins fins et gras. Un vin riche, équilibré et long. Pour cette cuvée, moins de bois neuf (entre 40 et 50 %), et un élevage dans des barriques de 350 litres.
 
Quintessentia 2009, Dom. du Montet (Bex) : Fabio nous dira avoir voulu réaliser avec ce vin un « Amarone de Bex ». Les baies ont été passerillées dans des cagettes avant préssurage. Cette cuvée n’est pas réalisée tous les ans (elle a été réalisée par exemple en 2007 et 2009). Deux ans d’élevage en barriques suivis de six à huit mois d’affinage en bouteille avant d’être mise sur le marché.
La base de cet assemblage est les deux cabernets. Il y a aussi d’autres cépages, non dévoilés, chaque vinificateur a ses petits secrets.
Nez très frais, à la fois floral et fruité (notes de petits fruits rouges), de noyau de fruit aussi. Petit soupçon de volatile. En bouche, le vin est riche mais frais, sans lourdeur, les tanins sont souples mais concentrés, au gras bien enrobé. Ce vin est puissant, harmonieux, long, l’alcool (16,4°) est d’une discrètion totale, preuve s’il en est que ce vin est très équilibré.
 
Chardonnay en vendanges tardives 2007 du Clos du Chatelard :
Ce vin fait partie de ces micro-cuvées de 40 litres que Fabio vinifie. Dans cette VT, il subsiste 150 gr de sucre résiduel.
Très belle robe or, étincellante. Olfaction intense et complexe, avec des notes de coing, d’ananas, de pâte de fruits. En bouche, l’attaque est franche, la bouche est ample mais surtout tonique. Ce chardonnay surmaturé possède une très belle acidité, elle aussi parfaitement intégrée dans la matière. Beaucoup de fraîcheur et de finesse, quant à la longueur, nous avons eu droit à une queue de paon, sur laquelle nous avons eu aussi un superbe retour de la note d’ananas. Voici donc un très beau liquoreux, dans un registre cristallin, pour ponctuer une remarquable dégustation.
 
En guise de conclusion, et sans vouloir verser dans un angélisme à la Peter Pan, Domaine de Crochet ou pas, Fabio Penta fait en terres vaudoises de la haute couture vigneronne. Merci à toi pour cette très bon moment et ces belles découvertes.
Laurent