Visite à l'espace Provins et rencontre avec Madeleine Gay

Qui ne connait pas le fameux : « Quand Renault éternue, c’est toute la France qui s’enrhume » ?
Peut-on dire de même en Valais de Provins, où le « poids » de la coopérative viticole est considérable ? Ce n’est certes pas évident -ni capital je vous l’accorde, mais ce parallèle me parait somme toute assez pertinent, d’un point de vue historique et économique.
Plus d’une fois, des vignerons-encaveurs m’ont demandé de m’intéresser davantage à la coopérative, ce qui montre le respect qu’ils ont envers elle. Certains marquent longtemps à l’avance les VAQ (ventes à quais) qu’elle organise dans leur agenda, et surtout, s’y rendent.
Provins, c’est plus de 4200 sociétaires, une surface de vignes en Valais qui frise le quart de la superficie totale (1200 ha!). Provins, c’est m’a t-on dit sur place, quelques dix millions de kilos de raisins annuels de vendange !
En l’espace d’une génération, où à peine plus, les spécialités (cépages autochtones ou non, comme la petite arvine, le cornalin, la syrah …la liste de ces cépages est longue !) ont pris, un peu partout en Valais, pas seulement dans le monde coopératif un essor considérable. Ce qui me parait impressionnant de remarquer, c’est que la coopérative ait réussi ce virage dans le même temps que les autres acteurs de la filière, en dépit de sa structure colossale à l’échelle viticole de la région. Preuves que certains désavantages apparents peuvent être transformés en atout.
Comment cela a t-il été rendu possible ? Les réponses sont multiples sans l’ombre d’un doute. Néanmoins, une personne est indissociable de cette réussite :

l’oenologue Madeleine Gay.

 
 Je la cite : « Provins, c’était 50.000 kilos de raisins de spécialités quand j’ai débuté en 1980-1981. Aujourd’hui, ces spécialités représentent 15 % du total des vendanges de la coopérative ».
L’implication et la passion de Madeleine Gay en faveur des cépages régionaux, est un élément important dans la progression de ces cépages au sein de la coopérative.
 
 
Je viens de quitter Marc Alban et Hans-Peter Schmidt du domaine Mythopia (voir article précédent). Je suis désormais dans l’espace de dégustation et de vente PROVINS, rue de l’industrie à Sion. J’ai quitté une équipe qui aura vinifié l’an passé 85 hectolitres, pour rencontrer Madeleine Gay la vinificatrice des spécialités d’une coopérative qui vinifie 10 % des vins suisses. Je ne suis peut-être pas gymnaste, mais je sais faire le grand écart !
Je suis reçu par Roland Girardin, responsable des ventes pour la région Neuchâtel, Jura, Fribourg et nord vaudois. Nous nous étions rencontrés fortuitement voici deux semaines dans un restaurant. Découvrant que nous serions tous deux en Valais le 25 février, il m’a invité à rencontrer Madeleine Gay, et à découvrir l’Espace Club. En attendant que Madeleine Gay nous rejoigne, nous parcourons ensemble cet espace, dont le moins que l’on puisse dire est qu’il est très cosy. C’est moderne, stylé. On s’y sent bien.
tableau mural
Je découvre le système Enomatic (voir photo plus bas), qui permet à chacun de réaliser le service des vins de son choix. L’avantage de ce système, est que le volume de vin retiré est automatiquement compensé par la présence d’un gaz (le même qu’à l’embouteillage). Le risque de déguster un vin fatigué et où oxydé est donc quasi nul. Les vins sont dégustés à des températures de service sélectionnées. Le personnel de l’Espace Club doit seulement ouvrir les bouteilles, s’assurer qu’elles n’ont pas un problème de bouchon et remplacer la bouteille vide par la neuve.Mais avant de déguster, on achète une carte (montant à choix) que l’on insèrera dans chaque appareil (les appareils sont indépendants les uns des autres, sans quoi il suffirait qu’une personne glisse sa carte en voulant déguster pour la débiter à son insu.)
Dans l’Espace vente, Madeleine Gay revient rapidement sur les multiples gammes de vins de la coopérative. Un étagement des vins avec un positionnement clair est indispensable. Il va de soit que 10 millions de kilos de raisins ne sont pas destinés à une douzaine de vins, mais plutôt à plusieurs douzaines (si quelqu’un à la réponse concernant le chiffre exact). Madeleine Gay nous montre le vin de la coopérative qui est le plus connu en Suisse alémanique.  Je lui montre les étiquettes des vins qui m’ont fait connaître Provins (à l’époque dans les magasins Jumbo, dans le Jura (Courrendlin) et le Jura bernois ( à Biel/Bienne). Des vins destinés uniquement aux supermarchés. Et toutes les autres gammes : Pichet (en 50 cl), Découvertes, Maître de Chais (…) voir la liste complète en cliquant  ici
Auprès de nous, passent des clients avec leurs chariots à roulette. L’Espace vente est un véritable supermarché du vin, du vin le moins cher de la gamme, jusqu’aux caisses les plus prestigieuses de la maison, comme, par exemple celles de La Mémoire du Temps.
Puis, nous passons dans la « zone interdite » :
Nous traversons les quais où arrivent les vendanges (de la taille d’un terrain de handball peut-être), pénétrons dans une salle remplie d’immenses batteries de cuves inox. C’est une véritable « forêt » constituée de deux cuves troconniques inox superposées l’une sur l’autre, sur une hauteur proche de 20 m ! Incroyable, nous venons de franchir une porte de taille normale, et nous voila dans une cuverie aux dimensions d’une cathédrale.
Nous visitons les deux chais à barriques (au nombre de 1500, la plupart en chêne, certains sont en mélèze du pays). Pour la plupart, il s’agit de fûts de 228 l, mais il y a aussi des demi-muids. Madeleine Gay nous montre également quelques foudres de bois âgés de quelque 70 ans (récupérés je crois auprès de la filliale Riondaz). Des foudres qu’elle semble beaucoup apprécier pour des vins qui ne supporteraient pas un élevage sous bois dans un contenant de petite taille.
Nous arrivons ensuite dans une vaste pièce où les cuves métalliques sont de taille bien modestes par rapport à la cuverie précédente. Certaines ne font que quatre mètres de haut, peut-être six mètres pour les plus hautes. Il y a également des cuves bois tronconniques (une inspiration bordelaise). C’est ici, et dans le chai à barriques que sont vinifiés et élevés les vins estampillés « Madeleine Gay ». Avant de quitter la pièce, l’oenologue nous montre l’égrappoir -rangé dans cette pièce- qu’elle utilisait à ses débuts chez Provins, quand elle travaillait des vendanges aux volumes bien plus modestes.
Avant de retourner vers l’Espace de dégustation, nous jetons un coup d’oeil dans la « pièce » d’entreposage des cartons destinés à la vente. Peut-être 30 m sous plafond, c’est vertigineux !
Roland Girardin parle d’une surface au sol de 25000 mètres carrés chez PROVINS à Sion ! Cuveries, chais, stockage, mais pas de chaîne de mise en bouteilles. La coopérative Provins et la maison Orsat (propriété de Rouvinez Vins) ont crées en ce but une société au nom de CEVINS. Cette dernière se trouve à Martigny.
Madeleine Gay et Roland Girardin
 
