Travail de Mémoire V : voir Morat et comprendre l'histoire

où l’on reparle de Bourgogne. Mais il ne se déguste pas, au contraire, il boit la tasse…
Divine surprise, le bus est à peine stoppé devant la porte de Berne, que l’on nous annonce une visitée guidée et commentée de la ville de Morat (Murten en allemand) durant une heure. Informations diverses relatives à l’architecture médiévale et sur l’histoire de la cité, mais surtout évocation de la terrible bataille entre les Confédérés (avec leurs alliés de Lorraine et du Haut-Rhin) et Charles de Bourgogne, dit Le Téméraire, qui s’est déroulée devant ses murs le 22 juin 1476. Nous nous sommes scindés en deux groupes et avons suivis nos guides avec plaisir.
Berntor et remparts Est de la ville de Morat
Berntor
Nous entrons de plain-pied dans un monde de culture, où l’histoire régionale et européenne se sont écrites ici. Un grand merci à ceux qui ont provoqué cette visite aussi précieuse qu’instructive. Un grand merci aussi bien sûr aux deux guides qui ont « dirigés » nos groupes.
Berntor II
La Bern Tor, ou Porte de Berne.
Rappel historique des évènements locaux et des enjeux européens de l’époque :
Le Duché de Bourgogne aspirait à s’agrandir et à devenir un territoire continu depuis la mer du Nord jusqu’aux Alpes. Charles le Téméraire exerçait donc des pressions depuis la Savoie jusqu’à la Lorraine pour parvenir à ses fins.
Le roi de France, Louis XI, et l’Empereur du Saint Empire Germanique, Frédéric III (*), se sentaient menacés par leur bouillonnant voisin. Le conflit qui opposait le Duc de Bourgogne -certainement le souverain européen le mieux armé de l’époque, aux cantons suisses les arrangeait bien.
détail d'une plaque de marbre
Les deux attaques de Charles Le Téméraire en terres suisses :
Première tentative d’annexion et la bataille du 02 mars 1476 à Grandson : Une bataille de courte durée et une lourde défaite pour le Duc de Bourgogne.
Moins de trois mois plus tard, Charles le Téméraire est de retour en Suisse, avec un gros désir de vengeance. Depuis cette défaite, Charles le Téméraire s’est décidé à porter la barbe. Il se disait prêt à ne la raser qu’après avoir revu les suisses (et les avoir battus). C’est donc avec une forte importante armée, très bien équipée qui plus est ( des forces estimées à plus de 22.000 hommes) que Charles Le Téméraire s’installa devant Morat, après avoir rassemblé puis préparé ses troupes dans la région de Lausanne.
Le bourguignon comptait de nombreux mercenaires étrangers dans ses troupes (des italiens, des savoyards, des archers anglais). S’il avait perdu ses canons les plus modernes à Grandson, il possédait d’autres canons, mais plus anciens.
En tout état de cause, si l’équilibre entre les hommes des deux armées était proche (les historiens évoquent un nombre d’hommes du côté des Confédérés plus ou moins identique à celui des troupes bourguignonnes), il n’en était pas de même en terme de stratégie (et d’expérience du sens de la guerre) et surtout d’équipement des troupes.
Avant la bataille, l’équilibre des forces penchait nettement en faveur de l’envahisseur bourguignon.
Quelques vues sur Morat et ses remparts ainsi que sur la vieille cité :
Morat vue interne sur les remparts et la ville
Morat
Au-delà du lac, on aperçoit le Mont Vully et plus loin encore une partie de la chaîne du Jura (le massif de Chasseral principalement)  :
Morat II
Les remparts protégeaient la ville sur les côtés est, sud et ouest. Il n’y en avait pas sur le côté nord, face au lac, qui est un élément de défense naturel de la ville, qui le domine.
La Bataille de Morat :
Pourquoi attaquer cette petite ville ? Morat était une étape avant Berne, dont les hommes avaient causés tant de dégâts aux bourguignons à Grandson. Faire son siège était indispensable afin de pouvoir également bénéficier d’une armée parfaitement ravitaillée avant de combattre les bernois. Peut -être aussi Morat pouvait-elle constituer une base de repli en cas de besoin pour ses troupes.
La petite ville de Morat était défendue par seulement 2000 hommes, dirigés par Adrian Von Bubenberg. Ce dernier avait fait redresser les remparts sachant que les bourguignons étaient équipés de canons.
Lors du premier assaut, ces canons réussirent à créer une brèche dans les murs. Mais la vaillance des défenseurs empêcha les bourguignons de pénétrer dans la cité.
