Une dégustation Taramarquable !

J’ai rencontré à Sierre et à Granges, en Valais, jeudi 19 janvier 2006, Robert Taramarcaz, un jeune ingénieur œnologue, responsable du domaine familial :
Le Domaine des Muses
Une présentation s’impose :
Robert Taramarcaz est très certainement aujourd’hui le vigneron valaisan le plus « bourguignon ».
C’est en effet à l’Institut Universitaire de la Vigne et du Vin Jules Guyot de Dijon, qu’il a réalisé pour partie ses études, et obtenu son DNO. Il cite bien volontiers deux enseignants dont les cours l’ont marqué : Mme Dominique Peyron et Mr Michel Feuillat.
Son mémoire d’œnologue a eu pour thème les vins doux. Ainsi en collaboration également avec la Station Fédérale de Recherches de Changins, il a comparé la méthode traditionnelle de type Grain Noble ConfidenCiel, à diverses méthodes industrielles « dîtes soustractives ».
Il continue de collaborer avec les instituts qui l’ont formé, et réalisant chaque année une étude différente.
Avant ses études en Bourgogne, il a fréquenté l’école d’ingénieurs de Changins (école et centre de recherche agronomique romand, près de Lausanne), et réalisé un stage de vinification en Nouvelle-Zélande au domaine Sacred Hill.
Depuis 2001, il dirige les travaux de viticulture et d’œnologie du Domaine des Muses, avec une ambition claire : réaliser des vins élégants, purs, représentatifs de leur terroir, ainsi que du millésime qui les a vu naître.
Défenseur passionné du chasselas, il travaille bien évidemment aussi les cépages autochtones (au total, 13 cépages sont plantés au domaine). Il possède un intérêt très marqué pour les deux cultivars bourguignons : le pinot noir (n’oublions pas qu’en Valais, il représente un tiers de la surface viticole cantonale -c’est le cépage le plus cultivé), mais aussi le chardonnay, dont les résultats sont pour le moins étonnants !
Je gage d’ailleurs que Dominique Fornage, dégustateur valaisan, vienne à glisser prochainement un flacon de l’un ou l’autre de ces deux vins lors d’une dégustation pour BA. Juste pour voir, …
Si le nom du Domaine des Muses est un héritage issu de ses parents, Robert a fait bien plus que de s’en accommoder. Il a fait sien de ce nom. Ceci d’autant plus facilement que le monde des arts et du théâtre est chez lui une autre passion.
Conserver ce nom, pour ne pas dire le magnifier, était aussi une façon pour lui de rendre hommage à ses parents, pour tout ce qu’ils ont su lui transmettre.
Un jeune homme heureux assurément !
Au fait, il a joué Valmont au théâtre.
La visite au Domaine des Muses serait-elle « une liaison dangereuse » ?
La dégustation d’hier a été très convaincante. Bien qu’absente, Nathalie (ma femme) en lisant mes notes de dégustation en a tiré un joli jeu de mots : Une dégustation Taramarquable !
Pinot Noir « Réserve » 2002 : (barrique)
Jolie robe rubis d’intensité moyenne. Le nez est encore dominé par une fine note grillée, mais qui n’est pas envahissante. On perçoit aussi des notes de petits fruits rouges et noirs. La bouche possède une jolie acidité qui accompagne le vin avec élégance. Les tannins sont fins, moyennement serrés. Le tout possède de l’équilibre, et une belle longueur. Un vin récolté à 85° Oechslé. Encore jeune, qui peut être encore attendu quelques années. Très bien.
Cornalin 04 : (cuve)
Robe rubis, avec quelques reflets plus intenses. Elle est plutôt claire pour un vin de cornalin (l’intensité est assez proche de celle du vin précédent). Le nez est gorgé de fruits rouges (dont la fraise, la cerise), une petite note herbacée, nullement gênante est aussi perceptible. La bouche est bien constituée, mais elle ne possède aucune lourdeur. Au contraire, le vin est alerte, avec des tannins très fins, et il possède beaucoup d’équilibre. Belle longueur à nouveau. Robert Taramarcaz a recherché et obtenu, avec ce vin, ce qu’il voulait : un fruité dominant, associé à une bouche conservant beaucoup de fraîcheur. Un vin doit savoir rester digeste pour pouvoir être bu !