Nous dégustons quelques vins présentés par la vinificatrice. Une nouvelle fois, je ne prends pas de note.
Nous commençons par une pure roussanne (Mémoire du Temps 2007) : nez fin, puissant avec une note d’abricot. La bouche est riche, mais tendue, vive, fraîche et longue. Un beau premier vin. Ce qui est intéressant, c’est que les arômes perçus au nez laissaient croire que le vin serait riche et capiteux. Or, il est riche et sec.
Nous poursuivons la dégustation avec deux petites arvines. La première, de la gamme Grand Métral, est fraîche, tonique, droite, parfaitement typée. La seconde bien que sèche, est plus large, plus dense. Un vin également bien typé. Voici deux vins différents, d’un même cépage. La seconde petite arvine provient de la gamme Maître de Chais. Elle a été élevée en cuve, sur lies fines. La PA Grand Métral se destinant sans problème pour un usage tant apéritif que gastronomique. La PA Maître de Chais étant sans conteste davantage un vin de gastronomie. A titre personnel, j’aime beaucoup marier à table la PA avec les sushis.Un accord avec des huîtres peut être très intéressant.
La dégustation continue, j’ai encore très apprécié deux vins blancs : une marsanne (Ermitage, mais de quelle gamme ?), et auparavant une Heida de la collection Chandra Kurt, une journaliste suisse alémanique. Cette Heida élevée sur lies sera peut-être mon coup de coeur des vins dégustés rue de l’Industrie ce jour. Palette aromatique, puissance, longueur et compléxité. D’une vinosité et d’une finesse remarquables.
Une question me brûle les lèvres, mais Madeleine Gay la devance : elle réalise les vins qu’elle aime ! Elle ne fait pas de seconde fermentation autant que faire ce peut. Les vins y gagnent en fraîcheur et en tonicité. Certains vins sont véritablement ciselés.
Parmi les vins rouges dégustés quasiment à la dérobée lors de notre départ (je venais d’annoncer que nous étions encore attendu auprès de Thierry Constantin au Pont-de-la-Morge), je garde le souvenir d’un diolinoir particulièrement fin et fruité (un vin de domaine si ma mémoire a enregistré correctement l’information), et d’un cornalin tout en fruit (griotte).
 
Un grand merci à Roland Girardin et à Madeleine Gay pour leur accueil, leur disponibilité, mais aussi pour la visite dans le  « saint des saints » !
Merci aussi pour l’assiette valaisanne offerte…et à son clin d’œil à notre région avec la Tête-de-Moine qui l’accompagnait.
 
Laurent
 
Juste avant de partir, malicieuse, Madeleine Gay de me faire remarquer que je portais les couleurs de Provins (j’avais un pull rouge et noir). Ce n’était pas fait exprès, vous pensez bien. Trente ans de passion pour son entreprise je vous dis !
le système Enomatic, où le libre service réinventé
Le libre-service réinventé avec le système Enomatic. Pour l’utiliser, il suffit d’acheter une carte de dégustation (de type crédit) auprès du personnel,  de se prendre un verre de dégustation, puis de sélectionner et se servir son (ses) vin(s) après avoir inséré la carte dans la fente de l’appareil Enomatic de son choix (ils sont indépendants les uns des autres).