Les vins de Jerez, Xérès, Sherry : présentation et compréhension de ces vins mûtés

Jerez/sherry, Xérès : Introduction 
Les Jerez sont des vins mutés ou vinés, par apport d’eau-de-vie de raisin titrant 95° d’alcool. Le mutage se fait à la fin de la fermentation alcoolique. Le Porto, par exemple, est muté dès le 2e ou 3e jour de la fermentation alcoolique (pour avoir des vins sucrés).
L’une des premières particularités de certains Jerez est donc d’être des vins vinés secs, car tous les sucres des baies ont été transformés en alcool. Les vins doux de Jerez ont vu eux, leur fermentation interrompue comme pour le Porto.
 
Les cépages du Jerez :
– Palomino fino, le cépage du Fino, le plus planté dans la DO ( > 95 %)
– Moscatel,
– Pedro Ximenez,
Ces deux derniers sont surtout utilisés en assemblage, mais parfois seuls aussi, en vins doux.
 
Elaboration des Jerez :
Les vendanges débutent début septembre et durent près d’un mois. Sitôt la vendange apportée à la cave, après éraflage, les baies sont pressées de plus en plus souvent dans des pressoirs pneumatiques (action douce).
Pour 100 kg de baies on ne doit obtenir qu’un maximum légal de 71 l de jus.
Le jus des deux autres presses possibles, donnera un vin sans appellation Jerez, ou sera destiné à la distillation.
Les suspensions solides après pressurage sont retirées par débourbage (phase de repos du moût qui permet aux suspensions de se déposer au fond du récipient) où par centrifugation.
La fermentation du moût peut débuter. Elle se fait de plus en plus souvent dans des cuves métalliques thermorégulées de grande contenance, à températures basses (22 à 24° Celsius). Parfois encore dans les tonneaux de chêne (Botas).
A la fin de cette étape, une première dégustation va classer les vins qualitativement (inscription notée sur les barriques) :
I    Un trait
Vins très purs au nez. Ils possèdent des arômes aptes à l’élaboration de Finos, Manzanillas et Amontillados.
I.    Un trait et un point
Vins plus consistants, parfaits pour l’élaborer des Olorosos.
II    Deux traits
Vins qui serviront à l’élaboration d’autres vins que les Finos et, que l’on définira au cours d’une seconde classification.
III    Trois traits
Vins dont l’évolution a été déficiente. Ils seront distillés.
 
C’est alors que les vins sont placés dans des Botas pour y être élevés et mutés.
On distingue donc dès la fin de la fermentation alcoolique deux grandes familles : – les Finos vins mutés à 15.5° d’alcool, mais certains de ces vins ne verront pas la Flor se développer, ils seront utilisés différemment.
– les Olorosos, vins mutés à 18°.
 
Mais la toute première sélection se faisait déjà dans les vignes. Les meilleurs sols d’Albariza (cf. La DO Jerez Superior) sont réservés à l’élaboration des Finos.
Les sols plus riches en argiles et en sable sont réservés aux Olorosos.
Un des mystères du Jerez, est que pour des vins tout à fait semblables en apparence, parfois à l’origine identique, la Flor (voir plus loin) va se développer dans une barrique et pas dans une autre. C’est le vin qui décidera de lui-même et sans intervention humaine, dans quelle catégorie il se rangera.
 
Les différents types de vins de Jerez :
 ß Fino : C’est un vin très sec, de couleur claire à dorée. Il est issu du Palomino Fino. Son vieillissement est de trois années minimum (idem pour la Manzanilla). Il peut durer jusqu’à quinze ans. Vieilli sous Flor ou Fleur.
En raison d’une filtration lors de la mise en bouteille, il perd de sa couleur et sa turbidité naturelle ainsi, que d’une certaine capacité au vieillissement. Il est à consommer rapidement après sa mise en bouteille. II se déguste frais. Il titre 15.5° d’alcool. Avant mutage le Palomino Fino titre entre 11 et 11.5° naturellement.
ß Manzanilla : c’est le nom des Finos qui proviennent de la région de Sanlucar de Barrameda, la plus proche de l’océan Atlantique. Également sèche, la Manzanilla possède un aspect plus clair encore que le Fino. Elle présente souvent une note iodée et, davantage d’amertume que lui.
Fino et Manzanilla après trois ans d’élevage seront différenciés après dégustation en fonction de la pureté, de la finesse et de la délicatesse de leurs arômes par un nouveau code : de une à trois palmes. Les meilleurs deviendront des Amontillados au cours de leur vieillissement. Après trois ans de vieillissement, ls peuvent désormais être mis en vente.
ß Pasada : C’est un vin issu de la Manzanilla de Sanlucar de Barrameda, mais plus puissant. Il ressemble à un Amontillado. Vin intermédiaire entre les deux en fait. Typé par la Flor. A Jerez de la Frontera, on parle de Fino Amontillado.
ß Amontillado : c’est un Fino vieilli longuement dans une atmosphère oxydante : la Flor qui a épuisé ses réserves nutritives a disparu.
C’est un vin sec, de couleur ambrée, souvent puissant mais fin. Il titre de 17 à 17.5° d’alcool après un nouveau mutage.
NB : De nombreux Amontillados dans le commerce sont issus de Rayas (des Olorosos de moindre qualité), sucrés, et vendus sous ce nom. La législation devrait protéger le consommateur en empêchant la dénomination sous le nom d’Amontillado dans ce cas.
Les vins au nez très pur, ressemblant en cela à des Amontillados, mais possédant l’épaisseur en bouche d’un Oloroso verront leurs barriques notées de traits obliques croisés de un à trois traits horizontaux. Ce sont les Palos Cortados :
+ Palo Cortado : C’est un vin très rare, sec, vieilli sans Flor, De couleur acajou brillant, à l’arôme de noisette, sec au palais, équilibré, élégant et très persistant.
Il allie les caractéristiques douces, délicates et amères du vin Amontillado à celles, vineuses et épaisses du vin Oloroso. Il titre 18° d’alcool.
+ Oloroso : C’est un Jerez sec élevé sans Flor, dans une atmosphère oxydante. Plus complexe et corsé que les précédents. De couleur acajou à brun foncé, il possède des arômes de noix.Il est viné (muté) à 18° d’alcool.
+ Cream : c’est un Oloroso qui a été sucré. Souvent issu d’assemblage de vins très doux, comme des raisins de Pedro Ximenez passerillés au soleil. Ces vins peuvent avoir été foncés avec un sirop sucré.
+ Pale cream : Souvent un assemblage de Fino et de vin doux. Mais il peut aussi être issu d’Oloroso . Dans ce cas, sa couleur est peu soutenue, suite à une filtration au charbon. Il est produit pour l’exportation principalement.
+ Pedro Ximenez ou PX : Vin doux issu de ce cépage. De couleur acajou, puissant au nez comme en bouche. Donne une impression presque huileuse, mais équilibrée. Il titre 17° d’alcool.
 