Très bien.
Humagne rouge 04 : (cuve)
A nouveau, la robe est d’intensité moyenne (ce qui est très fréquent avec ce cépage). Nez discret ou j’ai trouvé une note d’amande après une note plus classique de cerise. Le vin est un peu froid. Il possède une astringence que les deux vins précédents ne possèdent pas, peut-être que la température en est la cause, pour partie en tout cas. La bouche est toutefois bien constituée. Il faudra lui laisser un peu de temps et le re-déguster dans un an. Bien.
Chasselas 04 :
La robe offre une belle couleur jaune. On sent la poire mûre, puis le vin devient minéral. La bouche est joliment structurée, fine, fraîche (que serait le chasselas sans fraîcheur ?), légèrement perlante (contrairement aux habitudes générales en vigueur, Robert a retiré une partie du CO2 plutôt que d’en ajouter). Belle longueur. Très bien. Ce chasselas est issu de vieilles vignes cultivées à Vétroz, Conthey, Granges.
Chardonnay 02 « Réserve » (barrique) :
Très belle robe or, brillante, possédant une belle intensité. Le nez est complexe, riche, le boisé parfaitement intégré, apporte beaucoup d’élégance à ce vin. L’acidité du vin, présente, mais pas agressive ennoblit l’ensemble. La bouche est savoureuse, longue et équilibrée. Un vin qui peut être encore attendu. Il montre un potentiel certain autant que le savoir faire de l’encaveur. Très bien.
Le millésime 04 dégusté voici deux semaines à la maison, s’était montré également sous un très bon jour. Mais le vin du millésime 02 me semble plus complet, plus « abouti ».
Euterpe « séduction blanche » 02 (barrique) :
Un vin d’assemblage issu de Petite Arvine et d’Humagne Blanche. La robe est jaune pâle. Le nez est riche, complexe, on sent des notes de fruits exotiques, dont l’ananas qui domine. La bouche est ronde, très fraîche, au toucher très tendre, fin (nous avons affaire à un vin sec !), équilibrée, longue. Un vin qui possède une certaine classe. Très bien. Un vin qui devrait se plaire avec une cuisine asiatique (je verrais bien un poisson assez gras, sans crème, mais plutôt une sauce citronée délicate pour l’accompagner).
On touche désormais aux vins liquoreux, sujet « fétiche » de mon hôte.
Muscat 04 :
Le nez, très fruité, intense, est très typé muscat. Cela relève de la lapalissade, mais ce n’est en rien péjoratif !
La bouche bien que douce est vive, fraîche, sans lourdeur, une note de citron en finale accompagne avec élégance la matière. Et l’on reparle à nouveau avec Robert de la nécessité pour un vin d’être agréable à boire, pas uniquement à déguster. Très bien.
Polymnie 03 : (barrique)
Voici un vin liquoreux issu de la Charte Grain Noble ConfidenCiel. Issu donc d’un élevage en barrique, et qui a obtenu son agrément après dégustation.
Il s’agit d’un assemblage de malvoisie (pinot gris) pour un tiers, et de marsanne pour les deux tiers.
Belle robe jaune clair, brillant d’un bel éclat. Au nez, le botrytis est d’emblée présent, par les notes confites, on perçoit aussi des notes de truffe. Le vin est gras, riche, au toucher très doux, fin. Belle matière équilibrée, de belle longueur. Très bien. Le millésime 03 est passé par là : l’acidité est faible, ce qui rend le vin peut-être plus agréable immédiatement.
Une dégustation très homogène dans sa qualité, où seul l’humagne rouge était en retrait. Nous avons pu prendre tout notre temps pour déguster et discuter. J’ai découvert aujourd’hui un domaine qui je crois, n’a pas fini de faire entendre la voix de ses muses. En bien, par Zeus !