Suite à ce premier assaut, l’armée des Confédérés (des bernois, schwytzois et zürichois, principalement, mais pas uniquement) et de leurs alliés Lorrains et Alsaciens est venue en aide aux défenseurs de la ville. Leurs troupes s’étaient regroupées à proximité et étaient restées cachées de l’ennemi bourguignon.
Elles attaquèrent brusquement les bourguignons dans leur camp le 22 juin. Ces derniers ne s’étaient pas préparés au combat en raison d’une pluie importante. La première attaque a échoué, mais rapidement, des Confédérés ont réussi à contourner les canons de l’assaillant et les ont mis hors d’état de nuire. Cernée de toutes parts, l’armée bourguignonne a été mise en pièce dans le corps à corps qui s’en est suivit, ainsi qu’au cours de sa retraite (les suisses n’ayant pas fait de prisonniers).
Charles le Téméraire a réussi à se sauver en prenant la fuite par la route d’Avenches. Des soldats bourguignons périrent noyés ou tués également sur le lac de Morat où ils avaient pensé trouver refuge. C’était sans compter sur la détermination des Confédérés.
On estime les pertes humaines à 400 hommes chez les Confédérés (principalement lors de la première attaque, où ils auront été victimes de l’artillerie bourguignonne), et à plus de 10.000 du côté des bourguignons et de leurs mercenaires.
Le sursis du Duc de Bourgogne ne sera pas long : il mourra le 05 janvier 1477 devant les portes de Nancy, face à une coalition de Lorrains, de Confédérés et d’Autrichiens.
Louis XI et Frédéric III, seront les grands gagnants de ce conflit, puisque la Bourgogne et la Picardie revinrent au royaume de France. Quant à la Haute Alsace et la Forêt Noire, elles revinrent à l’Autriche (à l’Empire Austro-Germanique).
Du côté des Confédérés, c’est surtout la préservation de l’indépendance suite à ces combats qui est à souligner. Les cantons de Soleure et de Fribourg feront leur entrée dans la Confédération vers cette époque. Les autres gains sont mineurs. Ils résultent en des changements de places fortes et de cités en faveur de quelques cantons, dont Berne, le grand bénéficiaire.
Ces épisodes militaires vont mettre en exergue le talent guerrier des suisses, qui deviennent dès lors des mercenaires recherchés par nombre de monarques européens en mal de soldats.
La victoire de Morat est également le point de départ de l’histoire du canton de Fribourg, qui s’est créé après ces évènements. Un vainqueur de la bataille aurait parcouru au pas de course et en tenant un rameau de tilleul, la distance de Morat à Fribourg pour annoncer la victoire des Confédérés. Le malheureux serait décédé suite à son effort. Le tilleul qui orne la place de l’hôtel de Ville de Fribourg serait né de ce rameau.
Il existe une course commémorative qui se déroule tous les ans entre les deux villes.
A Morat, il existe également depuis dix ans une autre course : le Slow Up. Un parcours de 32 kilomètres autour du lac de Morat. Les routes principales sont fermées à la circulation. Seuls les amateurs de mobilité douce (vélo, roller ou à pied) ainsi que les véhicules de secours peuvent circuler librement sur les routes.
Liens sur la bataille de Morat pour les fondus d’histoire Suisse : le fameux panorama de la bataille de Morat (10,5 x 95 mètres), peint au XIXe siècle, en vision panoramique.
Depuis le site officiel , ou depuis site non officiel, ici
Suite à la visite de la ville, nous avons été brièvement reçus par madame la syndic de la ville de Morat, qui avait tenu à honorer les membres de l’association dans une salle de l’hôtel de ville au cours d’une petite réception. Nous avons à cette occasion dégusté deux vins du Cru de l’hôpital (le pinot noir et le chasselas) et grignoté quelques biscuits apéritifs. Je vous rappelle que des vins du Cru de l’Hôpital de Morat sont les vins officiels des réceptions de la commune de Morat, mais cette information ne devrait surprendre personne.
Puis nous avons repris la route, en direction de Môtier (commune située sur la rive sud du lac), pour visiter le Cru de l’Hôpital, la cave dirigée par Christian Vessaz, l’œnologue en charge du domaine et de la cave. Il n’y aura pas de visite des vignes, pourtant contiguës pour certaines à la cave, en raison de la nuit qui a fait son apparition.
Laurent
(*) Contrairement à une idée largement répandue, et donc fausse, Frédéric III de Habsbourg n’a pas inventé l’orthophonie avec son exercice AEIOU.
AEIOU est le monogramme de la devise de la famille de Habsbourg : Austriae Est Imperare Orbi Universo : Il appartient à l’Autriche (à l’empire) de dominer le monde.
Mais, il semble que plusieurs significations existent. Voir ici