D’autres mots des vins de Jerez
Flor ou fleur : ce sont des levures flottantes sur le vin (de la famille des Saccharomyces, il y en a quatre variétés à Jerez) typiques du Fino chez qui elles apparaissent spontanément sans intervention humaine. Elles oxydent lentement les vins et, leur confèrent leur typicité : elles consomment une partie de l’alcool du vin, mais leur apportent des éléments nutritifs en contre-partie. Ces levures fleurissent au printemps et en automne. En été et en hiver, elles perdent de leur virulence, c’est pourquoi le voile est plus mince. Au-delà de 16° d’alcool, la Flor ne peut plus soit apparaître, soit survivre.
 
Solera : c’est une technique qui consiste à apporter au vin vieillissant en tonneaux, une part de vin identique, un an plus jeune, pour apporter des substances nutritives à la Flor, et lui permettre de survivre. Le vin vieux, éduque le vin jeune. Le système permet d’obtenir une homogénéité de la qualité et du style de Jerez produit. Sytème usité également à Malaga.
Fonctionnement de la Solera :
Dans les caves de stockage, la Solera est composée de plusieurs étages de fûts (le plus souvent trois) contenant des vins de millésimes différents. On retire une partie du vin contenu dans le Bota de l’étage inférieur (Solera vient de suelo, le sol) qui est destiné à la vente. Le soutirage de cet étage est compensé par l’ajout de vin venant de fûts de l’étage supérieur : la Criadera.
A son tour, la Criadera est complétée par du vin venant de la seconde Criadera, et ainsi de suite jusqu’à ce que le dernier étage soit rempli avec du vin nouveau.
Le prélèvement maximum autorisé dans un Bota est d’un tiers maximum (Finos ?)
Pour que le vin versé dans un Bota n’abîme pas la couche de Flor, on utilise des outils créés à cet effet, afin que l’écoulement soit doux.
On le comprend aisément, le travail d’une Solera requiert une main-d’oeuvre importante.
Un produit étiqueté « Solera 1880 », provient d’une Solera installée en 1880.
Botas : ce sont les tonneaux ou sont élevés les vins de Jerez. D’une contenance de 600 litres, le plus souvent, ils ne sont remplis qu’aux 5/6.
Les tonneaux neufs ne conviennent pas à l’élevage de vins de Jerez. Ils sont donc utilisés pour d’autres vins auparavant. Par contre, ils peuvent être utilisés très longuement (la moyenne d’âge des Botas à Jerez est de 40 ans !).
Almacenista : entrepositaire du Jerez qui vend du vin aux expéditeurs. Ce terme figure sur les étiquettes de la maison Lustau, qui achète une partie de son Jerez à des almacenistas et le met en bouteille. Produits souvent de grande qualité.
 
La DO Jerez Superior : le triangle d’or de l’appellation
Les meilleurs sols de la DO Jerez se situent dans un triangle compris entre les trois communes de Jerez de la Frontera, El Puerto de Santa Maria et Sanlucar de Barrameda. C’est la DO Jerez Superior.
Les sols, de craie blanche sont appelés Albarizas. Ils possèdent la particularité de stocker un tiers de leur volume en eau, durant les mois les plus chauds. Cette eau (cf. un climat particulier) est retenue sous une croûte de terre par condensation.
C’est dans cette zone que le Palomino est un souverain incontesté. Le Moscatel et le Pedro Ximenez n’étant présents pour 300 hectares à peine sur plus de 10.000.
Un climat particulier
En été, les températures dépassent très souvent les 30°, pour atteindre 40° C, surtout quand souffle un vent sec du Sud-Est : le Levante.